La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier

la jeune fille à la perleDelft, 1664. La jeune Griet doit travailler car son père est devenu aveugle. Elle entre au service des Vermeer : le père de famille est un peintre dont on parle en ville et auquel les notables passent commande. La jeune fille travaille dès lors très dur : lavage, repassage, ménage, courses… son seul plaisir étant d’épousseter l’atelier du maître. Car il lui a donné l’autorisation quasi exclusive d’y pénétrer et bientôt, de lui préparer ses couleurs ; mais personne dans la maison ne doit être mis au courant. Ce qui n’est pas chose facile car la famille de Vermeer est déjà grande quand Griet entre à son service, et elle ne va pas tarder à s’agrandir, d’année en année, jusqu’à onze enfants.

Griet est la narratrice de ce roman qui retrace son éveil à la sensibilité artistique. Mais cet homme qu’est aussi Vermeer, avant d’être un peintre, est aussi celui qui l’éveille au sentiment amoureux. Delft l’impassible n’a pas l’habitude de tels débordements émotionnels et la présence de Griet au sein de cette tranquille famille fera l’effet d’un quasi séisme (jamais ils n’auront été autant ennuyés par une servante). Mais un séisme contenu. Point ici de crises de larmes, encore moins de scènes d’hystérie ou de révolte. Les pulsions amoureuses sont suggérées avec délicatesse et les enthousiasmes enfouis sous les tissus et les bonnes manières.

J’ai été un peu déçue de ne pas en apprendre plus sur Vermeer lui-même (on en apprend plus sur les conditions de vie d’une servante que sur celles d’un peintre de l’Age d’Or hollandais). Quelques scènes se déroulent dans son atelier, on le voit placer les éléments des différents décors de ses tableaux (il est très intéressant de regarder en même temps des reproductions des tableaux en question, on retrouve les cartes aux murs, les tables sous la fenêtre à gauche des tableaux), broyer les couleurs, et très rarement peindre. On ne sait au final pas grand-chose de sa condition d’artiste, de ses obligations, de ses responsabilités au sein de la guilde de Saint-Luc en tant que maître peintre.

J’aurais donc aimé en apprendre plus sur Vermmer, mais j’ai apprécié la façon dont Tracy Chevalier fait d’un tableau un roman. S’emparant du mystère qui entoure la jeune fille à la perle dont on ne sait rien, elle construit une fiction plausible et très documentée. La grâce et la sensualité du tableau se retrouvent dans le roman. Elle imagine les circonstances dans lesquelles d’autres célèbres tableaux du peintre ont été réalisés, dans son atelier à l’intérieur de sa propre maison, rendant plus évident encore tout ce que la peinture de Vermeer doit à la banalité du quotidien, aux petites gens dans leurs attitudes les plus humbles.

Tracy Chevalier sur Tête de lecture

 

La jeune fille à la perle

Tracy Chevalier traduite de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Masek
La Table Ronde, 2004
ISBN : 9782710326762 – 272 pages – 17,50 €

Girl With a Pearl Earring, parution aux Etats-Unis : 1999

91 Comments

  1. Je suis bien d’accord, c’est un joli roman mais j’aurais aimé avoir davantage l’impression de mieux connaître Vermeer, de le suivre plus précisément dans ses occupations de peintre ,etc.

  2. Jamais lu… je dois bien être la seule. Vermeer c’est sa vue de Delft (merci!) et le petit pan de mur jaune cher à Proust, que veux tu, on ne se refait pas…

  3. J’ai aimé l’ambiance de la Hollande du 17e siècle et de l’atelier de Vermeer. Le personnage de Griet est attachant également. Une lecture coup de coeur pour moi. 🙂

  4. J’avais beaucoup aime ce livre et le fait que l’histoire se concentre sur la servante (et non sur Vermeer) ne m’a pas genee du tout, au contraire !

  5. J’avais beaucoup aimé ce livre pour l’ambiance et le détail sur la lumière et les couleurs qui comme tu le dis en font un vrai tableau en lui même. « La dame à la licorne » reprend d’ailleurs le même principe et se lit agréablement, même si je préfère celui-ci.

  6. Prodigireuses créatures m’a plu autant que La jeune fille à la perle.
    Dans ce roman ont apprend beaucoup sur la découverte des fossiles, avec toujours en arrière-plan, des informations sur l’époque.

  7. J’ai aimé le film, je n’ai pas encore lu le livre mais qu’est ce que j’aime ce tableau ! J’ai même demandé à un de mes amis dont la passion première est la peinture, de me faire ce tableau… Il m’a dit que ce ne serait pas facile mais a promis d’essayer !

  8. Exactement le même commentaire que Keisha : jamais lu le livre, le petit pan de mur jaune de Proust….
    En revanche j’ai regardé le film récemment à la TV ! (mon avis est mitigé …)

  9. Je garde un excellent souvenir de cette lecture et aussi de l’audition du livre audio, lu par Isabelle Carré c’est un bonheur
    je crois qu’on ne sait pas grand chose de Vermeer, son oeuvre oui mais sa vie ?? je te recommande le petit livre de Sylvie Germain sur sa peinture par contre

  10. Je ne l’ai pas lu, mais je me sentirais plus tentée par son dernier roman, « Prodigieuses créatures » (bien que je n’aime pas ce titre !)

  11. J’ai aimé le film. Mais que ce roman m’a ennuyée ! A un tel point que je n’ai plus jamais eu envie de lire cet auteur, malgré des résumés alléchants.

    1. J’ouvre donc la page « souvenirs ». Mon fils de 12 ans est rentré tout à l’heure de la bibliothèque avec un disque de Renaud : « j’étais tranquille j’étais pénard, je réparais ma mobylette, le type a surgi sur l’boulevard sur sa grosse moto super chouette… » 1977, ça ne nous rajeunit pas…

  12. Un bon souvenir de lecture ! J’ai lu beaucoup de choses de Tracy Chevalier, sauf le dernier, qui est très bien, paraît-il. J’ai aimé le film aussi (avec Colin Firth aussi…) De fait, on connaît peu de choses de Vermeer et il a peint peu de tableaux, finalement… Je note l’idée du livre de Sylvie Germain.

    1. J’ai cherché quelques renseignements ici et là. En fait, Vermeer était peu connu en dehors de Delft à l’époque, et comme ses tableaux étaient achetés par les notables du coin qui les enfermaient chez eux, ça n’a pas contribué à sa renommée de son vivant…

  13. Depuis les délicieuses créatures, j’ai emprunté ce roman : j’ai l’impression que tu as bien aimé ce roman. Ce qui me dérange avec ces récits mi réels et mi-fictionnels, c’est qu’on ne sait jamais là où s’arrête la frontière entre les deux !
    Je verrai ça après ma lecture !

    1. Oui effectivement, ça peut être gênant si on a envie de lire en apprenant des choses. Il faut dès le départ jouer le jeu de la fiction. Ça doit être très motivant pour un écrivain d’écrire dans les blancs de l’Histoire, de faits célèbres pour imaginer ce qui n’est pas arrivé jusqu’à nous, mais en respectant ce qui a été.

  14. Lu il y alongtemps, et adoré ! Le film est une très bonne adaptation. Sur Vermeer et l’histoire d’un de ses tableaux à travers les siècles, j’ai le souvenir également de « Jeune fille en bleu jacinthe » de Susan Vreeland, très beau.

    1. C’est le tout premier que je lis. Cette auteur a beaucoup écrit sur des personnages féminins à différentes époques. Comme beaucoup d’auteurs américains, elle travaille beaucoup la partie historique avant de se mettre à travailler et c’est très appréciable, j’aime ça chez eux. Prodigieuses créatures m’attire car j’aime l’époque à laquelle il se passe (début XIXe).

  15. J’ai lu ce roman il y a plusieurs années et je l’avais adoré. L’écritude de Tracy Chevalier est tout en finesse et va très bien avec l’histoire.
    Depuis j’ai vu le film qui est magnifique lui aussi.
    Et je suis même allée à Delft où je n’ai pas pu m’empêcher de penser au roman.

    Bref, pour moi il est vraiment à lire!

    1. J’imagine bien que les images du film doivent être belles, mais je préfère rester sur mon impression de lecture, n’étant pas particulièrement attirée par ces acteurs.

  16. Bonsoir Ys, j’avais aimé ce roman sur un peintre que j’adore. Et quand on va à New-York à la « Frick collection », on en prend plein les yeux. Les quelques tableaux de Vermeer qui sont accrochés font rêver. J’avais trouvé le film adapté un peu académique et pourtant il y avait Colin Firth. Bonne soirée.

  17. Un livre que j’ai lu il y a bien longtemps, mais je me souviens avoir aimé cette langueur qui s’en échappe. Pas grand chose ne se passe et pourtant le tableau prend vie sous nos yeux.

  18. Je l’avais bien aimé, ce roman. Surtout en regardant les tableaux en même temps, comme tu le dis. Il y a un côté un peu mystérieux dans tout ça… ils prenaient vie en ne faisant presque rien, ces personnages.

  19. finalement, j’ai préféré – et de loin – l’excellente biographie sur vermeer (dans ma « collection » beaux livres)
    on évite l’écueil « intrigue sentimentale » et c’est bien plus plaisant à lire

  20. C’est le premier roman de Tracy Chevalier que j’ai lu, et je dois reconnaître que j’avais apprécié cette atmosphère lente, posée, sans violence et tout en finesse où l’amour pointait au travers du travail d’élaboration de l’œuvre artistique ! J’ai très envie de le relire, pour le plaisir de me replonger dans cet univers de la peinture hollandaise, même si on est un peu frustrés de ne pas en savoir plus sur Vermeer et sa vie …

  21. J’avais beaucoup aimé le fait que ce peintre si observateur dans ces tableaux devienne aveugle une fois son bien être en jeu. Il me semble que cela lui donne complexité et profondeur.

  22. J’ai beaucoup aimé ce roman. Le reproche que tu lui fais de ne pas assez parler de Vermeer est vrai mais ce n’est pas lui le sujet du roman! C’est le tableau donc la servante! Et là, c’est réussi!

  23. Gros coup de coeur lorsque je l’avais lu… La poésie qui s’en dégage et le mystère de ce peintre m’avaient charmé… J’ai son dernier sous la main, il devrait être entamé dès ce soir !

  24. Je l’avais beaucoup aimé et c’était le premier livre de cette auteure que je lisais (d’ailleurs, c’était le premier d’elle qui sortait en France) mais depuis, il ne fait plus partie de mes favoris d’elle … j’en ai préféré d’autres que j’ai trouvés plus aboutis ou plus intéressants dans leur sujet 😉

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