C’est le seul nom de Kipling qui m’a donné envie d’ouvrir ce livre, auteur dont je ne savais pratiquement rien si ce n’est son attachement à son Inde natale. François Rivière, que je découvre, a choisi de brosser le portrait de l’auteur en jeune homme, lors de ses premières années londoniennes qui lui firent rencontrer Caroline Balestier, sa future femme.
Il n’est pourtant pas évident au départ que le jeune Anglo-Indien prenne femme. En effet, depuis son adolescence, ce sont les jeunes hommes qui lui ont valu ses premiers émois, sans pour autant qu’il passe à l’acte. Cette homosexualité refoulée par une éducation stricte se traduit par des nuits tendrement enlacé avec un jeune Danois recueilli dans les bas-fonds. Le jeune Kipling admire la virilité des marins et des soldats, mais toujours de loin.
Quand il arrive à Londres en 1889, il a vingt-quatre ans et est déjà célèbre pour ses Simples contes des collines (1888).Il rencontre un jeune américain, Wolcott Balestier qui deviendra son agent littéraire (profession toute nouvelle qui se développe en vue de protéger les intérêts des auteurs des éditions pirates à l’étranger). Parce qu’il ne sait pas comment gérer sa relation avec son nouvel ami, pas plus qu’avec sa sœur à l’allure très masculine, Kipling reste cachotier, maladroit. Il ne suppose rien de l’ouverture d’esprit de ces Américains que le puritanisme ne semble pas avoir contaminés. C’est en effet Wolcott qui va se charger de concrétiser les pulsions du jeune écrivain, sans que sa sœur s’en offense…
Si l’homosexualité de Kipling est au cœur du roman, François Rivière n’en aborde pas moins d’autres thèmes comme l’éducation des jeunes Anglais, le difficile arrachement à la terre natale, la création littéraire (durant ces années londoniennes, Kipling écrit La lumière qui s’éteint et entame la rédaction d’un roman avec Wolcott Balestier), la vie mondaine et culturelle à la fin du XIXe siècle et plus largement le bouillonnement artistique de la capitale britannique. On croise dans ce roman l’Américain Henry James (pas à son avantage) et le peintre Edward Burne-Jones (idem), oncle de Kipling. Les querelles et ragots qui agitent ce beau monde sont au premier plan, grâce au personnage d’une vieille fille écrivain à succès qui raconte pour un « tabloïd » la jeunesse indienne de l’écrivain, dévoilant aux yeux de tous certains des épisodes de sa vie les plus douloureux. C’est donc par cette miss Craik que le lecteur est informé des frustrations et peurs enfantines de celui qui peine à trouver sa place dans les salons anglais. Et c’est par des lettres que miss Balestier écrit à sa sœur restée aux États-Unis qu’on a le regard d’une femme sur cette histoire essentiellement masculine. Deux bonnes trouvailles narratives de François Rivière.
Enfin plane sur ce livre l’ombre d’Oscar Wilde dont le procès pour homosexualité (pratique interdite dans l’empire de sa très gracieuse majesté, même entre adultes consentants) aura lieu quelques années plus tard (1895), alors que Kipling se voit lui récompenser du prix Nobel de littérature (1907). Il est vrai que l’Anglo-Indien se montra beaucoup plus discret que le fougueux Irlandais…
Une lecture intéressante à bien des niveaux et une construction polyphonique habillement menée qui dévoile toute la complexité d’un auteur que nous ne lisons plus guère de notre côté de la Manche…
François Rivière est également l’auteur de Le livre de Kipling paru au Masque en 1995 et de plusieurs biographies d’écrivains britanniques (Agatha Christie, James Matthew Barrie, Enid Blyton…).
François Rivière sur Tête de lecture
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Le mariage de Kipling
François Rivière
Robert Laffont, 2011
978-2-221-11340-0 – 247 pages – 20 €
Très tentant ce petit livre. Je le note.
Je n’en ai pas entendu beaucoup d’écho et je suis d’autant plus contente d’avoir mis la main dessus : bonne trouvaille.
ton billet m’intéresse car j’ai lu la bio de kipling récemment et je me suis sentie frustrée car l’auteur ne dit les choses qu’avec tellement de circonvolutions que s’en est agaçant au possible
le personnage m’intrigue donc je vais noter ce livre là
Il ne s’agit là que de ses toutes premières années, mais déjà tout à fait intéressantes.
Je suis complètement charmée par ce billet : comme je connais mal Kippling et son oeuvre, je note cette biographie… D’ailleurs les autres biographies de Rivière me tente aussi…
Après Maurice de Forster, j’ai vu un film « another country » qui traite du même sujet…
Forster est un auteur qu’il me reste à découvrir, je sens qu’il me plaira…
Bonjour
François Rivière outre d’être un scénariste de BD, est un excellent auteur de romans de mystères et également un biographe. C’est un anglophile averti et son Kipling me tente vraiment
AMitiés
J’ai flâné ici et là pour trouver des renseignements sur cet auteur qui semble en effet avoir plus d’une corde à son arc.
Très tentant. Le thème de l’homosexualité pendant cette période m’intéresse d’ailleurs depuis un bon moment (la faute à Wilde 😉 )
Ledit Wilde fait une très courte apparition dans ce roman, mais pas à son avantage… on sent bien que la star ici, c’est Kipling 😉
Je ne connais pas bien Kipling. Alors pourquoi pas?
C’est en effet un excellent moyen de le découvrir.
Je ne connais pas cet auteur, mais cette biographie de Kipling me tente bien !
Je ne sais pas quelle est la part de fiction dans ce livre, mais ça n’est pas une biographie proprement dite, c’est un roman, et c’est encore plus plaisant pour découvrir un auteur, je trouve.
Je passe. J’ai lu il y a quelques mois deux nouvelles de Kipling qui m’avaient plutôt ennuyée (je n’ai d’ailleurs jamais fait de billet car je n’avais strictement rien à en dire…).
Je te comprends, ça ne donne pas envie, pourtant, son début de vie n’est pas du tout ennuyeux…
Je suis en plein De profundis. Je souffre… quel gâchis !
Version intégrale, expurgée ? Allez, personne ne t’en voudra si tu laisses tomber 😉
Je ne connaissais pas du tout la vie privée de Kipling. ça doit être une lecture intéressante.
On en apprend sur Kipling mais aussi sur l’époque et la vie littéraire, c’est très intéressant.
Je ne connais pas grand-chose de Kipling et le thème de l’homosexualité « refoulée » m’attire assez, je dois le reconnaitre.
Et le thème est abordé sans qu’il soit stigmatisé ou au contraire encouragé, juste comme une composante du personnage. Et le parallèle entre ce jeune homme à l’éducation anglaise et le jeune Américain est vraiment bienvenu sur le sujet.
J’ai lu quelques policiers de François Rivière, assez gentillets. J’ai davantage apprécié l’adaptation en BD des romans d’Agatha Christie et j’ai la bio d’Agatha Christie, prêtée par Niki.
L’auteur a en effet l’air de produire beaucoup dans des genres différents, je trouve que celui de la biographie romancée lui va bien.
J’avoue mon ignorance à peu près complète, j’ignorais que Kipling eût écrit autre chose que « le livre de la jungle », qui pour moi est un classique vraiment délicieux, c’est vous dire…
Quant à son homosexualité, elle ne me dérange pas, elle ne me regarde pas. Vu le destin d’Oscar Wilde, elle me le rendrait plutôt sympathique.
Justement, l’auteur souligne comment cette homosexualité dérangeait les contemporains…
Kipling étant un auteur que je connais très mal, cette biographie-là paraît être un bon point de départ pour commencer à le découvrir. Je ne savais même pas qu’il avait des tendances homosexuelles. Juste qu’il avait appelé à la guerre patriotique pendant la 1ère GM … C’est très léger, quand même ;-D
Moi non plus je ne connaissais pas grand-chose de cet homme, et ce livre-là est une façon agréable d’en découvrir plus.
Tout comme toi avant que tu ne lises ce livre, je ne connais pas vraiment Kipling, je n’ai d’ailleurs lu aucun de ses livres mais tu me donnes bien envie de découvrir cette biographie. 😉
J’en suis ravie, j’aime donner envie !