Stephen, le narrateur de ce roman, revient à Sawgamet alors que sa mère est mourante. Il se souvient de l’hiver de ses dix ans, quand son père et sa sœur sont morts, et quand son grand-père revint peu après au village. Ce sont trois générations qui se mêlent, depuis la fondation jusque la Seconde Guerre mondiale, et dessinent les contours de Sawgamet, comme un destin ou une légende.
Stephen a dix ans quand son père passe à travers la glace pour tenter de sauver sa sœur Marie : ils meurent tous deux, et leurs corps restent prisonniers du lac glacé tout l’hiver, leur main se tendant l’une vers l’autre. Sa mère restée veuve épouse le père Earl avec lequel elle restera mariée trente ans. C’est un homme bon, qui aime le petit Stephen et dont la vie est hantée par la mort de sa première femme. C’est alors que Jeannot, le grand-père de Stephen qui a jadis trouvé de l’or et fondé Sawgamet revient et raconte à son petit-fils son arrivée, la forêt intouchée, les créatures surnaturelles.
L’histoire de Jeannot est celle d’un fondateur : au début des années 1870, il quitte l’orphelinat de Montréal et renonce à devenir prêtre ; en deux ans, parcourt 4500 km vers l’Ouest et à 16 ans, fonde Sawgamet sur le bord du fleuve éponyme. Il y trouve de l’or (une pépite grosse comme un petit pain enfouie sous la cabane qu’il s’est construite) et bientôt, d’autres chercheurs affluent. Arrivent Franklin et sa soeur Martine qui vendent au départ des battées pour les chercheurs d’or, puis de bons petits plats. Ils installent un commerce, Martine cuisine et Franklin vend, elle s’ennuie, elle a froid. Jeannot ne trouve par d’or alors il se fait bucheron et commence à exploiter la forêt. Entre l’or et le bois, Sawgamet a vécu une apogée de quelques années. Mais l’histoire de Jeannot et Martine est marquée par la neige et le feu : la neige qui les enfouit pendant plusieurs mois sous dix mètres d’épaisseur et les pousse à manger de la chair humaine ; le feu qui réchauffe mais détruit les maisons et leurs habitants.
Les bois de Sawgamet aurait pu être un grand roman de formation, ou un roman historique sur la fondation d’une ville de l’ouest canadien et son développement. Mais Alexi Zentner choisit de ne s’attacher ni aux repères chronologiques ni aux faits mais plutôt aux événements plus ou moins fantasmés qui ont forgé ses personnages : la mort du père, la mort de la femme, la vie ensevelie sous la neige, mais aussi les qallupilluits, les wehtikos et les mahahas. Si le Sawgamet sauvage, surnaturel du grand-père disparaît peu à peu au gré du modernisme, il reste la parole et les souvenirs pour refaire surgir cette époque mythique.
Alexi Zentner s’inscrit dans la lignée du réalisme magique nord-américain, celui des légendes indiennes et de la terre insoumise. Il n’est pas nécessaire de croire pour lire, mais de laisser souffler les voix dans le vent et d’écouter tomber la neige…
Alexi Zentner sur Tête de lecture
Les bois de Sawgamet
Alexi Zentner traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas
Lattès, 2011
978-2-7096-3558-5 – 296 pages – 20.90 €
Touch, parution au Canada : 2011
Oh ça a l’air bien, je le note !! Ca fait penser un peu à Louise Erdrich, j’ai tort ? C’est de la rentrée littéraire de septembre ? (de maintenant, je veux dire)
Oui, de la rentrée de septembre, et proposé récemment en partenariat sur News Book 😉 Et non, pas Louise Erdrich (que j’ai abandonnée en route il y a peu, hum…).
Je ne te lis pas, je suis plongée dedans ! Pour l’instant, je suis plutôt séduite…
J’imagine bien, on est complètement immergé…
Allons bon, tu parles de « les qallupilluits, les wehtikos et les mahahas », comment je fais pour résister, j’ignore ce que c’est, mais franchement ça donne envie… ^_^
Oui, c’est vraiment tentant, divinités de l’eau, méchantes bêtes qui te poursuivent quand tu manges de la chair humaine… t’as pas expérimenté ça dans l’Ouest américain ? 😆
Tout ça donne me donne envie aussi ! Je crois que je vais le noter et tenter de le trouver prochainement !…
N’hésite pas : fraîcheur et dépaysement assurés.
Lu au début de l’été, ce roman a su me charmer. Il y règne une ambiance très particulière, que ton billet souligne avec délicatesse.
J’aimerais dire qu’on se croit au Canada, c’est vrai, mais vivre pendant des mois enfoui dans un village sous la neige, sans voir les autres, ni le ciel, ni le soleil, il faut certainement l’expérimenter pour s’en rendre vraiment compte…
Oui, j’aime bien Newsbook (et c’est pas pour te passer la brosse à reluire) mais je ne suis pas assez réactive pour les partenariats. J’en ai eu quelques-uns chez BOB dans le tmeps, aprce que c’était à moment fixe, ici c’est plus compliqué pour moi. Pas grave, je ferai vivre els libraires ou la bibliothèque !
Les partenariats restent en ligne toute une journée : il n’est plus nécessaire d’arriver en premier ou à une heure précise pour être sélectionné.
Je l’ai fini cette semaine (mon billet est prévu pour le 1er septembre) et j’ai également aimé sauf que la saison estivale m’a un peu freiné dans ma lecture. En fait ,c’est un roman idéal pour la saison hivernale, bien au chaud sous une couverture devant la cheminée. Mais c’est un bon premier roman qui m’a totalement envouté.
Merci encore pour ce partenariat!
Sous le soleil ardent du Languedoc, c’est pas mal non plus 😉
Il a tout pour me tenter, je vais attendre l’avis de Kathel et puis je note. La liste de rentrée s’allonge … s’allonge ….
Il va lui plaire, c’est sûr…
Ton avis est tentant, j’aime ce genre de procédé narratif !
Moi aussi, j’aime ces époques qui se mêlent sans pour autant perdre le lecteur.
Le côté divinités magiques, vilaines bêtes et mangeurs de chaire humaine me laisse sceptique. D’autant plus que j’ai déjà les bottes plongées dans la neige, mais dans le Kentucky, en ce moment.
Ça n’est pas un livre gore, j’espère que je n’ai pas suggéré ça… il y a juste un pan merveilleux qui fait partie du quotidien, accepté ou pas, selon l’époque
Ô quw oui que je vais m’y «plonger» dès que je mets la main dessus. Beau commentaire dame Yspadden.
J’ai de beaucoup préféré ce livre-là à celui de Joseph Boyden, comme quoi les romans canadiens se suivent et ne se ressemblent pas…
Cela donne envie, même si je suis un peu déçue d’apprendre que l’auteur ne s’attache pas vraiment au côté historique ! C’est noté !
C’est historique du fait que ça se passe pour une bonne partie dans le passé lointain du pays, et même la fondation, mais pas au sens de saga avec moult détails.
Un livre tentant, effectivement. je vais voir si je le trouve.
Je l’ai lu et j’ai beaucoup aimé. Je viens de découvrir ton billet juste après avoir publié le mien. Je ne savais pas que le courant littéraire auquel il appartient est le réalisme magique et pourtant, dans mon billet, j’ai écrit que j’avais été touchée par l’association de ces deux choses!
Le réalisme magique est un courant littéraire sud-américain, qui mêle le réalisme et la magie venue des mythes primitifs des peuples précolombiens. C’est un peu de la « magie ordinaire ». Alors le livre de Zentner ne s’inscrit pas exactement dans ce courant, mais il en a bien des caractéristiques.
Le thème me tente! Je note!
J’espère qu’il te plaira.