Adios Hemingway de Leonardo Padura

Mario Conde a quitté la police. Il se fait désormais libraire de livres anciens et si possible, écrivain. Par contre, il revoit toujours Manolo Palacios, son ex-collègue qui ne rechigne pas à lui demander un coup de main de temps en temps. Cette fois, c’est à l’ami autant qu’au collègue qu’il demande son aide, car il sait Mario grand admirateur de littérature américaine.

C’est qu’on vient de retrouver un cadavre, ou plutôt un squelette à la Finca Vigía, la propriété qui abrita Ernest Hemingway à La Havane. C’est ennuyeux, très ennuyeux, car le macchabée date du vivant du grand écrivain et qu’on a retrouvé à ses côtés une plaque d’agent du FBI. Celui-ci serait mort de deux balles de fusil entre 1957 et 1960. Avant que l’histoire ne fasse le tour du monde, il serait bon que le Conde fasse la lumière dessus.

Le roman aurait pu tourner à l’exercice d’admiration, mais il n’en est rien. Padura dessine plutôt un portrait de l’écrivain au plus prêt de son fichu caractère et de ses sales manières.

C’était vraiment un type bizarre. Il pissait dans le jardin, pétait partout. Des fois, il avait l’air de réfléchir, il se curait le nez et il faisait des boulettes avec ses crottes. Il ne supportait pas qu’on l’appelle monsieur. Il payait mieux que les autres Américains riches. Et il exigeait qu’on l’appelle Papa… il disait qu’il était le papa de tout le monde.

Taciturne le Grand Écrivain, voire même colérique et un brin dégoûtant. Mais généreux aussi, et cabossé par la vie. On le découvre sans fioriture, tout en complexité et contradiction.

Ce roman-portrait, roman policier si on veut, est bien loin de l’action et du rebondissement en cascade. Le lecteur suit tour à tour Conde qui cherche et Hemingway en sa demeure, un Hemingway paranoïaque, armé jusqu’aux dents, qui fait (ou fait faire) tous les soirs le tour du parc de sa villa pour voir si personne ne s’y est introduit. A quarante ans de distance, l’un rejoint l’autre grâce une introspection qui tourne à l’empathie malgré tous les défauts du personnage.

Padura dote Hemingway de souvenirs qui auraient pu être, qui ont peut-être été… Il nous le restitue, complexe et fragile, au quotidien, et on y croit. Légende, fiction, biographie : tous ces éléments se mêlent ici, traduisant la « relation tumultueuse d’amour-haine » que Leonardo Padura entretient avec Hemingway. Mario Conde apparait plus que jamais comme le double de l’écrivain cubain.

Leonardo Padura sur Tête de lecture

 

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Adios Hemingway

Leonardo Padura traduit de l’espagnol par René Solis
Points, 2007
ISBN : 978-2-7578-0354-7 – 182 pages – 6.50 €

Adios Hemingway, parution à Cuba : 2001

31 Comments

  1. Je n’ai encore rien lu de cet auteur mais j’aimerais bien et ce livre sur Hemingway, tout particulièrement.
    Que de bonnes idées sur ton blog: ta LAL, tes 12 d’Ys ( qui permettent maintenant plus de souplesse quant au nombre de livres aux jours dits? Je n’ai pas bien suivi là!), tes catégories (j’ai noté tes extrêmes, les indispensables et les « à éviter ») etc. Je viens de passer un moment agréable et j’ai noté plein de titres même si je ne laisse de commentaire qu’ici.

    1. Comme c’est gentil : merci. Je suis en train de tout réorganiser ici, le blog a toujours la même adresse mais il a changé d’espace puisqu’il est désormais logé chez OVH. Le changement est assez complexe, je me rends compte que les billets ne tombent plus dans les Google Reader sans réactualisation, mais certains suivent, c’est formidable !
      Aux participants aux 12 d’Ys, j’envoie un mail sous peu pour clarifier les choses…

  2. j’ai hâte que tu abandonnes l’Amérique latine , je suis souvent déçue par leurs romans , pas tout le temps mais souvent.
    Celui_là … je ne sais pas trop je ne te sens pas super enthousiaste
    Luocine

  3. J’ai adoré ce roman ( que tu m’a offert, merci 🙂 ), paradoxalement un de mes préférés de la série des  » Mario Conde « . Paradoxalement, puisque c’est une commande, il était justement demandé à Padura de mettre en scène un écrivain. J’ai vraiment beaucoup aimé la relation complexe et ambigue entre les deux auteurs ( Condé en double de Padura ) .

    1. Je l’ai donné à lire il y a peu, et certains lecteurs l’ont trouvé trop long, malgré le petit nombre de pages : ils trouvaient ça trop cérébral, trop psychologique… Pas moi bien sûr, je trouve que Padura réussit très bien l’exercice.

  4. Je me suis déjà procurée « Les brumes du passé » que j’avais vu sur ton blog …mais pas encore lu ! Si j’aime, je lirais sûrement celui-ci aussi !!!

  5. ça y est, il semblerait que j’ai réussi à copier le nouveau flux…
    J’aime beaucoup Padura et il m’en reste quelques-uns à lire, dont celui-ci ! Tu fais bien de me le rappeler, je suis un peu volage et oublie parfois mes anciens auteurs chouchous !

  6. Ahlala encore un auteur que je me dois de découvrir, d’autant plus que j’ai Les brumes du passé dans ma PAL. Mais bon, je suis encore plongée dans mes américains et un peu dans mes anglais.

  7. J’ai lu L’homme qui aimait les chiens et qui reste selon moi LE livre de 2011 ! Les brumes du passé avec Mario Conde fut mon premier Padura et ce que tu dis de celui-ci me donne l’envie de retrouver le bouquiniste. Bonne continuation pour le « nouveau » blog

    1. J’ai le même parcours que toi avec Padura et je suis tout à fait d’accord : L’homme qui aimait les chiens est l’un des meilleurs livres que j’ai lus en 2011.

  8. Oh en voici un que je ne peux pas râter ! (Hemingway, mon amour !!hihi). Félicitations aussi pour le nouveau look, très chic 😉

  9. Cà y est, le nouveau flux marche bien. J’ai l’intention de lire Padura un jour, mais du coup, c’est peut-être important de lire dans l’ordre chronologique pour la progression de Condé ?

  10. Hou là tentative de comm sur ton beau blog (au fait, mon GR te détecte toujours!)
    Padura est une valeur sure, et je partage ton avis et celui d’Yv sur l’homme qui aimait les chiens.

    1. Après deux trois tentatives, il semblerait en effet que les GR se soient fait aux nouveaux feeds, c’est parfait (vive monsieur Ys !).

    1. L’homme qui aimait les chiens est tout simplement un des meilleurs livres que j’ai lus en 2011 : je te le conseille très vivement.

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