Le soulier rouge de Rosita Quintana de Hernán Rivera Letelier

Hernán Rivera LetelierLe soulier rouge de Rosita Quintana est le second roman d’Hernán Rivera Letelier. Il contient de très nombreux éléments autobiographiques. En effet, l’enfance de cet écrivain chilien a ressemblé à celle d’Hidelbrando del Carmen, un gosse pauvre et solitaire des bidonvilles d’Antofagasta, ville de la côte nord du Chili. C’est à l’âge de onze ans qu’Hidelbrando del Carmen s’y installe avec ses parents. C’est à Algorta qu’ils avaient vécu jusqu’alors, dans le désert d’Atacama, le plus aride du monde, où le père était employé dans une mine de salpêtre. La mère meurt peu de temps après le déménagement et le gosse est livré à lui-même, le père ne redescendant de la mine qu’un week-end sur deux.

Le matin, Hidelbrando del Carmen vend des journaux dans les rues, et l’après-midi, il va à l’école, au moins jusqu’en primaire. Il n’a même pas le temps d’être malheureux, pas l’idée de se plaindre, mais trouve à se réjouir des petits bonheurs de la vie. Le cinéma lui plait beaucoup, particulièrement le mexicain, les films avec Rosita Quintana, sans doute la plus belle femme du monde, du moins à ses yeux. Il l’admire, rêve d’elle et imagine que la chaussure qu’il a trouvée dans la rue lui appartient, qu’il va la lui rapporter. Elle n’est d’ailleurs pas la seule femme à le faire fantasmer, il y a aussi la voisine aperçue en nuisette, la femme qui le fait pénétrer dans son appartement et lui achète régulièrement un exemplaire de son journal, et la petite Mireya, aussi peu accessible que les autres, malgré la proximité d’âges.

Né de parents protestants, Hidelbrando del Carmen vit entouré d’évangélistes très stricts pour qui tout plaisir est synonyme de péché. La religion tient une très grande place dans la vie de son père et de la communauté, et le Diable est partout. Dès lors, l’éveil à la sexualité du jeune garçon est assez chaotique et tourmenté. Lui, timide et solitaire, est dépassé par l’enthousiasme qu’il suscite auprès des jeunes filles, mais aussi des femmes qui se laissent caresser au cinéma. Ce qui donne lieu à des scènes naïves et drôles dans la tonalité de ce roman. Car malgré toute cette misère, c’est la vitalité qui domine dans ce roman de Hernán Rivera Letelier, l’envie de saisir la vie et de tout expérimenter. Hidelbrando del Carmen admire les jeunes filles maquillées, leurs robes colorées. Il aime le rock et le twist abominés par sa communauté. Mais malgré son isolement, la vague des années 60 atteindra même ce bout du monde, emportant avec elle un Hidelbrando del Carmen plein de désirs.

Hernán Rivera Letelier s’inspire de sa propre vie pour créer un personnage entre enfance et adolescence, désert et bidonvilles, principes et fantasmes. Mélancolique sans être triste grâce à la vitalité de ce gosse, le roman s’enracine dans l’austère nord du Chili que l’auteur nous fait découvrir dans ses romans.

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Le soulier rouge de Rosita Quintana

Hernán Rivera Letelier traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg
Métailié, 1999
ISBN : 978-2-86424-298-2 – 172 pages – 15 €

Himno del angel parado en una pata, parution au Chili : 1996

16 Comments

      1. Mais tu n’as rien à prouver… il bien évident que nos blogs ne rendent compte que de quelques années de lectures, les plus récentes, et que personne n’a commencé sa vie de lecteur en ouvrant un blog littéraire. Et parfois, on a même envie de relire des titres ou des auteurs appréciés il y a longtemps, juste pour les faire partager ou découvrir aux lecteurs qui nous suivent. Ainsi depuis plus de quatre ans, il n’y a que six titres dans ma catégorie « indispensables » : trois sont des relectures…

    1. je crois que c’est plutôt l’oeuvre de l’auteur dans son ensemble qu’il faut prendre en compte car ses écrits sont une chronique de ce Chili du désert, aride et pauvre.

  1. Je crains d’être dans le ton général, j’ai lu son premier Malarrosa (il me semble bien que c’est celui-ci) et je n’avais pas vraiment accroché, même si les personnages étaient intéressants

  2. J’aime la tonalité de ton article : j’ai la sensation, peut-être à tort, de lire ce livre, du moins d’en respirer l’atmosphère. En tout cas, ce livre me semble bien écrit. Je ne connais pas cet auteur.

    1. Eh bien ça, c’est vraiment très gentil. Si je pouvais rendre un peu de l’atmosphère des livres qui m’ont plu pour donner envie de les lire, ce serait pour moi un grand plaisir.

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