L’échange des princesses de Chantal Thomas

L'échange des princessesAlors que le gros régent s’ennuie dans son bain, il a tout à coup un trait de génie : caser son insupportable fille, Louise Elisabeth, avec l’héritier de la couronne d’Espagne, et l’infante d’Espagne avec Louis XV, encore mineur. Mariages entre cousins à la symétrie presque parfaite, jusqu’aux prénoms des époux. L’échange des princesses resserrera les liens entre descendants de Louis XIV. Mais cette stratégie maritale politiquement parfaite ne tient pas compte des individus qui pour être de sang royal n’en sont pas moins humains.

A l’automne 1721, Louise Elisabeth de Montpensier, fille du Régent, âgée de douze ans quitte Paris pour l’Espagne : elle est promise à Luis, prince des Asturies, fils aîné de Philippe V d’Espagne (fils de Louis XIV) âgé de quatorze ans. En même temps, Ana Maria Victoria la soeur du prince Luis âgée de quatre ans, quitte Madrid à la rencontre de son roi, Louis XV, âgé de douze ans. Chacun des protagonistes a la tête farcie des mensonges concoctés pour eux. Vraisemblablement parce qu’ils sont encore jeunes, on a pris soin de fabriquer des contes à la hauteur de leur rang : ces mariages royaux feront leur bonheur. Ana Maria Victoria, la plus jeune et la plus naïve, croira longtemps à ces fables et aimera son roi de tout son coeur d’enfant.

Chantal Thomas choisit dans L’échange des princesse de se poser tout près des quatre principaux protagonistes de ce conte qui a tous les aspects d’une farce de cour et se terminera en drame. Autant Louise Elisabeth est une jeune fille désagréable, butée, excessive sur bien des plans, autant la petite infante est charmante, pleine de vie et de rêves. Des enjeux qui pèsent sur ses frêles épaules elle ignore beaucoup et préfère profiter des réjouissances et du bon accueil qu’on lui fait en France. Jusqu’au bout elle cherchera à susciter l’intérêt du taciturne Louis XV.

La cour de France s’oppose évidemment à la cour d’Espagne. Versailles, château des plaisirs, contraste avec l’Escurial, palais-couvent. Les bals et feux d’artifices se succèdent à Paris tandis qu’on offre à Mlle de Montpensier d’assister à la mort d’hérétiques sur le bûcher. Alors que Ana Maria Victoria fait tout pour se faire aimer de son roi, Louise Elisabeth se rend malade, désagréable, ingurgite à l’excès et régurgite d’autant, se refuse au sien. Pour ces quatre-là, le temps passe en fêtes et bals, rythmé par les messes et surtout les parties de chasse. Ils s’ennuient à l’évidence, et le lecteur aussi. Car somme toute, la vie des ces enfants royaux est d’une grande monotonie, car Chantal Thomas le montre très bien. Le risque était bien sûr d’entraîner le lecteur dans cette langueur sans fin, et L’échange des princesse n’évite malheureusement pas l’ennui, une fois les princesses installée. La répétition dans mêmes journées, des mêmes courriers mensongers et des mêmes courtisans plonge le lecteur dans une torpeur royale, mais réelle. Malgré une réjouissante clairvoyance qui souligne les travers de ces cours, Chantal Thomas ne captive pas sur la durée : certains épisodes retiennent particulièrement l’attention, mais se diluent dans le vide terrifiant de ces jeunes existences. Elle semble en revanche bien connaître le monde des enfants, et en particulier des enfants royaux, tellement différents des autres. La psychologie qu’elle leur prête convainc et pallie l’artificialité des incessants va-et-vient narratifs entre France et Espagne.

Lire le début du roman.

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L’échange des princesses

Chantal Thomas
Seuil, 2013
ISBN : 978-2-111913-8 – 333 pages – 20 €

32 Comments

  1. Ce que tu dis du ton est juste ce que j’aurais voulu en écrire « une farce de cour qui a tout du drame » … sauf que j’ai bien aimé m’ennuyer avec ces intrigues de cour là, platement politiques qui ne tenais pas compte des réalités humaines. Je trouve que c’est ce que l’auteur réussit bien à montrer que finalement, ces enfants sont de peu d’importance, ce qui est juste, je crois, historiquement. Mais pour être sincère, c’est surtout mon côté midinette qui a été séduite, je ne l’ai pas lu avec beaucoup de sérieux … j’aime bien quand même quelques scènes qui je trouve, sortent du lot, comme la pratique du classement des poupées par la petite princesse, un calque de la cour et des courtisans qui m’a fait sourire.

  2. Tiens, bizarrement, je n’aurais pas cru que ce roman t’aurait tentée… ma mère l’a réservé à la biblio. Je vais attendre son avis… et si elle n’aime pas, je vais lire. Autant on se ressemble, autant on a des goûts différents en littérature!

  3. Ton billet correspond à ce que j’ai lu en général de ce roman historique… je crois que je vais attendre sagement une sortie en poche !

    1. Oh oui, on en apprend beaucoup sur la vie de ces princes et princesses, la cour, l’époque. C’est un plaisir, d’autant plus que cette époque n’est pas privilégiée en matière de romans historiques.

  4. C’est marrant parce que je vois très souvent ce livre, mais je ne le lis jamais parce que j’ai justement peur de cet ennui et qu’une certaine monotonie s’installe, enfin la lecture du synopsis m’a laissé entrevoir ça donc, jamais franchi le pas. Et bien, je crois que ce n’est pas plus mal ^^
    Merci pour cet avis !

    1. Tiens c’est bizarre comme pas mal de lecteurs finalement associent roman historique et ennui. Moi généralement, ils ne m’ennuient pas, c’est pourquoi j’en lis pas mal. Quand on apprécie une période en particulier, je trouve que c’est un bon moyen de s’immerger dedans.

  5. J’avais beaucoup aimé le portrait qu’elle faisait de la cours dans « les adieux à la reine ». En revanche, « Le testament d’Olympe » m’a laissé sur ma faim… Mais je tenterai celui-ci pour me décider ! 😉

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