La Nueve de Paco Roca

Paco Roca se met en scène dans La Nueve, en jeune homme à la recherche de renseignements sur les Espagnols qui ont lutté contre le nazisme. Il rencontre Miguel Ruiz, 94 ans, ancien combattant membre de la résistance parisienne. Le vieil homme solitaire est d’abord très réticent, puis il se fait loquace.

La Nueve, vaste roman graphique, commence par la fin : la fin de la guerre civile espagnole quand le 28 mars 1939, les troupes franquistes entrent dans Madrid. A Alicante, quelques républicains parviennent à s’embarquer sur un cargo battant pavillon britannique qui se fait bombarder par les fascistes italiens de Mussolini. Arrivés à Oran, les passagers ne peuvent débarquer car la France ne veut pas d’eux. Les hommes  restent plus d’un mois sur le bateau dans des conditions sanitaires épouvantables tandis que femmes et enfants sont conduits dans une prison désaffectée.

Les hommes qui ne veulent ni rentrer en Espagne, ni intégrer la légion étrangère sont emmenés en camp de travail puis après l’armistice dans un camp de concentration saharien contrôlé par l’Axe. Miguel Ruiz y restera trois ans jusqu’au débarquement allié en Afrique. Il s’engage alors dans les Corps Francs d’Afrique.

C’est la 9e compagnie, constituée d’antifascistes de tout pays. Intégrée au 2e corps d’armée de l’armée américaine, elle fait la campagne d’Afrique. Puis quelques Espagnols décident de se joindre au général Leclerc en route pour libérer la France. Ils tombent à pic car Leclerc doit se séparer de ses valeureux combattants africains : les Américains ne veulent pas de Noirs pour libérer Paris.

Pour les Espagnols engagés, ça ne fait pas de doute : une fois la France libérée du fascisme, ça sera le tour de l’Espagne…

Paco Roca se met à hauteur d’homme, un homme qui a beaucoup vécu et ressassé, un de ces taiseux qui ne s’est jamais confié. Le vieil homme s’amuse de constater que l’Histoire a fait de lui un héros, mais lui porte le poids de certaines actions et de la mort qui a tracé son sillon dans le sien.

L’amertume se lit dans les paroles du vieil homme : « Nous les Espagnols, nous étions les seuls à ne pas avoir un endroit où rentrer après la victoire ». C’est peut-être pour ça que Paco Roca a choisi le noir et blanc pour l’époque contemporaine : il souligne la tristesse et la nostalgie d’un homme errant qui n’a pas accompli son rêve.

La 9e compagnie est entrée dans Paris le 24 août 1944 en libératrice, elle est la première compagnie à pénétrer dans la capitale, avant les Américains (ce qui est fondamental pour de Gaulle). Et le 26, pour le défilé de de Gaulle sur les Champs Elysées, elle se trouve juste à côté du général.

La Nueve, les républicains espagnols qui ont libéré Paris fait partie de ces œuvres qui rendent hommage aux oubliés de l’Histoire, à ceux qui n’ont pas écrit (hors les carnets de route du capitaine Raymond Dronne) et sur lesquels on n’a pas écrit. Les républicains espagnols mais aussi les Africains, les Polonais. Pour en savoir plus sur ces hommes qui se sont battus pour la France libre, on peut regarder en ligne le documentaire d’Alberto Marquardt : La Nueve les oubliés de la victoire, dont Paco Roca a dû s’inspirer car on y retrouve bon nombre de situations (notamment en Afrique du Nord et à Ecouché). Deux anciens de témoignent : c’est très émouvant.

Paco Roca sur Tête de lecture

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La Nueve, les républicains espagnols qui ont libéré Paris

Paco Roca traduit de l’espagnol par Jean-Michel Boschet
Delcourt, 2014
ISBN : 978-2-7560-5025-6 – 313 pages – 29.95 €

Los surcos del azar, parution en Espagne : 2013

14 commentaires sur “La Nueve de Paco Roca

  1. Comme Keisha, j’ai découvert Paco Roca avec Rides. Ce titre semble intéressant mais ça doit être une lecture qui demande un peu d’attention… Et pour moi la BD est très souvent une lecture de détente entre deux romans… Il faut que je trouve le bon moment car le thème m’intéresse !

    1. Il est épais et contient beaucoup d’info. Mais là où justement ce Paco Roca est fort, c’est qu’il parvient à faire lire facilement ces données historiques, grâce notamment à l’histoire-cadre du jeune homme qui vient questionner le vieux républicain. Je l’ai lu en une fois et à peine terminé, j’ai cherché le documentaire cité dans cet article car je voulais en savoir encore plus.

    1. Moi non plus je ne connaissais pas l’histoire de ces républicains arrivant les premiers pour libérer Paris. Et je trouve que c’est vraiment une force de la BD aujourd’hui que de nous faire découvrir des sujets aussi importants que celui-là, ou de les rappeler à notre mémoire.

  2. Remarque : j’ai commenté « via mon profil facebook », non mais c’est à l’insu de mon plein gré! Va falloir se méfier tout le temps, maintenant…^_

    1. ?? se méfier ? C’est plutôt fait pour faciliter les choses, pas pour qu’on s’en méfie… Tu as dû écrire ton commentaire dans le nouvel espace de commentaires FB, certains trouvent ça plus pratique, c’est l’idée d’ailleurs. Tu vas aussi recevoir une réponse à ce commentaire, parce que j’ai envie de simplifier les choses aux gens, rendre tout ça plus convivial. Mais se méfier, là, je ne comprends pas…

      1. Donc, oui, j’ai été informée qu’il y avait une réponse, d’où le côté pratique, mais d’ordinaire je le fais de moi même.
        Je râle parce que je ne m’étais pas aperçue que je commentais par facebook (je n’avais qu’à faire attention! ^_^)
        Je précise que je viens sur les blogs à partir d’un ordinateur
        Il semblerait que c’est aussi publié sur facebook, mais là je n’ai rien vu encore.

    1. Oh oui, il y a matière à littérature et à fiction pendant de très longues années ! On n’a pas encore retrouvé tous les fusillés de la guerre civile et comme en Argentine, certains enfants enlevés à leurs parents à la naissance pendant la dictature n’ont pas encore retrouvé leur famille (des enfants ont été arrachés à leurs parents jusqu’en 1980, c’est-à-dire bien après la mort de Franco…).

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