Sueurs froides de Boileau Narcejac

Sueurs froidesKim Novak et James Stewart font partie de ces couples mythiques du cinéma hollywoodien. En ouvrant Sueurs froides de Boileau Narcejac qui a inspiré Hitchcock pour son film, il faut un peu les oublier, au moins physiquement. Roger Flavières est « un type étriqué, perpétuellement préoccupé de lui-même » ; Madeleine est certainement belle, en tout cas elle envoûte rapidement l’ancien flic acrophobe devenu avocat.

C’est son ami Paul Gévigne qui lui demande de surveiller sa femme Madeleine. Il ne se croit par cocu mais a repéré chez elle des bizarreries, comme si elle s’absentait d’elle-même. Elle semble même adopter certaines morbides particularités de son arrière-grand-mère Pauline Lagerlac, morte noyée. Il lui a fait consulter plusieurs médecins mais tous affirment qu’elle est en parfaite santé. En bon époux, Gévigne s’inquiète, et en riche homme d’affaire débordé, il demande à un ami de longue date qui s’y connait en mystère d’enquêter discrètement.

Et voilà que Flavières tombe amoureux de cette femme énigmatique. Il a bien quelques remords, au nom de l’amitié, mais il passe tant de temps à suivre et surveiller Madeleine qu’il ne peut plus se passer d’elle. Il la sauve une première fois du suicide par noyade, mais la seconde, alors qu’elle monte dans un clocher, il ne peut la suivre…

Quel passionnant suspens que celui-là ! Et quelle formidable machination qu’on imagine très bien séduisant un Hichcock au sommet de sa carrière. L’adaptation est très fidèle au roman, si ce n’est bien sûr que la côte ouest des Etats-Unis a remplacé la région parisienne.

Par ailleurs, Boileau et Narcejac ont choisi de placer la première partie de leur intrigue  en avril 1940, pendant la « drôle de guerre », quand la France pouvait encore croire qu’elle gagnerait cette nouvelle guerre, comme elle avait gagné la précédente. Alors que d’autres se battent, Flavières réformé découvre pour la première fois l’amour en la personne de Madeleine, qui incarne l’espoir. C’est une jeune femme tourmentée qu’il doit protéger contre elle-même et contre son mari. Quand elle meurt, le rapprochement ne fait plus de doute :

Il ne faisait plus de différence entre la catastrophe nationale et la sienne. La France, c’était Madeleine écrasée et saignante au pied d’un mur.

Planant entre surnaturel, vieux secrets de famille et machination, Sueurs froides n’a rien perdu de son potentiel. Le lecteur suit la dégringolade psychologique du fragile Flavières avec un intérêt grandissant, s’interrogeant tout du long (s’il n’a pas vu le film), sur l’identité de la madeleine retrouvée…

 

Sueurs froides

Boileau Narcejac
Gallimard (Folio n°366), 1988
ISBN : 2-07-036366-X – 185 pages – épuisé dans cette édition

Première parution en France : 1954, sous le titre D’entre les morts

 

19 commentaires sur “Sueurs froides de Boileau Narcejac

    1. Beaucoup de temps a passé depuis ces romans, la déferlante anglo-saxonne a noyé tous ces auteurs français qu’on ne lit plus beaucoup… mais ils s’y connaissaient !

  1. Tiens, c’est amusant, ce livre a rejoint ma PAL il y a moins de deux semaines !
    J’adore le film d’Hitchcock que j’ai vu je ne sais combien de fois et j’ai bien envie de découvrir maintenant le livre qui l’a inspiré et la plume du duo d’auteurs.

    1. Je crois que j’entre dans une phase Hitchcock… ça se soigne très bien. A la base : l’envie de lire La fille derrière le rideau de douche de Robert Graysmith, qui ne se trouve dans aucune des trois bibliothèques que je fréquente (dont une est quand même celle de Tours, 135 000 habitants…). Du coup, moins j’arrive à mettre la main dessus, plus l’envie croît… Maintenant, j’ai envie de revoir Psychose, alors je me suis soignée avec ce que j’avais sous la main, à savoir Sueurs froides, le livre. Voilà, tu sais tout 😉

  2. Des auteurs un peu oubliés, tu bien raison de souligner leur savoir-faire. « Les diaboliques » est aussi un vrai piège à lecteur, même quand on connait par coeur, ce qui est mon cas, l’adaptation de Clouzot. Je n’ai pas lu « Sueurs froides », un titre que je vais courir me procurer, je sens qu’il conviendra bien à ma période de lecture, un peu creuse (je bloque sur « Mon holocauste » …)

    1. Pas lu Les diaboliques non plus, mais l’adaptation je la connais encore mieux que Vertigo : c’est du grand grand art. Revue il y a peu avec mon fils de 16 ans, qui rechignait carrément à regarder un trèèèèèèèèèèèèèèèès vieux film français en noir et blanc mais qui a été bien sûr convaincu…

      1. Tiens marrant ! Suite à ta note et ma frustration de ne pas avoir trouvé  » Sueurs froides » en librairie samedi, j’ai collé mes deux ados d’enfants devant « les diaboliques ». Très réticents aussi, genre « encore un vieux truc en noir et blanc, encore heureux qu’il ne soit pas sous titré en serbo-croate … » (vieille blague familiale, liée à mon indéfectible soutien à une certaine littérature), ils ont adoré !

    1. Oui, c’est ça. Et le rideau de douche, c’est Psychose. Je vais le regarder dans la semaine car je n’y tiens plus.
      C’est ma fille qui est inscrite à la bib de Tours pour moi parce que j’ai quand même du mal à trouver mon bonheur dans le département…

  3. Jamais vu (j’ai trop peur… ^^)
    Pour les biblis (j’en ai deux) franchement il y a encore des titres qu’elles n’ont pas, c’est scandaleux! ^
    ^ (même si je trouve 90% de mon bonheur en bibli)

    1. Oui, un vrai scandale ! Encore mauvaise pioche ce matin avec le livre chroniqué par A Girl : Le gardien de Peter Terrin n’est dans aucune des trois bibliothèque non plus. Sommes-nous tous condamnés à lire Guillaume Musso ??? Non sans blague, je me demande si je lis des livres si bizarres qu’on ne les trouve pas largement…

  4. Honnêtement avec tout ce que je veux lire et qui est disponible, déjà je n’ai pas le temps! Mais tu sais comment c’est , ‘je veux celui là tout de suite maintenant’ et j’achète donc aussi. La bibli de R. a pour politique de ne pas jeter (sauf trucs périmés en histoire, géo, etc) et j’y trouve des trésors…

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