Le sourire du Diable d’Antonia Hodgson

Le sourire du diableLe sourire du Diable nous jette instantanément en prison en 1727. Une prison bien particulière puisque Marshalsea enferme quasi exclusivement des prisonniers pour dettes. On y est certes enfermé, mais on circule assez librement dans ses tavernes, ses cafés, ses échoppes. Il faut aussi payer sa chambre et on peut avoir des serviteurs venus de l’extérieur. Mais on peut aussi, si Acton le gouverneur vous prend en grippe, échouer dans le mouroir qu’est le Common Side où on ne survit guère plus de quelques jours.

C’est donc à Marshalsea qu’atterrit le jeune et naïf Tom Hawkins. Gentilhomme, il n’a pas voulu entrer dans les ordres et reprendre la paroisse de son père. Il aspire à la liberté, à l’indépendance et le Suffolk est bien trop étroit pour ses rêves. Mais à Londres, il mène un train de vie que le desavoeu paternel ne lui permet pas et ce n’est que grâce à l’aide sans faille de son ami Charles Buckley qu’il peut encore faire face à ses créanciers. Mais voilà qu’il se fait attaquer dans une ruelle, qu’on lui vole sa bourse et que son propriétaire le fait enfermer.

Ce qu’il faut pour survivre à Marshalsea, c’est de l’argent. Du gouverneur au porte-clefs, il n’est pas un personnages de ce théâtre du malheur qui ne soit rongé par la cupidité. Or Tom n’a rien, rien du tout, si ce n’est sa jeunesse et de belles promesses. Aussi quand une chance de s’en sortir se présente, il n’hésite pas : le gouverneur lui demande de découvrir ce qu’il en est du fantôme de John Roberts qui hanterait la prison. Ce capitaine a été retrouvé pendu quelques mois plutôt. Pendu et roué de coups. Il partageait la chambre de Samuel Fleet, libraire et imprimeur séditieux, qui propose à Tom le lit désormais inoccupé du mort. Tout le monde prévient le jeune homme de se méfier de Fleet comme du Diable. Et de fait, celui-ci se révèle menteur et manipulateur. Et redoutablement intelligent, constate Tom qui a bien besoin qu’on l’aide à démêler les intrigues qui agitent Marshalsea.

Préface et postface nous apprennent que cette prison pour dettes a effectivement existé, de même que certains des personnages du roman. Qu’Antonia Hodgson, qui signe ici son premier roman, s’est inspirée d’un journal tenu par un prisonnier et d’une vaste documentation. Sources qui disparaissent pour laisser place à une ambiance très réaliste que le lecteur se figure sans difficulté. Le style est très imagé, le lecteur n’a aucun mal à reconstituer les lieux, les personnages : on plonge littéralement dans l’époque. De sa première apparition jusqu’à son arrivée en prison, tout va d’abord très vite pour Tom Hawkins qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. Le rythme ralentit ensuite, le temps de mettre en place les nombreux personnages qui sont assez traditionnels, voire caricaturaux pour certains. Il est vite évident que les plus importants d’entre eux ne sont pas ce qu’ils semblent être au premier abord. On pourrait dire qu’on les voit venir… l’intrigue elle-même n’est pas d’une grande originalité, malgré un indéniable suspens. Ce qui compte ici, c’est la prison, cette incroyable Marshalsea, un quartier de Londres à part entière avec ses lois bien particulières, livré à l’autorité et au sadisme d’un seul homme. Si je suis quasi sûre d’oublier l’histoire de Tom, il n’en sera pas de même pour Marshalsea.
Et j’espère oublier cette épouvantable couverture : je ne pensais pas qu’aujourd’hui on pouvait encore en proposer d’aussi affreuses.

Le sourire du Diable

Antonia Hodgson traduite de l’anglais par Isabelle Maillet
XO, 2015
ISBN : 978-2-84563-636-1 – 479 pages – 19,90 €

The Devil in the Marshalsea, parution en Grande-Bretagne : 2014

13 Comments

      1. Je reviendrai lire ton avis plus tard, histoire de ne pas interférer avec ma lecture, pour l’instant ça se passe très bien (c’est mon premier Enard, il faudrait vérifier s’il écrit toujours comme ça)

    1. Avec ce roman, on en sait déjà pas mal, et c’est un bon moyen de découvrir cette histoire et ce que les gens ont pu vivre dans cette prison.

  1. Bonjour Sandrine, c’est vrai qu’en France aussi, on pouvait être mis en prison pour dettes. Je note ce roman à emprunter en bibliothèque. Merci et bon dimanche.

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