Le songe de l’astronome de Bourcy et Soulié

Le songe de l'astronome« Grands détectives » à quatre mains, Le songe de l’astronome donne vie à un nouvel enquêteur, Josef Kassov. Il est capitaine de la garde au château de l’empereur Rodolphe II de Habsbourg (petit-fils de Charles Quint). Et nous voilà transportés en 1601, à Prague alors que sa majesté impériale donne un repas en l’honneur de son mathématicien, Tycho Brahé.

Grand homme mais aussi grand oublié de l’Histoire, Tycho Brahé a quitté son Danemark natal pour entrer au service de l’empereur, féru d’astrologie. Il trouve en lui un protecteur et en Johannes Kepler un apprenti. Tous deux s’adonnent à l’alchimie.

L’empereur réunit à sa cour d’éminents invités. Une certaine duchesse Dorchester, espionne à la solde d’Elisabeth Iere et son époux, l’ambassadeur du Danemark et le terrible cardinal Bellarmin. C’est que la présentation de Tycho Brahé doit s’accompagner d’une démonstration : l’astronome impérial est-il de ceux qui, comme Giordano Bruno mort sur le bûcher quelques mois plus tôt, professent des idées qui vont à l’encontre des idées de l’Église ? Tycho Brahé reste prudent (tandis que le jeune Kepler ronge son frein) et s’en tient au géo-héliocentrisme :

…sans prétendre, comme Copernic, que la Terre tournait autour du Soleil, il s’agissait de faire approuver par l’émissaire du pape une théorie mi-figue, mi-raisin selon laquelle, si les astres tournaient autour du Soleil, ainsi que le prouvaient les calculs de Johannes Kepler, tout cet ensemble gravitait bien autour de la Terre qui demeurait le centre de l’univers.

Se trouvent également réunis au château impérial une comtesse cantatrice et son maître de chant, un peintre irlandais, le secrétaire du cardinal, Sofia la sœur de Tycho et Jepp, nain de l’astronome. Et outre le nombreux petit personnel, l’intendant et le médecin du château et bien sûr l’empereur lui-même. Et voilà qu’après une soirée bien arrosée, Tycho Brahé est retrouvé agonisant dans une crypte : empoisonné, ainsi qu’une servante trop curieuse qui s’est aventurée à boire le contenu de la fiole de l’astronome. Ce ne sont que les premiers morts : il y en aura cinq en tout.

Les « Grands détectives » se suivent et parfois se ressemblent. Le songe de l’astronome parie sur une époque originale et un personnage au mieux connu de nom. L’aura de Tycho Brahé, immense a l’époque, a vite été éclipsée par celle de son illustre élève. De plus, les causes de sa mort demeurent un mystère : on a soupçonné le meurtre (que deux inhumations et autopsies récentes n’ont cependant pas pu prouver), alors pourquoi ne pas l’imaginer…

Thierry Bourcy et François-Henri Soulié mènent rondement leur affaire : cinq morts en deux cent cinquante pages, le menu est copieux. On les sent renseignés sur l’époque et surtout sur l’architecture de cet étonnant château de Prague qui inspira Kafka lui-même. Un tiers du roman est consacré à la présentation des personnages et de la situation, puis Brahé est retrouvé mort. C’est dès lors le capitaine des gardes Josef Kassov qui est chargé par l’empereur de faire la lumière sur ce crime. Nul n’est autorisé à sortir du château et se met dès lors en place une sorte de Cluedo avec interrogatoires serrés des différents suspects. On arrose le tout de scènes de repas et de coucheries comme on aime chez nous. Au final, la cour impériale est un lupanar et un coupe-gorge où la politique se mêle d’astrologie et la science d’ésotérisme.

Au chapitre des réserves, j’ai croisé « un petit écritoire » et me demande bien ce que peut être l’encoignure d’une colonne, évoquée deux fois…

Si on estime peu vraisemblables les motifs qui ont armé le bras du meurtrier de Tycho Brahé selon Bourcy et Soulié, qu’on se reprenne : un médiéviste danois, Peter Andersen, soutient la même hypothèse que ces romanciers (ceux-ci affirment ne pas avoir eu connaissance de ces recherches avant d’imaginer leur intrigue). Si meurtre il y a eu, recherche historique et fiction se rejoignent donc et couronnent, si besoin était, le roman policier historique d’une belle légitimité.

Les plus curieux pourront lire un article sur l’état des recherches autour de la mort de Tycho Brahé.

Thierry Bourcy sur Tête de lecture

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Le songe de l’astronome

Thierry Bourcy et François-Henri Soulié
10/18 (Grands détectives), 2016
ISBN : 978-2-264-06785-2 – 258 pages – 7,50 €

18 Comments

    1. Je me suis fait un petit plaisir en allant les écouter présenter le roman, entre deux rencontres aux Rendez-Vous de l’Histoire. En me disant bien sûr que j’aurais bien aimé animer cette rencontre-là aussi 😉 J’aime bien savoir pourquoi les auteurs de romans historiques choisissent telle ou telle époque, pourquoi ils s’attachent à tel personnage…etc… la cuisine des auteurs, en fait…

    1. Il m’a plu pour ce qu’il vaut : l’évocation de l’époque est réussie, l’intrigue tient la route, mais ce n’est pas un grand roman policier. C’est une lecture sympathique, je l’ai lu en une journée avec plaisir et c’est une bonne chose vu le nombreux de romans ennuyeux qui s’écrivent…

  1. De tycho brahé, je ne connaissais que l’aura scientifique (avec le grand observatoire tout ça) et le duel qui lui valu un faux nez 🙂 je ne savais même pas qu’il y avait un mystère autour de sa mort tssssss c’est mon genre de livre ça 😀

    1. On ne peut pas tout savoir sur tous les grands esprits qui sont passés avant nous… et justement, ce genre de roman facile à lire nous permet d’en apprendre plus de façon agréable 😉

  2. je sais que ce roman n’est pas pour moi, mais j’adore lire les billets sur des livres que je ne lirai pas. j’ai vraiment du mal avec les romans policiers historiques. Et puis, parfois les blogs me font douter et lorsque je tombe sur une « pépite » (vocabulaire des blogs) je me dis que rien n’est jamais certains , même pas mes goûts littéraires!

    1. Et c’est tant mieux : ça prouve que tu gardes l’esprit ouvert. La littérature est si vaste, il faut parfois sortir de ses goûts habituels, surtout quand on est bien conseillé 😉

  3. Je me demandais ce qu’il vaut et, je l’avoue, des auteurs francophones n’est pas trop pour m’attirer, car je trouve généralement les dialogues maladroits, pas naturels. Je le note mais pas sur les « priorités ». De plus, je te rejoins sur la collection GD assez répétitive mais dans laquelle on fait de belles découvertes; à déguster de temps en temps et c’est un petit plaisir assuré.

    1. Je dirais que la collection Grands détectives est une collection confortable : les lecteurs savent ce qu’ils vont y trouver et c’est pour ça qu’ils lui sont fidèles. Je n’en lis pas énormément, mais parfois, un petit détour à une époque peu usitée et dans un lieu inhabituel ne me déplaît pas.

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