On se souvient du nom des assassins de Dominique Maisons

On se souvient du nom des assassinsSi vous aimez le roman historique trépidant et intelligent, si en plus vous l’appréciez saupoudré d’une intrigue policière et relevé d’aventure, On se souvient du nom des assassins est fait pour vous. On apprend beaucoup, on se divertit, on est bluffé, bref, tous les ingrédients sont là pour un bon moment de lecture.

Nous voilà dans le Paris de 1909, sur les traces de Giovanni Riva, fils d’immigrés italiens, tâcheron pour Le Matin. La chance joue en sa faveur puisqu’il entre au service d’un grand feuilletoniste, Max Rochefort, qui triomphe grâce aux aventures de son commissaire Nocturnax. Trois personnes travaillent sans relâche dans ses bureaux pour que chaque jour, les lecteurs retrouvent leur héros favori qui ne laisse jamais un crime impuni. Giovanni devient son secrétaire.

Alors qu’ils séjournent dans un hôtel luxueux, un cardinal est tué dans sa chambre. Le meurtre est atroce et semble impliquer la franc-maçonnerie. Étrangement, le commissaire Juvard oriente l’enquête autour d’une jeune femme de chambre, Justine, qui a tapé dans l’oeil de Giovanni. Il fait même effacer les signes cabalistiques écrits avec le sang du mort dans la chambre du crime. Rochefort est certain qu’on cherche à étouffer l’affaire ou à la résoudre sans trop faire de vagues et décide donc d’enquêter lui-même. Incarnant en personne son héros de fiction, Max Rochefort aidé de Giovanni se lance à la poursuite des assassins de façon très… rocambolesque. Pour tout dire, par la voie des airs.

Le mystère plane cependant toujours autour de Justine que le feuilletoniste a recueillie chez lui. Éperdu d’amour, Giovanni entend bien l’épouser. Mais la jeune femme qui a été enfermée à Sainte-Anne puis à Saint-Lazare a un comportement étrange. Et le lecteur qui pensait le mystère résolu (si ce n’était le nombre de pages restant à lire) repart pour la suite des aventures de Rochefort , encore plus trépidantes.

Le rocambolesque reste rocambolesque et on peut avoir du mal à y adhérer. Il se fond dans le moule du genre qui demande effectivement aventures et péripéties. Le feuilleton réclame également un héros haut en couleur, de préférence riche et intelligent, bien sûr galant, généreux, faussement modeste et un brin mystérieux. Max Rochefort l’incarne à merveille, il a la classe, le charme et l’humour. Il rappelle bien sûr le fameux héros de Maurice Leblanc. Giovanni joue son rôle de candide qui découvre un monde dont il ignore tout et qu’il aurait pour une grande partie préféré continuer à ignorer.

Dominique Maisons, derrière son intrigue virevoltante, creuse le contexte social et les moeurs de l’époque. Il est question des journaux, des apaches, de la police, des prostituées, de demi-mondaines, de Paris, de l’Opéra, d’enfants trouvés…etc. Des bas-fonds à l’aristocratie dégénérée, en passant par les prisons, les hôpitaux et les asiles psychiatriques, Dominique Maisons maîtrise son sujet jusque dans ses détails. J’ai appris par exemple l’existence de dortoirs souterrains pour travailleurs clandestins. Le roman fourmille de précisions, de personnages historiques (comme Gaston Leroux, ami de Rochefort, Louis Paulhan, pionnier de l’aviation, Arthème Fayard, fondateur des éditions du même nom) et de lieux de la capitale familiers à tous.

On se souvient du nom des assassins s’inscrit donc dans un genre dont il utilise et maîtrise les codes. Mais il n’en reste pas là. Sans vouloir dévoiler l’intrigue, j’ai été très surprise par le tour que prend le roman aux alentours de la page 370 : le destin de certains personnages n’est pas du tout celui qu’on pourrait attendre dans ce genre de feuilleton. Malgré la légèreté de la forme, le ton est très sombre.

Il est aussi question de littérature dans ce roman et de son influence sur les esprits dérangés. Il est impossible d’en dire plus ici sans en dévoiler trop, mais cette thématique est loin d’être inintéressante.

Un livre en tout point recommandable, pour son intrigue, ses personnages, son style, sa maîtrise du contexte historique, son intelligente utilisation d’un genre populaire qui refuse pourtant les clichés pour donner plus de consistance et de réalisme au roman.

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On se souvient du nom des assassins

Dominique Maisons
La Martinière, 2016
ISBN : 978-2-7324-8086-2 – 518 pages – 22 €

15 commentaires sur “On se souvient du nom des assassins de Dominique Maisons

    1. Celui-ci te réconciliera avec le genre : on est tout de suite emporté par le récit, les personnages sont à la fois comme dans les romans/films du genre feuilleton mais aussi parfois inattendus et la documentation historique est si bien amenée qu’elle n’alourdit jamais le rythme. Une réussite.

    1. Et on pense savoir ce qui va leur arriver car on a affaire à un genre codifié mais au final, on est quand même surpris, très agréablement.

  1. c’est le genre de romans adoré par les lectrices de mon club.. je vais le proposer pour l’an prochain. Je profite de mon passage sur ton blog pour te demander un service : je voudrai trouver une dizaine de titres autour du thème de l’enseignement , plutôt des romans et si possibles dans différents pays; J’ai déjà le livre de Jean-Philippe Blonder G229, un livre de Solja Krapu « Hors Service » mais je manque d’idées . merci si tu peux m’aider

    1. Ça tombe mal, je n’ai vraiment pas beaucoup de temps en ce moment (débordée par la préparation de plusieurs festivals). Voici quelques titres, en espérant t’être utile :
      Des plumes et du goudron, Christophe Desmurger
      Un homme effacé, Alexandre Postel
      Honte et dignité, Dag Solstad
      Délicieuses pourritures, Joyce Carol Oates
      A l’ombre des feuilles, Stéphane Boulé
      Présent ?, Jeanne Benameur
      Le Cercle des poètes disparus, N.H Kleinbaum

    1. Merci, c’st gentil ! Je ne les pas lus du tout dans cet ordre-là, mais c’est vrai que ces romans historiques sont plaisants et qu’il y a beaucoup à dire 😉

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