Téméraire / 1 de Naomi Novik

Téméraire 1 les dragons de sa majesté Naomi Novik

William Laurence est capitaine sur Le Reliant, navire appartenant à la flotte de Sa Très Gracieuse Majesté. Il découvre à bord d’un bateau français qu’il vient de capturer (nous en sommes en pleines guerres napoléoniennes) un œuf de dragon destiné, on l’apprendra plus tard, à Bonaparte lui-même. Pour comble de malheur, l’œuf éclot à bord, ce qui veut dire que l’un des marins doit lui passer le harnais et devenir son capitaine pour toujours, quittant la Navy pour les Aerials Corps. C’est Laurence qui va s’y coller, bien malgré lui : son bel avenir s’écroule, son père lui tourne le dos, sa fiancée l’abandonne. Et pour couronner le tout, quand il rejoint la base écossaise des Corps, il est tenu à l’écart car il n’a pas été élevé dans l’esprit des aviateurs. Laurence va devoir faire sa place, et celle de son dragon Téméraire et tous deux sont si prétentieux qu’ils n’en visent qu’une : la première.

Rien ne sonne juste dans ce livre de Naomi Novik, dès le début tout semble ridicule. Le fait déjà qu’au sortir de l’œuf Téméraire parle anglais couramment est très étrange ; on apprendra plus tard que les dragons apprennent la langue qu’ils entendent à travers la coquille (du coup, il parle aussi français). Mais ce dragon-là est surdoué : il se fait lire des traités d’arithmétique par Laurence, et à huit mois, des traités de mécanique céleste. D’ailleurs, il est doué pour tout : « Téméraire montra dès le début une intelligence intuitive du combat aérien. Il pouvait dire tout de suite si une manœuvre serait faisable ou non, et décrire les mouvements nécessaires à sa réalisation ; l’idée initiale de chaque manœuvre venait souvent de lui« . Bref, un surdoué… ce qui ne transparaît pourtant pas dans ses conversations avec Laurence ou avec les autres dragons, qui sont d’une effrayante platitude et tournent généralement autour des thèmes : qui a-t-il à manger aujourd’hui ? Suis-je le plus fort ? Que ferai-je sans toi ?

Les relations de Laurence et de son dragon sont très étranges. En fait, le capitaine est le larbin de son dragon, il ne le quitte pas et acquiesce aux moindres de ses désirs. Il doit le flatter sans cesse sous peine de déprime : s’il n’est pas certain d’être le plus beau, le plus fort, le voilà qui boude, qui se pose des questions métaphysique sur son existence. Et surtout, le dragon est coquet, alors Laurence lui offre un beau pendentif en or massif qu’il s’empresse de mettre autour de son coup : « Oh ! Laurence, je suis si heureux ; je suis le seul dragon à posséder quelque chose d’aussi joli. Il s’enroula autour de Laurence en poussant un profond soupir de contentement » : ridicule. Y’a pas intérêt de faire la moindre remarque déplacée sur son chouchou de plusieurs tonnes sinon le capitaine se fâche tout rouge ! Car il n’y a qu’auprès de son dragon qu’il fait bon dormir : « Laurence croyait avoir envie de rester seul, mais il fut très heureux de se blottir dans les bras du dragon et de s’appuyer contre sa masse tiède, à écouter le battement presque musical de son cœur et le ronflement régulier de son souffle« . Amour, amour, quand tu nous tiens…

D’autre part, le personnage de Laurence est on ne peut plus fade. Il n’a que son devoir en tête et le bien-être de son dragon : il fait tout pour lui, est prêt à renier père, mère, amis, la terre entière. Sur cette base, peu d’évolutions psychologiques sont possibles. Les relations avec autrui sont primaires (« tu apprécies mon dragon : ok ; tu en dis du mal : T’ar ta gueule à la récré »). On se plait à imaginer les relations subtiles qu’une Robin Hobb aurait pu tirer d’une telle situation.

Après deux longues première et deuxième parties, le combat s’engage enfin dans la troisième et le lecteur de Naomi Novik comprend à quoi servent en fait les dragons. On avait compris qu’ils s’entraînent en Ecosse à toutes sortes de manœuvres avec quantité d’hommes sur leurs dos, prêts à mettre la pâtée aux dragons de Napoléon. Mais on comprend alors qu’ils ne sont pas de simples transporteurs : ce sont eux qui se battent, toutes griffes dehors, se jetant sur les dragons ennemis avec une haine toute humaine : c’est désolant de voir ces êtres magnifiques affublés de travers humains aussi méprisables que le goût de la guerre et de la mort.

J’ai lu ce premier tome car il paraît que Peter Jackson en a acheté les droits cinématographiques de ce roman de Naomi Novik : je me demande bien ce qu’il pourra tirer d’une telle stupidité…

Naomi Novik sur Tête de lecture


Téméraire / 1 : les dragons de Sa Majesté (2006), Naomi Novik, traduite de l’anglais (américain) par Guillaume Fournier, Le Pré aux Clercs Fantasy, avril 2007, 351 pages, 19,90€