Fourth Wing de Rebecca Yarros

Fourth Wing de Rebecca Yarros

Vous avez bien fait de cliquer sur le lien vers ce billet car figurez-vous que pendant que vous ne regardiez pas, un nouveau genre littéraire est né : la romantasy. Le nom n’est pas très tentant, je vous l’accorde et j’aurais préféré m’en tenir à l’écart. Oui mais voilà, entre autres activités, je suis formatrice en littératures de l’Imaginaire, ce qui implique d’être au courant de ce qui se fait dans le genre. Et même de consacrer (beaucoup) de temps à une lecture franchement médiocre. Le genre est récent mais déjà bien touffu, alors que choisir ? Ma conscience professionnelle m’a poussée à écouter des youtubeuses d’âges divers (au moins jusqu’à la trentaine) pour faire mon choix, qui devait se porter sur un roman disponible en version audio (mon dévouement a tout de même ses limites). Elles m’ont convaincue que Fourth Wing de Rebecca Yarros serait une bonne initiation. 4,6/5 sur Babelio pour 2 006 notes au jour de mon choix et depuis lauréat du prix Babelio du roman d’amour. Et ce n’est pas tout, précise son éditeur français :

Elle est l’autrice d’une vingtaine de romans qui ont tous figuré ans la liste des best-sellers du New York Times, et a reçu le prix d’excellence du Colorado Romance Writer. Mère de six enfants et dans un mariage heureux depuis plus de vingt ans, elle gère actuellement une maison bien remplie, notamment de quatre ados fans de rugby !

Que je vous explique d’abord ce qu’est la romantasy : de la fantasy avec de la romance dedans. Ayant lu beaucoup de fantasy, je me suis demandé en quoi cela différait de certains cycles dans lesquels romance et fantasy s’alliaient déjà pour m’ennuyer. Eh bien ça ne diffère pas. C’est uniquement une question de marketing, un truc d’éditeurs pour faire du bruit autour d’un genre, la fantasy, déjà très féminin (85 % de lectrices). Donc de la fantasy avec un peu plus de sexe que d’habitude, me suis-je dit, un peu comme Laurell K. Hamilton avec Anita Blake en bit lit.

Je vous résume l’intrigue (avec beaucoup de spoilers) puis je vous donne mon avis sur le contenu sexuel de ce premier tome de Fourth Wing car c’est ce qui, je n’en doute pas, vous intéresse le plus.

Violet Sorengaï a toujours voulu devenir scribe, comme son défunt papa. Mais pour l’impitoyable générale Sorengaï, sa maman, c’est hors de question : elle sera cavalière (il s’agit de chevaucher un dragon), comme sa sœur Mira, déjà en 2e année et son frère Brennan mort cinq ans plutôt au cours d’une révolte. Cette petite dernière n’est pas capable de grand-chose, mais tant pis. Contre toute attente (pour les lecteurs de moins de sept ans), Violet remporte l’épreuve du parapet de l’Académie de la Guerre de Basgiath et entre donc chez les dragonniers, futurs soldats devant défendre le royaume de Navarre contre les incessantes attaques ennemies. Elle va devoir se lier à un dragon.

Violet doit faire son apprentissage au sein d’une escouade. Violet c’est la fille sans qualité, bien gentille, petite, fragile : tout le contraire de ce qu’il faut pour être dragonnière. Tout ce premier tome est basé sur ses réussites malgré son manque de confiance en elle (sa phrase favorite : « Je suis désolée ») et les ennemis qui rodent et veulent la tuer. Elle a 20 ans mais ne diffère en rien des héroïnes pour adolescentes sauf qu’elle dit merde, putain et qu’elle fait des doigts d’honneur.

Et bien sûr (surtout, que dis-je !), il y a la romance. Dain est l’ami d’enfance de Violet et aussi son instructeur. Dès qu’il sait qu’elle fait partie de son escouade, il va tout faire pour la protéger. Il la surprotège même. Mais pourquoi donc ? Violet ne sait pas, elle ne comprend pas pourquoi il est si troublée en sa présence. Ce qui fait d’elle une nunuche de premier ordre.

Le top en matière de romance réside dans le triangle amoureux. Il y a donc un troisième larron : Xaden. Lui, c’est le bad boy, le méchant dont il faut se méfier. Ah ça, Violet le déteste ! Bon, elle ressent bien des trucs bizarres à sa vue, genre picotements dans le (bas) ventre, mais c’est sans doute la colère. Ces réflexions débiles durent sur des chapitres et des chapitres. Le bad boy est à l’évidence amoureux d’elle et elle se demande pourquoi il ne l’a pas tuée quand il en avait l’occasion. Et comme elle raconte cette histoire à la première personne, elle est d’autant plus cruche.

Violet va être liée au bad boy contre sa volonté (évidemment, le sort s’acharne…) car son dragon à elle est le mâle de sa dragonne à lui. Ils ne peuvent être séparés. De plus, fait extraordinaire et jamais vu, Violet, qui n’aurait dû être choisie par aucun dragon tellement elle est gourde, est choisie par deux dragons (bon, je vous spoile un peu l’intrigue, mais je ne vous conseille pas de lire ce roman, donc pas de mal…) : Tairn, le plus puissant et inquiétant dragon jamais vu et sa fille adoptive. Et, encore plus extraordinaire : quand Violet développe enfin son don, c’est le plus puissant du monde ! Mais oui. Vous en voulez encore ? Eh bien le bad boy qui va devenir son amant (pardon à ceux qui n’avaient pas compris…) dit texto qu’elle est la fille la plus intelligente qu’il ait jamais vue… ouaip… il le dit même au moins trois fois pour que le lecteur s’en persuade (il faut bien ça parce que ça n’est pas évident tout de suite).

Bon, tout ça est bien joli mais le lecteur attend la fesse quand même. Un avertissement avant le début du roman précise d’ailleurs qu’il va y en avoir.

Fourth Wing est un livre d’aventure fantastique, un thriller palpitant [!!!] qui se déroule dans l’univers brutal et compétitif d’une école militaire pour dragonniers et comprend dans ses pages des éléments tels que la guerre, la bataille, le combat au corps-à-corps, les situations périlleuses, le sang, la violence intense, les blessures graves, la mort, l’empoisonnement, une langue crue et des actes sexuels. Les lecteurs sensibles à ces éléments sont priés de prendre cet avertissement en compte avant de se préparer à entrer dans l’Académie de la Guerre de Basgiath…

Alors on attend…

Oui, on attend… trèèèès longtemps (surtout le thriller palpitant qui sera sans doute pour le tome suivant). Après des dizaines de « oh, mais je le déteste ! » et de « ce type est tellement beau ! », les voilà enfin à leur affaire, chapitre 30 (sur 39, mais ils remettent ça au 32). Pour vous contextualiser ma lecture, j’étais en train de faire cuire des pommes de terre sautées au moment fatal. Je suis très attentive à la cuisson des pommes de terre sautées car j’aime qu’elles soient également grillées sur toutes les faces. Je les retourne donc les unes après les autres durant toute la cuisson. Eh bien les ébats de Violet et Xaden ne m’ont pas perturbée une minute. Je n’aurais pas été contre, mais non. Violet met pourtant le feu aux rideaux (c’est son super pouvoir, mettre le feu, alors en toute subtilité, quand elle jouit (3 fois bien sûr), elle met le feu aux rideaux). Mais… comment dire… tout ça est assez convenu… comme le reste du roman, sauf à la toute fin.

Si je n’avais pas écouté une version audio (22 heure d’écoute tout de même…), j’aurais lâché l’affaire après trois chapitres. De plus, la lectrice qui lit Violet (Rebecca Soler) lui donne une voix de gamine genre manga débile (elle m’a rappelé Candy…). Violet, qui ne manque pas d’affirmer très souvent qu’elle est une femme, se comporte comme une ado de quatorze ans, tout comme les autres personnages. Le style est oral et parsemé d’expressions djeuns censées faire réaliste, j’imagine. Tout est prévisible et rien n’est étonnant. Surtout pas les descriptions des mâles qui sont franchement à mourir de rire.

Oh putain, torride ! Xaden et Garic ont enlevé leurs tee-shirts et s’entraînent comme si leurs vies en dépendaient dans un flot de coup de poings et de muscles bandés […]. Ces derniers mois, j’ai vu d’innombrables cavaliers s’entraîner torse nu, ce n’est pas nouveau. Je devrais être absolument immunisée contre les corps masculins. Seulement voilà, je ne l’ai jamais vu torse nu, lui. Chaque morceau du corps de Xaden est affûté comme une arme, tout en lignes acérées et en puissance à peine contenue. Sa relique de la rébellion s’enroule autour de son buste et se détache sur le bronze profond de sa peau, accentuant chaque coup de poing qu’il donne. Et son ventre, sérieusement ? Combien de muscles y a-t-il dans les abdominaux exactement ? Les siens sont si durs et définis que je pourrais les compter un à un si le reste de son corps n’était pas aussi distrayant.

Pourtant, le contexte est intéressant. Si on retranche l’éducation à l’école des dragons et les relations amoureuses puériles, l’intrigue pourrait retenir l’attention. Xaden et plusieurs dizaines d’autres jeunes gens sont les rejetons d’hommes et de femmes qui se sont rebellés 6 ans auparavant. Ils ont été exécutés et leurs enfants obligés d’intégrer les dragonniers pour prouver leur loyauté. Drôle d’idée d’intégrer dans son armée les enfants de gens qu’on a massacrés, mais bon. Et c’est du côté de cette rébellion mal éteinte que les choses pourraient prendre de l’ampleur. Mais Rebecca Yarros a décidé de tout miser sur les hormones et pas sur l’intrigue politique.

De mon point de vue, cette intrigue-là est la bonne et le filon à développer. On peut donc garder 10 % du roman. Ce n’est bien sûr pas parce que je n’apprécie pas la fantasy, qui m’a fait (et me fera encore) passer de très bonnes heures de lecture. Non, c’est parce que Fouth Wing est un produit marketé pour d’autres que moi. Ceci dit peu importe, le principal c’est que ça fasse rêver les jeunes filles (et aussi beaucoup de moins jeunes !).

 

The Emryrean, tome 1 : Fourth Wing

Rebecca Yarros traduite de l’anglais (américain) par Karine Forestier
Hugo Roman, 2024
ISBN : 978-2-7556-7313-5 – 619 pages – 21.50 €

 

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28 Comments

  1. Je viens de voir que ce roman a reçu un des prix Babelio, ce qui n’est pas étonnant étant donné le reste du palmarès dans les autres catégories.
    Encore une lecture qui ne me tente pas du tout.

    Bonnes lectures à vous

    1. Les prix Babelio sont les reflets des meilleures ventes, quel que soit le genre. Pas étonnant donc qu’on y trouve ce titre qui cartonne… Bonnes lectures à vous de même.

  2. J’adore le ton de ce billet ! Et bien sûr, je ne suis pas cliente de ce genre de livre. La fantasy, passe encore (désolée pour toi qui aimes ce genre) mais la romance, beurk 😉

  3. Merci de t’être sacrifiée pour ce roman qui nous vaut un billet à mourir de rire, ce qui fait beaucoup de bien un lundi matin en particulier. J’ai particulièrement aimé le passage sur les pommes de terre sautées 🤣. Je commence à ne plus supporter les romans à la première personne, une tendance pour simplifier la lecture (et prendre le lectorat pour des abruti(e)s) et s’identifier. Pour la littérature jeunesse, passe encore mais là le public ciblé semble plus âgé.

  4. Bonjour Sandrine

    Merci pour cette analyse acidulée de ce roman et la découverte de la « romantasy » (rien à voir avec la Rome antique ni le romantisme, donc).

    Certaines de vos précisions m’ont rappelé ma découverte de trois Harlequin à l’époque déjà lointaine où j’ai participé au premier (et resté seul?) challenge « Chick Litt for Men » (je rêve de le relancer… une année ou l’autre). J’ai souri à l’évocation des patates en train de rissoler sur les deux faces (mmmmmhh – pardon, j’extrapole!) durant les premiers moments enfin croustillants…

    Enfin, avec ses 512 pages (en version anglaise?), ce livre et votre chronique seraient tout à fait éligibles à se faire référencer pour le challenge « Les Pavés de l’été » chez Sibylline… même s’il lui en manque près de 150 pour figurer dans un autre challenge estival… déjà répertorié dans un site bien connu 😉

    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

    1. Il semble que ce ne soit pas possible pour Sibylline qui veut que son logo figure sur le billet. Or, je ne mets pas d’images sur mon blog : les couvertures y sont via un lien vers le site Decitre. Si je mets une image, ce sera elle qui s’affichera sur la page d’accueil, et pas la photo de la couverture. Donc pas de challenges pour moi si les logos sont obligatoires.

  5. J’ai vu passer ce terme de « romantasy » chez une jeune blogueuse qui lit beaucoup de romances…Perso je lis de temps en temps de la fantasy, un genre littéraire qui plaisait tellement aux ados quand je travaillais avec eux, que je me suis mis à en lire beaucoup…mais je t’avoue ne pas aimer suffisamment les romances pour lire celui ci aussi je te remercie de l’avoir fait pour nous. Il me semble toutefois très intéressant de comprendre pourquoi ce genre de lectures plait autant aux jeunes femmes et de suivre cela de près parce que c’est sociologiquement important et en tous les cas pendant ce temps là elles lisent, et passeront peut-être un jour à autre chose. Merci pour ta chronique et ton analyse très détaillées je n’ai pas encore eu le temps de lire la liste des primés de Babelio.

    1. Bien sûr que c’est très intéressant. Je pense qu’on est très proche du phénomène Harlequin de jadis : de la lecture nunuche décomplexée. J’ai vu pas mal de youtubeuses en parler avec des étoiles dans les yeux, c’est forcément une bonne chose.

  6. J’ai entendu parler de la romantasy très récemment (il y a quelques semaines pas plus) . Je ne m’y suis pas intéressée plus que ça puisque je ne lis pas beaucoup de fantasy (je n’accroche pas pour l’instant) et les romances m’agacent prodigieusement. Ton billet, en revanche, est très distrayant et m’a bien fait rire.

  7. pauvre de toi de devoir lire ce genre de littérature et merci de nous le présenter cela fera au moins un livre que je laisserait tranquillement là où il est

  8. Tu me fais rire avec ce billet !

    Bon, il est sûr que ce genre (et donc ce roman) n’est pas fait pour moi.

  9. Aah la romantasy, on n’entend parler que de ça en ce moment… Bon, ça reste gentillet, rien de bien méchant, ça plaît quand on est un peu fleur bleue et qu’on reste attaché à l’univers des contes, dragons & co. C’est juste super mal écrit, mais ça n’a pas l’air de déranger le public-cible. D’ailleurs, je me suis dit que pour arrondir mes fins de mois, voire devenir millionnaire, je devrais peut-être écrire de la romantasy, ou de la romance. Ça n’a pas l’air si compliqué. Mais en fait si, c’est très compliqué. Ça me pique tellement les yeux que je n’arriverais jamais à m’y résoudre…

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