Le procès de la sorcière de Robert McCammon

Quelle agréable surprise que ce roman ! En fait, j’avais envie de lire Le mystère du lac depuis longtemps, et puis voilà, le temps passe, les livres s’accumulent… et je reçois celui-ci, je ne lis pas la 4ème de couverture et je m’y plonge.

Nous voilà dans le Nouveau Monde en 1699. Un juge, Isaac Woodward et son clerc, le jeune Matthew Corbett, tentent d’arriver sains et saufs à Fount Royal, une ville récemment émergée des terres ingrates et marécageuses du nord de la Floride. Ils échappent de justesse des mains assassines d’un aubergiste peu recommandable pour atteindre cette ville qui se meurt peu à peu du fait du départ de ses habitants, ceux-là même qui depuis cinq ans s’échinent à la construire. Pourquoi fuient-ils ? Parce que Fount Royal est depuis quelques mois la proie du Diable, ou plus exactement de sa représentante, Rachel Howarth, accusée de double meurtre et de sorcellerie. Emprisonnée depuis des mois, elle attend son procès, avec certainement moins de hâte que les habitants. Bidwell, le fondateur et maire de la ville, accueille plein d’espoir le magistrat, estimant que le procès prendra au plus deux jours et qu’il verra enfin brûler la sorcière, cause de la pluie, des incendies, du départ des habitants et de toutes les calamités du moment. Mais le juge Woodward n’est pas un chasseur de sorcières : il souhaite juger en connaissance de cause et entendre les témoins. Un point de vue partagé par son jeune clerc qui ne tarde pas à être persuadé de l’innocence de Rachel Howarth. Pourtant, témoignages et preuves l’accablent….

Robert McCammon parvient à éviter tous les poncifs de ce genre de roman, tout en employant cependant les thèmes propres à la chasse aux sorcières. Tout simplement, les caractères ne sont pas exacerbés et les personnages conservent tous assez d’ambiguïté pour ne pas tomber dans le déjà-vu. Le couple formé par le juge et son clerc fonctionne parfaitement, relations professionnelles teintées de part et d’autres d’un besoin affectif refoulé. Le jeune Matthew, qui fait figure de héros même si plusieurs personnages ont des rôles importants, est rapidement très sympathique, conscient de ses faiblesses mais porteur d’idéaux lumineux dans un monde où l’ignorance devient obscurantisme à force de travail, d’alcool et de religion. Il s’inscrit dans la droite ligne du jeune Adso de Melk, assistant de Guillaume de Baskerville dans Le Nom de la rose.

J’ai aussi particulièrement aimé la façon dont l’auteur installe l’ambiance méphitique de cette ville en devenir, hier encore pleine de l’espoir des émigrants du monde entier et désormais en proie à un mal qu’ils imaginent diabolique, faute de meilleure explication. L’abondance de détails concernant la vie quotidienne de ces colons (alimentation, médecine, justice, religion…) dessine un portrait vraiment vivant et captivant de cette communauté et le lecteur n’a aucun mal à imaginer ces scènes très visuelles, comme s’il y assistait, comme s’il regardait un film (du genre de Sleepy Hollow).

Alors rester scotché à un livre dans lequel, finalement, il ne se passe pas grand chose (pas de rebondissements ou de grands coups de théâtre), moi je dis bravo. D’autant plus que l’auteur a choisi de limiter ce cycle à deux volumes. La suite sort le mois prochain.

 Robert McCammon sur Tête de lecture

Le chant de l’oiseau de nuit / 1 : le procès de la sorcière (2002) de Robert McCammon traduit de l’anglais (américain) par Benoît Domis, Bragelonne (L’Ombre), avril 2008, 442 pages, 22€

 

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