Que seriez-vous prêt à faire pour la chose que vous désirez le plus au monde ? Une chose vraiment rare que vous avez eu la bêtise d’échanger contre un bout de plastique étant gosse ? Et qui vaut désormais plusieurs millions de dollars ? Harvey Briscow, trente cinq ans, se dit depuis toujours qu’il serait prêt à tout pour remettre la main sur son Superman numéro un en date de 1939, lui le collectionneur, le patron du minable Inaction Comix de Londres et s’installer « à New York pour ouvrir un coffe house avec des super-héros sur les murs ». Alors quand revient l’anniversaire de sa promotion, pourquoi ne pas y aller cette fois puisque c’est le vingtième ? Il y a des chances pour que cette fois, Bleeder Odd soit là, ce Bleeder qui, sait-on jamais, détient encore cette miraculeuse BD…
Depuis vingt ans, il ne s’est pas passé un jour sans qu’Harvey pense à cette improbable rencontre… Alors il se rend en Cornouailles et tombe sur Bleeder, qui a bien changé. Jadis souffre-douleur d’un bon nombre d’élèves, il a désormais le look d’un homme d’affaires bien dans sa peau. Harvey lui parlerait bien de sa BD, du temps jadis, de l’échange, mais voilà, Harvey n’est pas très doué, Harvey s’empêtre et laisse passer le coche. Alors finalement, il décide tout simplement d’aller cambrioler la maison de Bleeder, casse une fenêtre, pénètre dans la cave et… tombe nez à nez avec le cadavre de Mrs. Odd, fraîchement égorgée…
Pas besoin de lire plus de dix pages pour savoir que Swap d’Antony Moore était un livre pour moi : un héros super cool empêtré dans ses contradictions, un humour british aux petits oignons et des allers-retours entre Londres et les Cornouailles que j’aime tant. Le tout reposant sur une intrigue policière qui sert plus de prétexte que de véritable moteur. Car pour moi, la grande réussite de ce premier roman, c’est le héros. Harvey est une sorte d’adolescent pas terminé qui n’a jamais abandonné ses rêves, croit toujours au Père Noël, s’enguirlande avec ses parents, des provinciaux réacs hyper collants qui n’ont pas vu leur fils grandir, est maladroit avec les femmes et pourtant (ou justement) tellement attachant par ses faiblesses. Accusé de meurtre, le malheureux n’a que la belle Maisie pour l’aider (le charme infaillible du looser, comme je vous le disais), même si son mari est pilier de rugby et vient de lui balancer son pied dans les côtes.
Enfance traumatisante, parents étouffants, névrose obsessionnelle… : l’auteur est psychanalyste de métier et parvient avec brio et humour à ne pas assommer son lecteur de concepts. Au contraire, celui-ci jubile sous les traits d’humour et les images souvent inattendues. Exemple, alors que notre héros essaie d’effacer ses empreintes près du cadavre : « Ensuite, il s’attaqua à la flaque de vomi, presque ronde, qui semblait faire bande à part telle une petite pizza un peu snob. » Je ne sais pas vous, mais moi, comparer une flaque de vomi à une petite pizza un peu snob, ça me fait sourire…
Un livre à conseiller à tous ceux qui aiment l’humour anglais, les phrases percutantes et les héros un peu paumés.
Swap
Antony Moore traduit de l’anglais par Jean Esch
Liana Levi, novembre 2007
ISBN : 978286746466 -9 – 349 pages – 20 €
The Swap, parution en Grande-Bretagne : 2007