Beloved de Toni Morrison

belovedA Bluestone Road, dans les années 1870, la maison de Sethe n’est pas tranquille : il y a là un fantôme, un enfant fantôme, qui fait voler les meubles et condamne Sethe et sa fille Denver à la solitude. Quand Paul D arrive, il fait fuir le fantôme, mais une jeune fille apparaît alors, Beloved, qui s’installe à demeure. Nul ne sait qui elle est mais bientôt, Sethe se persuade que c’est sa fille bien aimée, son bébé morte à deux ans, dix-huit ans plus tôt, dont le fantôme hantait sa maison jusqu’à l’arrivée de Paul D.

Les personnages centraux sont des femmes, poussées à l’extrême par des situations et des modes de vie cruels. Sethe, la femme esclave, donne à voir la douleur d’une mère sans cesse dépossédée de ses enfants, qui ne doit pas aimer pour ne pas souffrir. Elle incarne l’injustice et la souffrance de l’esclavage qui conduisent à la folie. Sethe comme Baby Suggs, sa belle-mère chez qui elle trouve refuge, sont des mères souffrantes que l’esclavage empute à chaque naissance, jusqu’à la folie. Beloved est un livre sur l’esclavage mais aussi un drame sur la maternité inaccomplie.

Le drame de Sethe est basé sur un fait réel qui eut lieu en 1854 aux Etats-Unis. Même si la quatrième de couverture fait état de ce drame, je préfère n’en rien dire car Toni Morrison a construit son livre de façon à ce qu’il ne soit que peu à peu révéler, à travers plusieurs voix qui racontent ou se souviennent.

Reconstituer l’histoire de Sethe, esclave échappée du Bon Abri, de Baby Suggs, libérée grâce à son fils qui l’a rachetée par son travail dominical, de Paul D lui aussi jadis esclave au Bon Abri, de tous ces êtres mosaïques dont on n’apprend des choses que par bribes, n’est pas aisé. L’écriture de Toni Morrison est assez complexe, absolument pas linéaire. Au lecteur de faire la part des rêves et des fantasmes, et de reconstituer ce puzzle de vies. Plus le livre progresse, plus Sethe se souvient de ce que fut sa vie d’esclave, ou plus exactement, elle permet petit à petit aux souvenirs de faire surface, comme si elle se libérait ainsi de son passé traumatisant. C’est au lecteur de faire la part des choses entre rêve et réalité, entre quotidien et surnaturel.

Toni Morrison a reçu le prix Nobel de littérature en 1993

 

Beloved

Toni Morrison traduite de l’anglais par Hortense Chabrier et Sylviane Rué
Bourgois, 1989
ISBN : 978-2-267-00742-8 – 378 pages – 20.58 €

Beloved, parution aux Etats-unis : 1987

41 commentaires sur “Beloved de Toni Morrison

    1. Ben comment ça tu commences des livres et tu les finis plus tard ? C’est frustrant un peu quand même. Et surtout avec un livre à l’écriture pas facile comme celui-là, si on y a goûté un peu puis laissé de côté, pas sûr qu’on y retourne… enfin je parle pour moi bien sûr…

  1. J’ai eu beaucoup mal avec ce roman, à cause du style. Je n’ai jamais réussi à vraiment y entrer et je pense d’ailleurs que je l’ai lu sans jamais vraiment me concentrer. J’avais beaucoup aimé Love par contre.

    1. Il est certain que ce livre demande un certain effort, il faut bien s’accrocher pour suivre les méandres de cette histoire. Mais ça fait plaisir d’y être parvenue 😉

  2. C’est vraiment mon préféré dans l’oeuvre de Morrison , j’aime beaucoup Un Don ou Jazz ou Love mais celui là peut être parce que ce fut le premier me reste encore en mémoire
    l’écriture n’est pas simple effectivement mais vaut vraiment l’effort d’attention nécessaire
    Ce destin de femme est très emblématique de l’oeuvre de Morrison et il m’avait énormément touché

    1. Je ne m’attendais pas à ce genre d’écriture, plutôt à un livre sur le racisme, peut-être une histoire modèle, édifiante… bref, j’avais envie de savoir pourquoi elle avait eu le prix Nobel. Juste parce qu’elle était Noire et que même le jury du Nobel fait dans le politiquement correct ? Eh bien pas du tout !

    1. Celui-ci est le premier que je lis de cette auteur. Je ne suis pas certaine d’y retourner tout de suite, mais j’ai déjà noté d’autres titres dont le sujet m’intéresse.

  3. Quand on est étudiante en fac d’anglais, Toni Morrison est incontournable et c’est ce roman que j’ai étudié à la fac. L’adaptation ciné est très bonne et a fait peur à mon mari (c’est la seule fois où je l’ai vu avoir peur pendant un film).

  4. Je l’avais commencé il y a quelques années mais ce n’était pas le bon moment (ma concentration n’était pas à son meilleur !) alors pour ne pas gâcher ma lecture, j’ai préféré la reporter à plus tard !

  5. J’ai commencé ma découverte de cette auteure avec ce roman qui m’a complètement bouleversée. Depuis j’en ai lu d’autres et à chaque fois c’est beaucoup d’émotion face aux thèmes abordés mais aussi et surtout grâce à l’écriture. C’est aussi une femme passionnante et tournée vers l’avenir (je me souviens d’une émission de Pivot dans laquelle elle parlait magnifiquement de ses étudiants et de leurs écrits). J’ai aussi eu la chance de la voir de près il y a quelques années au Louvre où elle était invitée. Elle avait voulu aller à la rencontre d’une écriture très particulière : le slam. Elle était rayonnante et les spectateurs étaient tous sous le charme. J’ai un ou deux autres romans d’elle dans ma PAL, ton billet me donne très envie de les mettre sur le dessus.

  6. Quand je l’ai lu il y a de cela…quelques années ;), je crois que je n’étais pas en mesure d’apprécier ce livre dans sa totalité. Je l’avais trouvé « difficile » et n’ai jamais rien lu d’autre de cet auteur. Malgré tout, le souvenir qu’il m’en reste n’est pas dilué, ce qui tend à prouver (pour moi) que ce n’était en rien une lecture anodine !

    1. Il y a des lectures plus difficiles que d’autres, c’est certain, et ne pas venir à bout d’un texte à une époque ne signifie pas qu’on ne l’appréciera pas par la suite (j’ai fait cette expérience avec La Modification de Michel Butor, détesté en première, beaucoup aimé à 30 ans). Je te conseille quand même de réessayer, le plaisir est double quand on a eu du mal à l’obtenir !

  7. Eh bien je ne connais pas cet auteur, à mon grand regret, j’ai noté qu’il fallait que je la découvre en vacances, histoire de ne pas m’embourber dans une lecture qui au final risquerait de me déplaire, faute de temps à lui consacrer.

    1. En vacances, deux solutions : soit tu lis des livres légers parce que c’est les vacances, soit tu lis les choses plus difficiles… parce que c’est les vacances… et que tu as le temps et des neurones disponibles… dilemme !

  8. Cette lecture m’avait profondément marquée, un incontournable effectivement des études d’Anglais. J’aime énormément Toni Morison depuis…

  9. Elle me faisait un peu peur, cette Toni Morrison. Peut-être son prix Nobel de littérature m’a effrayé bien que je n’ai jamais douté que ces histoires soient poignantes et émouvantes, et dont l’inspiration prend source dans le Sud profond de l’Amérique Noire.
    Mais, je viens de la découvrir sur son dernier. « Home ». Et j’ai apprécié sa plume. Ce dernier est peut-être plus accessible que les précédents, mais ce fut un texte court mais poignant.
    De quoi donner envie de poursuivre la découverte de Toni Morrison.

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