Barcelone, 1911 (et non 1917 comme l’indique la quatrième de couverture…). La ville encore agitée des émeutes populaires de 1909 s’inquiète de la disparition de plusieurs jeunes enfants. Officiellement, la police ne s’en occupe pas, car ce ne sont qu’enfants de rien, rejetons de prostituées qui ne portent pas plainte. Moisès Corvo, un flic qui connait bien la misère et les prostituées, enquête malgré l’interdiction de son supérieur. Il fait équipe avec Juan Malsano, son collègue.
Voilà qu’un sale type se fait tuer en pleine rue : il semble avoir été vidé de son sang. La piste mène les deux inspecteurs au docteur Isaac von Baumgarten, un Autrichien carrément louche qui récupère des cadavres pour mener à bien ses recherches : il veut trouver la source de l’origine du Mal et pour ça, découpe et dissèque sans relâche, et sans la moindre autorisation. Il n’est pas en reste de théories susceptibles de traquer le voleur d’enfants et le tueur aux manières vampiriques. Le lecteur sait lui, qu’il ne s’agit pas d’un tueur, mais bien d’une tueuse, la mauvaise femme du titre, Enriqueta Martí.
De bars louches en bordels, Moisès Corvo enquête, au péril de sa vie. Sa persévérance le conduit même dans un endroit très chic, alors qu’il se fait passer pour amateur de très jeunes filles. C’est ainsi que le lecteur découvre les bas-fonds de Barcelone, ses turpitudes et ses habitants pour le moins dépravés. Il en est de la capitale catalane comme de toutes les grandes villes où grouille une sombre humanité. Enriqueta Martí est sans doute un de ses brillants représentant qui boit le sang de ses victimes et les mange. Sordide.
Le personnage de Moisès Corvo est intéressant, flic à peine distinct de la faune dans laquelle il évolue. Doté d’un triste passé conjugal et d’une femme difficile, il est aussi lecteur amateur de Stevenson, indigné par des détectives de papier comme Holmes et Dupin.
L’ambiance sombre fonctionne donc parfaitement. Ce qui s’avère moins convaincant, c’est un choix narratif surprenant : la Mort raconte cette histoire, le plus souvent à la première personne. Elle s’incarne parfois en un personnage qui prend alors la parole, s’adressant au lecteur ou à un autre personnage. C’est assez étrange et à vrai dire, pas très clair. D’autant plus que le texte manque d’espace, on passe d’un événement à un autre une semaine plus tard sans paragraphe marqué, avec juste un saut de ligne. La figure de la prosopopée a prouvé son efficacité, mais ici, la Mort (qui est de genre masculin) parle à la place d’un personnage qui n’est pas forcément mort. Je ne vois pas bien à quoi sert ici ce procédé oratoire très grandiloquent. A montrer que la mort est omniprésente, qu’elle se glisse partout et joue avec les vivants ? Dans ce cas, c’est l’utilisation qui me semble maladroite. Tout comme les narrations parallèles de l’enquête de Corvo et des crimes d’Enriqueta : le lecteur sachant ce qu’il en est, le suspens est inexistant.
A lire donc pour l’ambiance sinistre et les personnages intéressants, mais il est permis de rester dubitatif quant à certains choix narratifs peu pertinents.
La mauvaise femme
Marc Pastor traduit du catalan par Marie Vila Casas
Jacqueline Chambon, 2012
ISBN : 978-2-330-00980-9 – 248 pages – 22.50 €
La mala dona, parution en Espagne : 2008
Encore un que je connais pas du tout. Que de surprises en passant chez toi en ce moment !
Pour autant celui-là ne m’inspire pas plus que cela^^
Moi non plus je ne le connaissais pas avant de me pencher sur la liste des auteurs invités au Salon du Livre : une découverte donc, pas complètement enthousiasmante mais c’est un auteur à suivre.
Oh dommage, j’étais prête à noter et ce que tu dis sur la narration me fait hésiter. Pourtant, le personnage de la mort m’avait convaincue dans « La voleuse de livres ».
Eh bien moi, je n’ai pas été convaincue par la Mort dans La voleuse de livres justement : la mort narratrice ne me convainc décidément pas…
Je préfère noter le précédent à celui-ci…
Moi aussi 😉
j ‘attends que tu sortes de ta période polars, mais je te lis toujours avec intérêt , même si je commente pas
Luocine
C’est vrai que pour Barcelone, c’est assez polar, ou alors noir, ou roman policier…
C’est quand même dans cette ville que je me suis fait voler pour la première fois ma carte bleue !