La collection Replay en questions

Le 15 mais 2014, les éditions de L’Olivier lancent une nouvelle collection : « Replay ». Elle est née d’un constat :

« Depuis quelques temps, les rééditions d’ouvrages parus il y a trente ou quarante ans, et demeurés introuvables depuis lors, se multiplient. Parfois même il s’agit de la première édition de livres parus depuis très longtemps dans leur langue d’origine et restés inédits en français (comme Hors-bord de Renata Adler [L’Olivier] ou Et quelquefois j’ai comme une grande idée de Ken Kesey [Monsieur Toussaint Louverture]).

Cet intérêt soudain n’est pas un hasard. Il correspond probablement à la nécessité d’échapper à l’amnésie littéraire qui nous menace tous, depuis que la durée de vie de nombreux livres s’est réduite à quelques semaines de présence en librairie. »

Le principe est donc celui de la réédition en grand format, au rythme de 4 à 6 titres par an. Les premiers titres de cette nouvelle collection seront : Screen de Barry N. Malzberg (première parution en France : 1970) et L’homme-dé de Luke Rhinehart (première parution en France : 1973).

Tête de lecture : Pourquoi le nom « Replay » ? Quelque chose à voir avec le roman de Ken Grimwood ?

L’Olivier : Non, rien à voir avec le roman de Ken Grimwood, mais le terme « Replay » permet de bien visualiser le projet de la collection, l’idée des rééditions, d’un nouvel élan à ces titres.

Tête de lecture : Vous n’avez choisi pour ouvrir la collection « Replay » que des auteurs américains. Seront-ils majoritaires et pourquoi avez-vous sélectionné Malzberg et Rhinehart ?

L’Olivier : Nous ouvrons en effet cette collection par trois auteurs américains (nous republions en juin Chansons de la neige silencieuse d’Hubert Selby Jr), la collection s’ouvre un peu comme la « Petite Bibliothèque américaine » qui est ensuite devenue la « Petite Bibliothèque de l’Olivier » pour pouvoir accueillir des auteurs de différentes nationalités. L’idée est de publier aussi des auteurs français ou autres, ce n’est pas la nationalité ou la langue qui compte mais les titres et leurs qualités. Pour l’instant, tous les ouvrages ne sont pas arrêtés, cela dépendra aussi de l’accueil que reçoit la collection.

L'homme-dé de Luke Rhinehart  col. Replay, L'Olivier, 2014
L’homme-dé de Luke Rhinehart
col. Replay, L’Olivier, 2014

Tête de lecture : Il s’agit de romans pour le moins polémiques : l’anti-conformisme et la provocation seront-ils les marques de fabrique de « Replay » ?

L’Olivier : On peut en effet le voir comme cela, même si ce n’est pas le fondement même de la collection. « Replay » s’appuie sur la volonté d’Olivier Cohen de lutter contre l’amnésie littéraire, sur la volonté de rappeler aux lecteurs qu’outre les grands textes d’aujourd’hui, il y a les grandes œuvres d’hier, des textes qui ont fait polémique, mais également des textes qui nous sont presque inconnus et dont l’écriture mérite notre attention. Anti-conformisme peut-être, provocation non, mais qu’est-ce que l’anti-conformisme à l’heure où les frontières du conforme se floutent ? Les textes de « Replay » sont sur des thèmes de la rue, sur la société, par exemple, le Screen de Malzberg est un ouvrage à part, très ancré dans un genre, et qui montre l’idéalisation des stars holywoodiennes ; L’homme-dé montre quant à lui que la vie n’est pas une fatalité, que chacun est libre de ses propres choix, c’est une réflexion sur le libre-arbitre.

Tête de lecture : Vous avez publié L’homme-dé de Luke Rhinehart en collection de poche (Petite bibliothèque américaine) en 1998. Pensez-vous qu’aujourd’hui le grand format soit un meilleur format pour les rééditions ?

L’Olivier : L’homme-dé n’était pas en format poche mais en semi-poche, et était devenu au fils des années notre meilleure vente de fonds. Cependant, ce format est difficile car les journalistes ne s’y attardent pas, les articles sont donc rares, et les libraires ne les mettent pas en avant, ils les vendent difficilement. Le but de ces rééditions est de donner une nouvelle vie à des livres, de les mettre à la lumière, et le grand format s’y prête mieux car il permet une mise en avant en librairie et dans les médias, un travail d’accompagnement qu’on ne voit pas avec le poche ou le semi-poche.

Tête de lecture : Certains classiques de la littérature anglo-saxonne ont fait l’objet de nouvelles traductions. Je pense à Robinson Crusoé de Daniel Defoe en 2012 et à Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr. en 2013, toutes deux chez Albin Michel par exemple. Pensez-vous que ces nouvelles traductions participent à un même mouvement de retour vers des valeurs sûres de la littérature ?

L’Olivier : On ne peut passer outre ce mouvement de mode qu’est le vintage et qui touche tous les secteurs (mode, voitures, design,…) et le livre n’y fait pas exception. Depuis plusieurs années on voit effectivement apparaître de nouvelles traductions, des rééditions, mais aussi des premières traductions pour des titres parus à l’étranger il y a plusieurs décennies. Pourquoi retraduire ou retravailler les traductions ? Pas seulement pour retourner vers les valeurs sûres de la littérature – celles d’aujourd’hui seront-elles celles de demain ? – mais pour que ces livres cultes soient enfin traduits en respectant la version originale, que les lecteurs puissent percevoir la puissance de ces textes, l’originalité de ces écritures. En effet, dans les années soixante-dix, les versions originales étaient peu respectées, alors qu’aujourd’hui, le respect du texte est primordial. C’est pour cela que les livres de « Replay » paraîtront avec une traduction retravaillée – sauf Chanson de la neige silencieuse d’Hubert Selby Jr.

Tête de lecture : Savez-vous, en termes de vente, comment sont accueillies ces rééditions ?

L’Olivier : Pas précisément, mais par exemple, Robinson Crusoé est classé depuis longtemps dans les classiques de la littérature, il est étudié au collège et dans les classes supérieures, donc une nouvelle traduction a certainement attiré l’attention des professeurs, il y a forcément un public. Pour Last Exit to Brooklyn, c’est différent, ce n’est pas un classique, mais l’ouvrage a eu une bonne presse, il a eu un certain succès, c’est le côté « culte » qui a joué, et on compte sur ce succès récent pour l’accueil de la réédition en « Replay » de Chanson de la neige silencieuse.

Pour voir plus large, il suffit de voir que beaucoup de grands éditeurs rééditent leurs classiques, comme Stefan Zweig et Virginia Wolf chez Stock, ce n’est pas pour rien : sans pouvoir être précis au niveau des chiffres, on se doute que c’est un bon filon.

Tête de lecture : Quels seront les prochains auteurs publiés dans la collection « Replay » ?

Pour l’instant aucun titre n’est arrêté pour la suite, d’ici quelques mois nous pourrons communiquer avec certitude les noms des auteurs publiés dans la collection en octobre/novembre.

Tous les titres « Replay » de L’Olivier

28 commentaires sur “La collection Replay en questions

  1. Une initiative intéressante. Tu poses de bonnes questions. Cette passion actuelle pour le « vintage » est-il le signe que beaucoup de produits (dans lesquels on peut ranger certains livres) ne tiennent plus la route?

  2. Et je pense que c’est important aussi d’avoir de nouvelles traductions, nettement plus fidèles à l’original. Il est possible que cette nouvelle collection trouve son créneau de lecteurs.

    1. Oui, c’est vraiment une bonne chose que de nombreux éditeurs décident de faire retraduire des textes de façon respectueuse. On a été abusés pendant des années : certains textes (je pense à la Série Noire) étaient même amputés. Comment dès lors apprécier un auteur ?

  3. Super intéressant. Merci pour le partage (d’autant que j’ignorais que cette collection avait vu le jour).
    Comme L’Olivier, plusieurs autres éditeurs commencent à se préoccuper de titres injustement passés inaperçus chez nous (voire jamais traduits) et c’est une bonne chose.

    1. Je me demande dans quelle mesure certains éditeurs français ne trouvent plus leur bonheur dans la production éditoriale étrangère actuelle, en particulier anglo-saxonne… peut-être est-ce une envie de se tourner vers des textes moins formatés.

  4. Je ne peux qu’approuver cette initiative, même si déjà certains éditeurs (Toussaint louverture, Gallmeister, phebus) n’hésitent pas à ressortir des vieilleries américaines qui tiennent la route (ou la piste, d’ailleurs ^_^)

    1. C’est en effet un courant important chez les petits et moyens éditeurs (même si Albin Michel dont il est ici question fait partie des grands). Et comme on est tous loin d’avoir tout lu, les rééditions ont forcément du bon.

  5. Très intéressant de vouloir sortir du « nouveautés à tout prix » ! Je comprends que des ressorties en poche ne feraient pas assez parler d’elles…

    1. Oui, on note une certaine constante chez Olivier Cohen sur les titres qui lui tiennent à coeur. Pour le bouquin de Malzberg en particulier qui semble être un monument à lui tout seul : « une curieuse version trash du film de Woody Allen, La rose pourpre du Caire, avec une pincée d’absurde kafkaïen pour faire le bon poids« , dixit Olivier Mony dans Livres Hebdo

  6. Riche idée ces rééditions ou carrément éditions d’œuvres anciennes. Pour reprendre l’un de vos exemples cités, le Ken Kesey « Et quelquefois j’ai comme une grande idée » chez Monsieur Toussaint Louverture a été une grosse claque de lecture pour moi en décembre dernier.

    1. C’est un livre qui est dans ma PAL, un gros livre… j’espère lui faire un sort cet été. Et en effet, en plus de rééditions, nous bénéficions de premières éditions de romans qui datent déjà dans leurs pays d’origine mais il est heureux qu’on nous les propose enfin.

    1. Lutter contre l’amnésie littéraire, c’est bien l’idée de départ d’Olivier Cohen, une bonne idée. On se focalise souvent sur les nouveautés, moi la première, alors que d’anciennes pépites nous attendent. Et il n’y a pas à dire : les lire via de beaux ouvrages tout neufs et dans des traductions de qualité, c’est un plus !

  7. J’aime l’initiative et je ne connais pas les premiers titres à paraître. Cependant je ne suis pas prête de les découvrir de suite car je ne suis pas prête à mettre le prix d’un GF pour ces titres. Petits moyens obligent à faire des choix. Je comprends l’argument mais la presse est vraiment pénible pour le coup, à bouder les semi-poches…

  8. En 2013 Belfond Etranger lançait sa collection ‘Vintage’ avec dans les premiers réédités « le Bâtard’ de Erskine Caldwell.
    Le mot ‘Vintage’ pour désigner un nouveau catalogue d’ouvrages littéraires me paraissait un peu insolite. En effet s’ils sont réédités ces romans, c’est sans doute parceque ils n’ont pas vieilli.
    En tout cas cela permet de découvrir des auteurs qui ne sont plus en avant et de lire des bouquins difficilement trouvables. Les Caldwell que j’ai lus je les avais trouvés par hasard dans des brocantes, et la lecture sur du papier de mauvaise qualité, tout jauni, n’est pas des plus confortable.
    Donc bonne initiative.

    1. Je crois aussi que ces rééditions sont une façon de remettre en avant certains auteurs et certains textes. Mes Erskine Caldwell sont vraiment en mauvais état et cette collection « Vintage » chez Belfond fait oeuvre utile.

  9. Bon article merci merci. Je possède et ai lu il y a quelques années la version semi-poche de l’homme dé et recommande vivement la lecture de ce livre original et passionnant – et en prime c’est un récit qui fait réfléchir !

    1. Merci pour ce conseil. Pour ma part, je découvre ces deux titres avec cette collection, c’est donc bien qu’ils avaient encore besoin qu’on parle d’eux et cette réédition est vraiment une belle occasion de les découvrir enfin.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s