Deux petites filles de Cristina Fallaras

Deux petites filles

Vous qui ouvrez Deux petites filles de Cristina Fallaras, sachez que vous entrez dans un univers noir, très noir, une Barcelone des bas-fonds les plus sordides où règne la pire violence qui soit : celle infligée à des enfants.

C’est Victoria González qui guide le lecteur dans ce cloaque et elle est la personne la plus indiquée. Son passé de droguée, de voleuse lui vaut de nombreuses relations, certaines très louches, d’autres utiles, comme le commissaire Estella chargé d’enquêter sur la disparition de deux petites filles. Victoria aussi enquête, en tant que détective privé engagée par lettre anonyme pour faire la lumière sur cette affaire. Pour en dévoiler la vérité « au sens large ». Elle va donc remuer la fange, d’autant plus concernée qu’elle est enceinte de six mois. Elle se pose mille et une questions.

Qu’est-ce qui m’attend quand je serai mère ? Comment je vais me débrouiller ? Est-ce que pour ma fille une mère équilibrée, calme, cohérente, vaudrait mieux que la bête sombre qui lui échoit ? […] Je ne serai pas la meilleure, petite, dit-elle dans un murmure, je ne serai pas une mère modèle, et je ne pense pas t’indiquer le bon chemin pour où que ce soit, j’ai de la rage et plein de chambres de pension remplies de punaises dans mon passé, mais le premier fils de pute qui pose la main sur toi pour t’écarter de moi, ne serait-ce qu’une minute, je le tue. Je jure que je le tue, et je sais comment faire.

Oui elle sait, car pour passer sa rage, Victoria tue de petits animaux, livrant même au lecteur des fiches pratiques pour tuer poissons rouges, chiens et chats… Humour très noir garanti.

Victoria n’est pas le seul personnage atypique du roman. Le lecteur suit également Genaro, un tueur engagé par une mystérieuse femme pour tuer un gros chauve, celui qu’elle soupçonne d’avoir torturé la petite Andrea, quatre ans. Mais le tuer d’une façon bien précise : Genaro doit lui faire subir exactement la même chose que ce qu’il a fait subir à la petite. Et Genraro, ce tueur professionnel des bas-fonds de Barcelone devient quasi fou de douleur en regardant le film qui dévoile comment est morte la petite Andrea. Car il y a eu un film, pour un réseau bien particulier d’amateurs. Josefa, la petite sœur d’Andrea, est portée disparue.

Critina Fallarás ne décrit heureusement pas les tortures en question ; les suggérer suffit largement. Elle s’attache bien plus à décrire le parcours de Victoria, mère en devenir, et d’Adela, la mère des fillettes disparues. Disparues par sa faute dit la société, disent ses parents, car Adela n’est pas une mère modèle. Droguée et alcoolique, elle s’est vu retirer la garde de ses enfants confiées à une mère d’accueil, une femme sèche qui aime plus les animaux que les êtres humains. Les seuls parents que l’on croise dans Deux petites filles sont ceux d’Adela, les grands-parents des fillettes, pourris de fric et fiers de leur apparence.

Les mentalités mises à jour sont ignobles, mais le roman s’avère passionnant et conduit de main de maître par une auteur qui décrit la ville au scalpel avec un goût du glauque qui confine au sordide. Pourtant, la densité des personnages est telle qu’on ne peut que suivre les sombres traces de Victoria. Et la plume de Critina Fallarás est terriblement efficace, sobre en mots comme en descriptions mais habile à évoquer un lieu, à dessiner un personnage. C’en est presque fascinant.

 

Deux petites filles

Critina Fallaras traduite de l’espagnol par René Solis
Métailié (Métailié Noir), 2013
ISBN : 978-2-86424-909-2 – 213 pages – 17 €

Las niñas perdidas, parution en Espagne : 2011

 

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13 commentaires sur “Deux petites filles de Cristina Fallaras

  1. Ta note est très tentante mais je ne suis pas sûre d’avoir le coeur assez bien accroché pour cette lecture… Je suis devenue une vraie guimauve concernant les enfants depuis la naissance de la mienne 😉 J’aime bien les polars mais trop de noirceur a tendance à me faire peur…

    1. Je comprends tout à fait. Et même si l’auteur ne décrit pas toutes ces horreurs, les allusions et l’ambiance suffisent pour mettre mal à l’aise.

    1. Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce roman, c’est que toute cette noirceur n’est pas gratuite. Il n’y a pas de scènes de violence complaisante, pas de descriptions obscènes de ce que les petites ont subi. Le lecteur le comprend et ça suffit. Malgré la violence du personnage principal, je dirais que ce roman est subtil…

  2. Bonjour Sandrine, je l’ai noté depuis un moment. J’espère lire dès que possible. En tout cas, ton billet donne envie et puis l’intérêt est que cela se passe à Barcelone. Bonne fin d’après-midi.

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