Les écrivains et la publicité occupent deux univers que tout oppose a priori.
Tout en haut il y a la littérature : les mots, les idées, des points de vue sur le monde, des prises de position, du style… et j’en passe. Tout en bas, la publicité : l’argent, le profit, le matraquage, l’exploitation… et j’en passe.
Quand les deux univers se croisent, certains grincent des dents. Cet article m’ été inspiré par un billet paru sur le blog de Claro, traducteur et écrivain : Foenkinos : le caniche à portée de l’Infinite.
David Foenkinos donc, auteur du mémorable Charlotte, se vend à la Société Générale (ce que décrit Claro dans son billet), comme il l’avait déjà fait pour Nespresso. Il s’agissait alors de fourguer une nouvelle inédite, « L’Art d’éviter la rupture » avec des capsules de café. La preuve en image.
Le procédé doit donc être rentable, puisque le très populaire écrivain accepte une seconde fois d’être largement conspué.
Rappelons-nous juste qu’il n’est pas, et de loin, le seul écrivain francophone contemporain à vendre sa plume.
Ainsi, Véronique Ovaldé pour Renault. L’auteur proposait une nouvelle inédite : « Réjouissez-vous ! », d’abord dans une anthologie offerte par le magazine Elle. Et ne croyez pas qu’ensuite on vous offre une Twingo pour tout achat de ladite antho…
Plus récemment, Joël Dicker pour Citroën.
Et je ne peux lister tous les auteurs qui, contre un séjour dans un Sofitel ont accepté d’écrire une nouvelle publiée sur le site de la chaîne hôtelière. En voici quelques-uns : Delphine de Vigan, Philippe Jaenada, Gérard de Cortanze, Carole Martinez, David Foenkinos, Jean-Christophe Rufin, Tatiana de Rosnay, Philippe Besson, Patrick Poivre d’Arvor, Gonzague Saint-Bris, Eric Neuhoff, Valentine Goby…
En 1927, Collette répondait à Paris-Soir qui l’interrogeait sur ses nombreuses pratiques publicitaires :
Un écrivain fera de la publicité s’il en est capable. C’est-à-dire s’il est doué de curiosité, d’appétit de vivre, s’il ressent à la fois l’amour de ce qui est nouveau, la honte de sa propre routine, l’envie de connaître, l’aptitude à divulguer. Qu’en outre il possède un vocabulaire assez riche, et le voilà capable, en effet, de faire de la publicité.
La même année, voilà ce qu’en pensait Blaise Cendrars :
La publicité est la fleur de la vie contemporaine ; elle est une affirmation d’optimisme et de gaîté ; elle distrait l’œil et l’esprit.
C’est la plus chaleureuse manifestation de la vitalité des hommes d’aujourd’hui, de leur puissance, de leur puérilité, de leur don d’invention et d’imagination, et la plus belle réussite de leur volonté de moderniser le monde dans tous ses aspects et dans tous les domaines.
La pratique était alors courante, voire légitime. Les grandes marques se faisaient fort d’attirer les auteurs les plus populaires. Perrier ne recrute pas moins que Paul Valéry, Pierre Mac Orlan, Colette et Jean Giono entre autres, pour rédiger des textes publicitaires.

Deux exemples de terribles compromissions :


Un livre qui semble passionnant , je n’avais jamais fait attention à ce sujet !
Rire salutaire ! Tellement bonne idée, la pub CONTRE le tabac…Enfin, en conclusion, même de très grands…Tu ne crois pas qu’il y a une différence entre Foenkinos avec une pub symbole du monde de l’argent ( mince ! le prix de l’entrée ! ) Et le mot affiché de « privilège » avec toutes ses déclinaisons, et les autres ( bon, la DS n’est pas une voiture bas de gamme, hein )…Je pense que c’est ça qui est le plus choquant, et dont parle Claro, c’est le « produit » choisi et le moyen employé ( pas de spot télé, c’est vulgaire, mais un hôtel particulier et des gens triés sur le volet ( grâce à leur carte Noire…)
Oui, je suis d’accord avec ton point de vue sur le billet de Claro. On note quand même que les écrivains aujourd’hui associent leur nom à des produits haut de gamme, accréditant l’idée que le livre est un produit de luxe et la lecture activité liée à un certain standing…
J’aime beaucoup ton montage perso 😉
J’aime bien aussi la pub Victor hugo. je découvre toutes ces histoires de pub, mais ce n’est pas nouveau…
Ah tiens en haut à droite je n’ai pas les p’tits trucs que je vois chez les blogs WP d’ordinaire;..
Comme je sais que tu aimes les retours : design épuré, tout est bien lisible, pas de chichis, on s’y retrouve. (j’ai récemment vu un blog super intéressant, mais mes yeux n’ont pas résisté au blanc sur fond noir, alors, adieu!)
Moi aussi j’ai un faible pour l’encre Victor Hugo. J’imagine si quelqu’un a ça dans son grenier, le prix que ça vaut !
Précision, par rapport à la taille standard proposée par ce nouveau design, je suis en police 120% : pour les bigleux comme moi !
Je dois vivre au pays des bisounours parce que tous ces petits arrangements d’écrivains m’avaient échappé ! Même si c’est un procédé courant, ça me choque. (160 euros pour aborder David Foëkinos ; il faudrait plutôt qu’il me les donne pour que j’accepter de me déplacer hi hi …)
…et il faut être sérieuse assuré de sa propre valeur pour assumer des rencontres telles que celles-là…
Je dirais tout pareil qu’Aifelle et j’ai éclaté de rire à voir ta contribution personnelle !
J’aime bien Claro, mais enfin, je le trouverai crédible sur le sujet lorsque le grand public le connaîtra, qu’on lui proposera une manne financière de cette sorte… et qu’il la refusera par refus des compromissions. Moi ça ne me dérange pas : d’abord parce que les écrivains, comme tout un chacun, ne vivent pas de l’air du temps, et ensuite parce que du coup ça montre qu’un écrivain est toujours quelqu’un dont l’image peut faire vendre. Après évidemment, ça dépend du produit, plus ou moins « glamour »
Sûr qu’il y a publicité et publicité (pas de couscous, pas de rillettes…) comme il y a écrivains et écrivains (pas d’Echenoz, par de Modiano…). Et ça me fait plaisir de constater à quel point l’interprétation d’un même fait peut varier d’une personne à l’autre 😉
Je préfère la pub de Colette
haha, ton montage est génial! 🙂
ça ne me dérange pas, pourquoi un écrivain ne pourrait-il pas faire de la pub comme un musicien, un réalisateur ou un comédien? et comme le dit l’Irrégulière, effectivement c’est plutôt positif, ça montre qu’un écrivain a toujours une portée assez grand public pour figurer dans une publicité.
En France, je crois qu’on véhicule toujours quelque part l’idée de l’écrivain et du génie, détaché des choses matérielles et surtout sans rapport avec le gain, l’argent : la littérature ne s’occupe pas de ces choses-là. Et puis il y a des points de vue plus pragmatiques…
Oui Sandrine vous avez raison, « l’idée de l’écrivain et du génie, détaché des choses matérielles » est une idée bien ancrée – du moins l’a-t-elle été longtemps pour moi. Je ne comprends d’ailleurs pas d’où elle est née car si l’on se réfère aux plus illustres écrivains de notre pays, les Balzac ou Dumas par exemple, ils écrivaient pour le fric ! Rallongeant leurs textes payés à la ligne par les journaux dans lesquels ils paraissaient en premier lieu. Pour résumer, je sais que les écrivains (artistes) ne sont pas des esprits purs animés uniquement par leur Art, mais pour autant j’en suis fort chagriné quand même…
J’adore ton petit montage perso !
Même Victor Hugo ! Ben, dis donc, j’en découvre des pratiques d’écrivains ! Je suis particulièrement fan de ton montage perso.:-)
sujet intéressant et j’adore la pub de Victor Hugo , pour moi la pub est faite par de talentueux menteurs , seuls ceux qui y croient sont des sots. Pour qui a vu « Mad Men » s appris beaucoup sur la pub .
ça ne me choque pas, et pourquoi pas .? les auteurs dont tu parles sont des « vedettes », donc ils se monayent… Personnellement ce ne sont pas ceux que je lis, mais après tout, si ça fait vendre des livres en plus. les acteurs et chanteurs en font bien de la pub sans qu’on soit choqué…
A première vue, je pourrai être choquée… Mais après tout, pourquoi les écrivains ne pourraient-ils pas être prescripteur, comme les chanteurs, les acteurs, les stars en général ? Doit-on toujours penser l’écrivain comme un être enfermé chez lui, en marge de la société, enroulé dans une couverture, dans une chambre de bonne, grignotant par manque d’argent pour vivre dignement ?!
C’est qu’un écrivain a plus ou moins le statut d’intellectuel (plus ou moins…) ce que n’a pas un acteur ou un chanteur…
Mais intellectuel doit-il s’opposer à populaire ? On revient derrière sur des débats classiques…
:))) alors là, tu m’apprends quelque chose !Peut-être ne regarde-je pas assez la télé pour repérer ces pubs? Suis pas choquée mais non plus enthousiaste…