Louise vient de le quitter, il en est professionnellement réduit à faire le nègre pour un candidat aux prochaines élections, bref, David McCae écrivain new yorkais est au fond du trou. Son éditeur l’enfonce encore un peu plus quand il lui demande d’aller rencontrer un certain Dick Carlson en Alaska pour le livre du futur gouverneur. David n’est résolument pas fait pour la nature, et surtout pas celle-là, mais il faut bien gagner sa vie…
Le malheureux va avoir droit à tout ce que le citadin redoute, et même plus. Il règne une chouette ambiance dans le repaire hivernal de Carlson, enfin une chouette ambiance pour qui aime les week-ends de chasse à l’ours entre amis… David s’efforce de faire bonne figure pour recueillir les souvenirs de cet ancien alpiniste mondialement célèbre pour avoir le premier vaincu l’Hidden Peak, 8 000 mètres d’altitude et de surcroit jadis conseiller du président Jimmy Carter. Adulé du grand public, le type est pourtant éminemment détestable, un vieil autoritaire imbu de lui-même. Bref, un riche connard arrogant. Mais David enregistre bien malgré lui les délires nocturnes et éthyliques de Carlson. Et voilà que les ennuis commencent vraiment.
En s’attaquant au mythe Carlson, David ne mesure pas la dangerosité de ses déclarations. Il sera abandonné en pleine nature, dans le lieu le plus hostile qu’il puisse imaginer. Il ne connaît rien à la survie en pleine nature et va devoir affronter le froid, la faim, la solitude et les ours… Cette ambiance survival se double d’une chasse à l’homme dont David est la proie. Et c’est bien la nature humaine qui se dévoilera alors à ses yeux ainsi que l’impitoyable jeu social que jouent ceux qui sont tout en haut et entendent y rester. Tous les coups sont alors permis.
Patrice Gain que je découvre avec Terres fauves fait efficacement monter la tension. David McCae est d’abord un type quelconque, un peu fade voire même fourbe qui acquiert petit à petit et bien malgré lui un statut de héros. Il n’a rien d’un justicier, il n’est que fatigué par l’arrogance des puissants qui passent pour ce qu’ils ne sont pas et ne sont pas soumis aux mêmes lois que tout un chacun. C’est donc David contre Goliath…
On pense à David Vann et son Sukkwan Island avec son Alaska hostile. Je pense aussi toujours à Délivrance quand je lis les aventures malheureuses de quelque citadin égaré en marâtre Nature : la solitude des grands espaces n’est pas faite pour tout le monde et certainement pas pour ce David McCae (qui même s’il n’apprécie pas les paysages qui l’entourent les décrit fort bien). J’ai aimé ce personnage banal, au creux de la vague qui se dévoile à lui-même quand il décide de ne pas accepter ce qui est moralement inacceptable. Terres fauves est donc très bien construit car il donne petit à petit de l’ampleur au narrateur et au récit qui devient de plus en plus haletant. Je ne regrette que les derniers chapitres qui ajoutent à mon goût bien trop d’éléments dramatiques nouveaux.
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Terres fauves
Patrice Gain
Le Mot et le Reste, 2018
ISBN : 978-2-36054-518-6 – 204 pages – 19 €
Nature, morale sociale et thriller, ça me paraît un mix prometteur. Je note !
De bons ingrédients oui, tout à fait maîtrisés.
Rha je suis tentée, et puis, Le mot et le reste, j’aime bien comme éditeur (on a les prétextes qu’on peut)
Bien sûr que c’est un livre pour toi… je peux bien sûr te le prêter à l’occasion 😉
Proposition acceptée! (au fait tu comptes aller à chambord cet été?)
Mais je passe à Blois assez souvent
Pourquoi pas, il semble original, je le note pour la bibliothèque…
Original je ne sais pas mais en tout cas, c’est un roman français qui manie bien les codes du roman noir à l’américaine.
C’est l’Alaska et la solitude qui me tentent. L’histoire a l’air corsée.
Oui, le héros est vraiment malmené, sa rencontre avec l’ours notamment n’est pas de tout repos…
Ok, ça ce n’est clairement, clairement pas pour moi! Il faut que j’arrête d’essayer les romans de ce type, ça ne fonctionne jamais. J’aimerais aimer… mais bon!
Il ne faut pas se forcer 🙂
J’espère qu’il n’a pas les défauts de quelques écrivains américains ayant suivi des cours de writing à savoir, remplir des pages inutiles pour faire du volume. Vu ton article, je le note.
L’auteur est français, il n’a donc pas les défauts d’un auteur américain, d’ailleurs, le bouquin ne compte que 200 pages !
Il est noté car j’avais lu un autre bon avis dessus
Une sacré plongée en pleine nature sauvage, on dirait.