Monde sans oiseaux de Karin Serres

SerresDe ceux qui ont inventé les cochons roses fluorescents, nous ne saurons rien, pas plus que ce qui se passe là-bas, en ville, par-delà les montagnes qui cernent le village de Petite Boîte d’Os, la narratrice. De sa naissance à sa mort, en une centaine de pages, elle raconte ce qui l’entoure, ce qui la touche. Un monde de sensations, d’émotions pour égrainer une vie difficile mais sans plainte. Aucun détail n’est donné sur la vie des uns et des autres, ses proches sont évoqués : le père pasteur, la mère fantasque, le frère blessé et surtout Joseph, vieux Joseph mais grand amour, l’amour d’une vie. Tous demeurent lointains, ne font que passer.

Karin Serres met en scène cette femme et son village étrange de façon très impressionniste. Loin de la civilisation, mais pas tant, loin des bouleversements du monde tel qu’il va, mais pas tant. Il s’est passé ou il se passe quelque chose là-bas, ailleurs, les conséquences s’en font sentir jusqu’au village : l’eau monte, on perche un peu plus haut les maisons roulantes… Fin du monde, fin d’un monde ?

J’aurais aimé en savoir plus. Si toutes les bizarreries de cette vie ont retenu mon attention, le style du roman m’est difficile. Ample et poétique, il évoque plus qu’il ne raconte.

La douleur est peut-être un organisme vivant, invisible mais réel, qui habite à l’intérieur de notre corps. Parfois, il se réveille, s’agite violemment, mais le reste du temps il dort. Du bout de ses tentacules, soudain, il appuie sur nos gencives, nos tympans, nos seins adolescents ou notre utérus comme là, maintenant, aaargh ! Et c’est lui qui nous suce le sang, de l’intérieur, qui boit toute l’eau de notre peau d’enfant. Mais que devient-il, quand on meurt ?

Cette façon d’écrire me lasse rapidement car je n’ai aucune prise pour comprendre le personnage. Trop d’images, d’analogies, de métaphores suggèrent un monde qui me reste étranger, sans consistance ni réalité. Ce n’est pourtant pas faute d’aimer les univers imaginaires… Quant aux personnages, ils sont plus évoqués qu’incarnés ; le lecteur a beaucoup à faire pour les imaginer, pour leur donner vie.

Monde sans oiseaux

Karin Serres
Stock (La Forêt), 2013
ISBN : 978-2-234-07395-1 – 105 pages – 12.50 €

38 commentaires sur “Monde sans oiseaux de Karin Serres

  1. J’ai aussi du mal avec ces écritures. Pourtant l’ambiance du village avait l’air intéressante. Une centaine de pages ? Peut être à étoffer, et ajouter une histoire?
    Je constate que pour la rentrée littéraire c’est drôlement bien d’envoyer les autres en avant garde, ils débroussaillent le terrain (même si j’ai des titres « à lire » pour diverses raisons)^_^

    1. oui, l’ambiance du village est intéressante, j’aurais aimé qu’elle aille encore plus loin dans le bizarre… et j’en ai fini avec les auteurs français de la rentrée (pour l’instant) : ça n’est pas encore cette année que je m’extasie…

  2. J’ai trouvé qu’il y avait justement un vrai pouvoir d’évocation chez cette auteure. Mais c’est typiquement le genre d’ouvrage qui peut laisser un lecteur au bord de la route, je le conçois tout à fait. Moi je me suis laisser embarquer et j’ai trouvé cela magique. Et puis je me répète mais pour un 1er roman, quelle audace !

  3. Je ne pense pas qu’il soit fait pour moi…si les personnages restent lointains, ça me gêne généralement, les romans sur le ressenti me touchent généralement peu. Mais peut-être ai-je tord!

  4. Je vais le lire bientôt. Jusqu’à présent, j’ai lu deux avis enthousiastes (Maryline et Jérôme) et deux nettement moins, Lecturissime et toi. Peut-être me situerais-je au milieu ..

    1. On n’est quand même pas dans la littérature expérimentale, plutôt l’expression d’un univers tellement particulier que tout le mode ne peut pas entrer.

  5. J’aurai pu écrire le commentaire de Jérôme. Un univers particulier. Je crois que j’ai aimé justement que l’auteur n’aille pas si loin dans le  » fantastique « , ces images, cette voix, flottante. je comprends que cette lecture ait pu te paraître manquer d’épaisseur.
    Des titres d’auteurs étrangers maintenant si je comprends bien, curieuse de ta sélection.

    1. Et moi je comprends bien qu’il t’ait plu, tu es plus sensible que moi à ce genre d’écriture. Moi, je ne suis pas une poète, n’apprécie guère la poésie et ne peut m’empêcher d’entendre le travail sous ce genre d’écriture…

  6. les univers poético-étranges me laissent souvent de marbre, et comme je recommence tout juste à retrouver ma joie de lire je ne vais pas l’émousser en allant vers des livres « à risques » pour moi
    Luocine

  7. C’est bien tous ces avis différents. Ça permet de situer si le livre est susceptible de nous plaire ou non, et là, à te lire, je pense que pour moi, c’est non. Mais Jérôme a tout à fait raison. C’est le genre de livre qui a son public propre visiblement.

  8. Je comprends ce que tu dis sur ce texte, le fait de n’avoir pas de prise pour comprendre les personnages, le fait de vouloir en savoir plus. Mais je trouve que justement, ça fait partie du charme de Monde sans oiseaux, il y a un côté sans cesse surprenant, à chaque page, qui fait qu’on reste subjugué par le roman. En tout cas, j’ai bien aimé, et il sort du lot par rapport aux autres livres de la rentrée littéraire que j’ai lus.

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