L’Organisation de Maria Galina

Anna Starobinets nous a récemment fait prendre la température du fantastique russe actuel. Voici Maria Galina (au nom bien hispanique…) qui avec L’Organisation nous propulse dans la Russie soviétique de la fin des années soixante-dix. L’originalité de ce roman réside tout autant dans ce qui est raconté que dans la façon de le faire.

Voici la toute jeune Rosa engagée grâce à son oncle Lev au SSE-2 comme traductrice. Piston qui lui permet de travailler tout en révisant ses cours pour postuler ensuite à une école. Mais voilà, on ne lui donne pas grand-chose à faire et elle ne parvient pas à comprendre ce que font ses collègues, depuis Katia la secrétaire à Elena, sa supérieure. Le lecteur non plus d’ailleurs car Maria Galina tourne autour du pot et entretient le mystère.

Petit à petit, on comprend que le SSE-2 est chargé d’inspecter les cargaisons des navires accostant dans cette ville portuaire. Mais si les employés du SSE-1 sont chargés de débusquer les épidémies courantes avant qu’elles ne se répandent en terre soviétique, les collègues de Rosa sont chargés d’infections moins habituelles : ils traquent les créatures malfaisantes ! Car c’est bien connu, les immigrants emmènent dans leurs bagages un peu de leur terre natale et avec elle les démons et esprits malfaisants qui vont avec.

On nage bien sûr en pleine paranoïa : l’URSS des années soixante-dix assaillie d’immigrants ? On nage aussi en pleine contradiction : le matérialisme soviétique obligé de lutter contre le surnaturel ! De cette constante opposition entre l’absurde des faits et le sinistre quotidien de la vie sous dictature naît un humour tout particulier, assez froid et pourtant réjouissant.

Ce réalisme qu’on dit soviétique est omniprésent. Le quotidien des gens est glauque avec les fils d’attente dans les magasins, les logements sinistres, les vêtements de mauvaise qualité et ceux qu’on fait venir des pays voisins… L’administration, inépuisable source de scènes coquasses vues d’ici et d’aujourd’hui, suinte de mesquinerie, de magouilles et de tensions.

Mais voilà que l’engrenage bureaucratique voit rouge quand à quelques mois des Jeux Olympiques de Moscou on découvre des cadavres dans cette ville portuaire. L’affaire relève du SSE-2, autant dire le bureau des affaires étranges, chargé de lutter contre la superstition… en supprimant des créatures qui existent bel et bien et transforment donc la superstition en réalité. Mais à Moscou, on a décidé que tout ça n’existait pas, donc…

Situation absurde doublée d’une paranoïa démesurée dans lesquelles les personnages survivent tant bien que mal, à force de coups de fil bien placés, de pots de vin et de quelques envoûtements pour faire bonne mesure !

Le fantastique russe n’a pas fini de nous étonner et de nous dépayser.

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L’Organisation. Saga triste et fantastique de l’époque de la stagnation (SES-2, 2009) de Maria Galina traduite du russe par Raphaëlle Pache, Agullo (Agullo Fiction), février 2017, 366 pages, 22€

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