Huit crimes parfaits de Peter Swanson

Huit crimes parfaits de Peter Swanson

Le narrateur de Huit crimes parfaits se nomme Malcolm Kershaw, Mal pour les amis. Mais il n’en a pas beaucoup. Il a du mal à se faire des amis, c’est peut-être pour ça qu’il est devenu grand lecteur puis libraire : enfermé dans ses livres, il a l’illusion d’être moins seul. Avec deux employés, il tient une librairie à Boston, Old Devils, spécialisée dans le roman policier d’occasion. Il a fait son trou, tout va plutôt bien pour lui.

Jusqu’au jour où Gwen Mulvey le contacte. C’est une agente du FBI qui a quelques questions à lui poser sur une liste qu’il a jadis écrite sur le blog de la librairie. Elle contient huit romans dans lesquels, selon Kershaw, le crime parfait a été accompli. Une liste comme il s’en écrit tant… Sauf qu’elle titille l’agente Mulvey car elle a fait un rapprochement entre cette liste et plusieurs crimes encore irrésolus. Serait-il possible qu’un meurtrier s’en inspire ? Dans quel but ? Est-ce seulement possible ? L’agente Mulvey voudrait l’avis d’un expert comme Kershaw sur la question. Le libraire répond bien volontiers à ses questions car de toute évidence, c’est un homme avenant et sympathique. Sauf que…

Le paragraphe suivant dévoile un rebondissement qui a lieu page 123 (sur 342).

Malcolm Kershaw n’est pas aussi innocent qu’il y paraît. Sa femme est morte quelques années plus tôt et il a tenu son amant pour responsable de sa mort. Il a donc alors décidé de le tuer. Pour ce faire, il a utilisé le scénario d’un de ces huit crimes parfaits : L’inconnu du Nord Express de Patricia Hightsmith. Il a donc cherché quelqu’un pour tuer l’amant de sa femme et en échange, il tuerait la personne qu’il lui indiquerait. C’est quand il passe à l’acte qu’il récupère le chat qui se trouve sur la couverture et dans sa librairie.

Jusqu’à cette page 123, je trouvais ce roman assez plan plan et pour tout dire invraisemblable. Je sentais venir encore une fois le roman policier soit disant malin avec intrigue alambiquée et totalement improbable. Quand enfin le narrateur prend de l’ampleur, mon degré d’intérêt est remonté. Il faut dire qu’il est agréable de suivre Kershaw dans sa librairie et de triturer les intrigues de romans policiers, même si je ne les ai pas lus.

Et puis mon intérêt a de nouveau décru autant pour l’intrigue que pour le narrateur et ses grandes affirmations sur la vie :

Peut-être toutes ces années passées dans des univers fictifs bâtis sur la tromperie avaient-elles biaisé ma vision des choses, mais à dire vrai, je ne faisais pas plus confiance aux narrateurs qu’aux gens réels. On ne nous dit jamais toute la vérité. Lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois, avant même d’échanger les premiers mots, les mensonges et les demi-vérités sont déjà là. Les habits que l’on porte cachent la vérité de nos corps, mais ils nous présentent aussi au monde tel que nous voulons paraître. Ils sont un tissu de mensonges, au propre comme au figuré.

Un héros libraire, des crimes liés à des romans policiers, des références littéraires à foison et un narrateur non fiable : autant de bons ingrédients formant une mayonnaise qui ne prend pas tout à fait. C’est sympathique, mais sans plus. Le narrateur est finalement trop lisse, pas aussi machiavélique qu’il le pourrait. Il devrait retenir toute l’attention du lecteur et si ça finit par être le cas, c’est par défaut : aucun autre ne se détache. Surtout pas le meurtrier, à la psychologie torchée à la truelle et aux motivations incompréhensibles.

Bref, encore une mauvaise pioche en roman policier.

 

Huit crimes parfaits

Peter Swanson traduit de l’anglais (américain) par Christophe Cuq
Gallmeister, 2021
ISBN : 978-2-35178-258-3 – 342 pages – 23,40 €

Eight Perfect Murders, parution originale : 2020

 

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46 Comments

  1. J l’ai lu l’année dernière (pas de billet, et pas gardé, c’est un signe) mais pour un voyage bien occupé et u train, ça allait bien.

    (Moby Dick ça te va pour le 4 mai?)

    1. Littérature de gare, c’est rarement un compliment 😉
      On tente le 4, ok : j’ai fini le débarquement (pas une mince affaire !) et j’ai un autre texte à rendre pour le 2 mais si je m’organise un peu, ça devrait aller…

  2. 123 pages à attendre que le récit prenne réellement vie, ça peut paraître long. C’est d’autant plus dommage que cet intérêt n’ait pas duré. Je te souhaite que la prochaine lecture soit plus entraînante. 🙂

      1. Oui c’est vrai. Mais j’ai envie de lire un vraiment bon roman policier en ce moment alors je m’obstine. Et peut-être aussi que je mets la barre un peu haut…

      2. Ah mince, c’est vrai quand on a envie d’un genre en particulier, c’est difficile de lâcher prise avant d’être totalement rassasiée. 😁

  3. Dommage en effet car j’aime bien les histoires qui se passent dans le milieu des livres ! Quand la déception est là c’est bien normal d’avoir un avis mitigé sur une lecture… Merci en tous les cas pour ton ressenti, ma PAL s’en porte à merveille…

  4. C’est clair, ça ne fait pas envie… tu as du mal à trouver de bons romans policiers? Il faut lire Hervé Le Corre ( pas son dernier qui est une dystopie très décevante d’après moi)

    1. Oui je sais bien, mais je crains sa noirceur… Je lis des romans policiers en ce moment soit pour me détendre entre deux textes que j’écris, soit j’audiolis en jardinant. Dans les deux cas, il ne me faut pas quelque chose de trop noir (ni de trop long) : imagine-moi en train de planter mes plants de petits pois, de semer mes courgettes et de désherber : pas sûre que ce soit la bonne ambiance pour Le Corre…

      1. Mais je comprends aussi que tu recherches des choses plus douces lorsque tu jardines. En ce moment j’audiolis «  la laisse »de Sagan, c’est très plaisant je trouve.

  5. En ce moment, beaucoup de livres me tombent des mains, alors je ne vais pas tenter celui-ci qui avait pourtant beaucoup d’atouts (dont le chat en couverture…)

  6. On dirait que je suis la seule à avoir aimé ce roman mais je reconnais que je suis bon public quand il s’agit de polars. Je ne dis pas que c’est le roman du siècle mais je l’ai trouvé agréable à lire. Il faut aimer les Cosy Mysteries qui sont parfois un peu plan-plan. ^_^  Je t’imagine plus « romans noirs », non ?

    1. Je me perds un peu dans les nouvelles catégories de romans policiers… si celui-ci est un cosy mystery alors ce n’est sans doute pas pour moi. J’aime bien un Agatha Christie de temps en temps cependant. Et oui sans doute, je préfère les romans noirs mais les conditions dans lesquelles je lis en ce moment me portent moins vers ce genre.

    1. J’ai vraiment eu l’impression que cet assassin sortait de nulle part… l’auteur lui a sur la fin créé un profil et des motivations vraiment fumeuses, je trouve…

  7. Je l’avais noté en raison de son thème et d’un avis positif ( sans doute chez Je lis je blogue … Ton avis est radical et je pense que je jetterai seulement un oeil dessus, du coup, en bibliothèque … Je cherche un bon roman policier pas trop noir à te conseiller et ma foi, le dernier que j’ai lu et qui pourrait rentrer dans cette catégorie est L’eau rouge de Jurica Paicic …

      1. Oui, les polars historiques, ce sont souvent ceux qui fonctionne bien entre détente et noirceur, c’est d’ailleurs le cas de l’eau rouge (l’histoire de l’ex yougoslavie y tient une bonne place). Je ne connais pas A. Courban, je guetterai ton avis.

  8. « Après la guerre » d’Hervé Le Corre ou « Requiem pour une République » de Thomas Cantaloube, sont de très bons polars historiques. Enfin, je ne sais pas si eux-mêmes classeraient leur roman dans ce genre, mais bon.. Ce n’est pas volontaire, mais les deux ont pour toile de fond la guerre d’Algérie (et pour Le Corre, c’est aussi un portrait cinglant de la France de l’après collaboration).

    1. Merci pour ces conseils. La guerre d’Algérie est une période que je ne connais pas bien (je n’écris pas de podcasts dessus, pas plus que sur la Révolution et une plus vaste période allant de 1715 à 1815). En lisant ta suggestion, « Requiem pour une République, je croyais que c’était la fin de la 3e, période qui m’intéresse par contre beaucoup. J’arriverai bien à Le Corre un jour ou l’autre…

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