Impact d’Olivier Norek

Impact d'Olivier Norek

Impact s’ouvre sur une scène de violence et de désolation : des militaires français viennent évacuer une humanitaire au Niger où la situation n’est plus tenable. Elle leur fait découvrir des charniers d’êtres humains : les morts de pollution sont si nombreux qu’on ne sait plus où les enterrer… Puis quelques mois plus tard à Paris, la femme de Virgil Solal, un des militaires, accouche d’une enfant qui ne vit que quelques minutes. Dans le ventre de sa mère, elle a contracté une malformation due à la pollution.

Deux ans plus tard, le PDG de Total est kidnappé. L’enlèvement est revendiqué par une organisation inconnue : Green War. Nathan Modis, flic et père célibataire est mis sur le coup. On lui adjoint une psy, Diane Mayer, affublée de nombreux TOC. Il faut localiser au plus vite le PDG car si la rançon de 20 milliards d’euros n’est pas versée sous 24 heures, il sera asphyxié par un pot d’échappement.

C’est Virgil Solal qui est à la tête de Green War et il maîtrise très bien son image et son message. Il dialogue avec les deux enquêteurs en visioconférence à visage découvert. Il promet de rendre à terme la rançon si Total agit pour le climat. Bientôt, tout le monde découvre son combat pour l’urgence écologique et nombreux sont ceux qui le soutiennent. Car les faits et les chiffres qu’il avance sont vrais. Ses propos troublent le flic et la psy chargés de lui mettre la main dessus.

Je découvre Olivier Norek avec ce roman, son sixième, n’étant pas naturellement tentée par des romans écrits par des policiers. C’est l’écologie qui m’a attirée vers ce titre. Je l’ai écouté en une fois, sans pause et sans lassitude, avec même un certain intérêt, tout à fait inattendu. Car Olivier Norek place ses deux protagonistes principaux, Nathan et Diane en porte-à-faux par rapport à leur hiérarchie. Ils doivent en effet traquer un écoterroriste tout en étant convaincus que sa cause est juste.

Sans surprise, on retrouve dans Impact les thèmes chers aux écologistes, dont le dérèglement climatique, ses causes et ses conséquences. Mais aussi l’inaction des pays au premier rang desquels la France, avec un Macron (non nommé, mais bon, c’est le président en place durant le covid) bien empêtré dans sa rhétorique politicarde.

L’intrigue se tient, le suspens aussi et l’idée de transformer les actions des militants écologistes en légitime défense face à l’agressivité et aux pratiques mortifères des multinationales tout à fait opportune. Mais c’est bien sûr mon point de vue. Et ce qui m’a beaucoup intéressée après lecture, c’est de lire les réactions de ceux qui n’ont pas aimé et vivement critiqué ce roman. Qui est selon eux un plaidoyer anti-capitaliste, de la propagande écologiste, un pamphlet militant à la gloire de l’éco terrorisme, une tribune de terrorisme écologique, voire même une dangereuse apologie de la violence (venant d’un flic, c’est quand même curieux…). Car n’en doutons pas, parmi les lecteurs d’Olivier Norek, il y en a qui ont des actions chez Total. Et qui donc n’apprécient guère ce genre de « pamphlet ».

Norek prend pourtant soin de souligner que si ses protagonistes embrassent la cause de Virgil Solal, ils en condamnent les moyens : tuer, c’est mal. Même le patron de Total. Et en plus, ça ne sert à rien vu qu’il sera remplacé par un autre, à l’infini. Je pense qu’Olivier Norek ne fait pas l’apologie d’un assassin. Mais il met en scène un problème : des types aussi charismatiques et manipulateurs que Virgil Solal vont venir et puisque les beaux discours n’auront servi à rien, ils opteront pour la violence. Et ils seront suivis, comme l’est Solal, car leurs objectifs seront justes.

Je ne sais pas si Olivier Norek a écrit ce livre parce qu’il surfe sur la vague de la littérature écolo ou parce que le sujet lui tient à coeur : est-il végétarien ? Roule-t-il à vélo ? Va-t-il aux sports d’hiver ? Mange-t-il des tomates en mars ? Tout ça je ne le sais pas et n’ai pas besoin de le savoir pour constater que le sujet, même en littérature, est clivant. Ceux qui se fichent du climat et souhaitent aller de l’avant comme avant se sentent agressés dans leur mode de vie par un tel roman. On n’aime pas changer ses petits habitudes ni être montré du doigt…

Personne ne semble prêt à se défaire ni de son confort, ni de ses habitudes. Tant que le choix sera laissé, l’option du moins contraignant gagnera. La démocratie et le libre arbitre sont des notions merveilleuses, mais au sujet de l’écologie, il est grand temps de s’en rendre dignes au risque d’en être privés.

Être privé de ses acquis en matière de confort de vie est tout simplement impensable aujourd’hui et les lecteurs ressentent cette simple hypothèse comme une agression. Tout à coup, cet Olivier Norek qu’ils appréciaient pour ses polars formidables devient un sale gauchiste écolo (le comble pour un flic, même en disponibilité…) qui se mêle de politique et d’économie alors qu’il ferait mieux d’écrire des polars avec des faux cold case, de la violence, de la corruption, de la drogue et même des viols et des femmes battues, c’est moins clivant que l’écologie. Tout le monde est contre les assassins et les violeurs, c’est fédérateur, mais l’écologie non vraiment, il faut laisser ça aux gauchistes et les vaches seront bien gardées.

J’ai lu par exemple la réaction de lecteurs agacés parce qu’ils voulaient lire un polar et se sont sentis pris en otage. C’est étrange car ces lecteurs savent que le polar a une portée de critique sociale, voire idéologique, ce n’est pas une nouveauté. Mais là, c’est autre chose, je pense : ils se sentent sermonnés. Parce qu’il y a au fond une mauvaise conscience qui leur dit que ce que raconte Norek est vrai mais qu’ils n’ont pas envie de l’entendre.

Et je trouve très bien qu’un écrivain apprécié comme Olivier Norek mette sa notoriété au service de l’écologie. Jamais les détracteurs d’Impact ne liraient un livre sur le sujet ou ne regarderaient une émission sous le prétexte qu’ils savent tout ça (et s’en fichent). Leur mettre le nez dans la merde sans prévenir, je trouve ça bien.

 

Impact

Olivier Norek
Michel Lafon, 2020
ISBN : 978-2-7499-3864-6 – 348 pages – 19,95 €

 

Sur le même thème :

35 Comments

  1. Si c’est ton premier Norek, tu es tombée sur mon plus gros coup de coeur. La plupart de ceux qui appréciaient ses polars n’ont pas aimé celui-ci. Moi, j’ai adoré et je trouve bien qu’un écrivain sorte de sa zone de confort.

    Je peux aussi te conseiller « Entre deux mondes » qui m’a également scotché.

  2. Le roman semble clivant mais le thème de l’écologie l’est alors je ne suis pas étonnée. Ton avis donne envie d’écouter ce roman et l’une de tes phrases m’a convaincue de m’y atteler :
    « Norek prend pourtant soin de souligner que si ses protagonistes embrassent la cause de Virgil Solal, ils en condamnent les moyens : tuer, c’est mal. »

    1. Cet aspect est important en effet. je crois que les lecteurs habituels de Norek, se sentant attaqués sur l’écologie, ont pensé qu’il prenait parti pour le meurtrier qui est lui un écolo…

  3. quelle énergie dans ce plaidoyer pour un roman policier ! Je suppose que c’est à la hauteur de ce que tu as ressenti.

  4. Mon conjoint aime beaucoup cet auteur à propos duquel j’avais des réticences, car comme toi je ne me sens pas très tentée par les œuvres (livres ou films) d’ex policiers. Mia j’ai apprécié Code 93, seul roman lu à ce jour, et qui m’a donné envie de continuer. J’ai Impact à la maison, que mon mari a trouvé instructif et prenant. Moi, « plaidoyer anti-capitaliste » et « propagande écologiste », ça me donne plutôt envie de le lire, mais c’est sans doute parce que je n’ai pas d’action chez Total…

    1. Je crois selon qu’on est d’un côté de la barrière ou de l’autre, tous ces romans écolos ne sont pas perçus de la même façon… mais alors, pourquoi en écrire, c’est un peu la question…

  5. C’est un roman que j’ai beaucoup apprécié et offert à pas mal de personnes autour de moi tout comme « Entre deux mondes » d’ailleurs…deux romans très engagés. J’aime aussi ses polars mais je ne les ai pas tous lu pour autant. Ce que tu en dis est très intéressant, car je n’avais pas entre autre réalisé que les avis sur ce roman écologiste avait autant clivé les lecteurs…Merci !

  6. Contre toute attente (je n’aurais pas parié sur Norek), tu as enfin trouvé un polar qui t’as plu ! Les réactions de certains lecteurs semblent très surprenantes et un peu disproportionnées. Pour moi, effectivement, les questions sociales relèvent traditionnellement du polar. Par ailleurs, ça reste une fiction abordant un problème contemporain mais une fiction quand même.

    1. Je précise quand même qu’il y a bien sûr beaucoup d’avis positifs sur ce roman. Je me suis attachée aux négatifs pour essayer de comprendre les réactions exacerbées des lecteurs.

  7. Ce qui fait fuir certains en attirent d’autres! En l’occurrence, moi qui n’étais pas tentée par cet auteur je le suis maintenant 😁. Si on ne veut pas se tromper de genre, mieux vaut demander conseil à son libraire ou son bibliothécaire. Car a priori, personne n’a jamais été obligé de lire un roman parce qu’on lui braquait une arme sur la tempe. Être pris en otage par un auteur, c’est assez risible comme expression.

  8. je l’ai acheté l’an dernier, pas encore lu, je prévois cette lecture pour cet été au plus tard. Je pense que Norek est vraiment concerné par ses sujets, il l’a déjà prouvé avec « entre deux mondes ».

  9. J’avoue préférer Norek lorsqu’il connait parfaitement son sujet : en l’occurence dans sa trilogie initiale. Ses autres romans, qui sortent du cadre dans lequel il a exercé son métier de policier, sont moins bons dans le style, la plume est moins efficace, moins acérée.

    J’avais par contre aimé le sujet de celui-ci. Mais, j’ai été beaucoup plus émue par « Entre deux mondes » (même si là aussi, je ne le trouve pas aussi bon que sa trilogie initiale), qui m’avait retournée.

      1. Ah bah ça je comprends bien, et il a raison d’essayer mais du coup je trouve que le style est moins percutant pour l’instant. Ca s’améliorera peut être pour le plus grand bonheur de tous.

  10. J’ai eu Entre deux mondes dans les mains, mais non, même après ton billet qui m’a beaucoup intéressée, surtout les réactions de certains lecteurs qui en attendaient manifestement autre chose, je n’ai toujours pas envie de lire cet auteur…

  11. C’est l’un des seuls que je n’ai pas lu de Olivier Norek, avec son dernier Dans les brumes de Capelans, pourtant j’ai aimé tous ses livres. Par manque de temps peut-être, ou parce qu’il y a trop de livres que j’aimerais découvrir 😉 La scène d’ouverture a l’air particulièrement éprouvante, et le sujet comme tu le dis est clivant. Je suis tout de même curieuse de découvrir ce titre qui divise tant, en tout cas, je te remercie pour cet avis 🙂

  12. J’ai lu les deux premiers de la trilogie, qui frappent assez fort socialement parlant. J’ai « Entre deux mondes » dans ma PAL, alors « Impact » attendra, mais il m’intéresse bien sûr. Les réactions de certains lecteurs ne sont pas très étonnantes, ça ressemble à ce que l’on entend des anti-écolo, malgré les évidences.

  13. Coucou ! Je n’ai jamais lu cet auteur, et pour le moment ce n’est pas à l’ordre du jour, mais je suis très heureuse que l’écologie fasse une incursion dans le polar !!

    Ce sont bien entendu toujours les personnes qui ont le plus de choses à perdre qui deviennent agressives dès qu’on parle d’écologie (ou de classe, de féminisme, de genre, de race, de colonialisme…).

    (A mon avis, les petits gestes que tu mentionnes ne servent qu’à se préparer à des lendemains sobres et à donner l’exemple à celleux qui peuvent changer de mode de vie, en soi ils n’auront jamais d’impact significatif si nous ne sommes qu’une poignée à les mettre en place. C’est avant tout une politique collective forte qui pourra infléchir la tendance, comme taxer les riches et les produits et services polluants, empêcher les entreprises de produire des objets inutiles ou de se fournir à l’autre bout du monde…)

    1. Je suis d’accord avec toi sur les petits gestes (sauf pour la consommation de viande : si chacun en mange moins, c’est tout de suite conséquent). Et « l’écoterroriste » du roman de Norek soulève un point très important : on n’arrivera à rien si on ne contraint pas les gens. Et qui dit contrainte dit dictature, la « dictature verte » ! Imagine : chacun a un quota d’eau, d’électricité… invendable bien sûr pour limiter tout trafic. Certains s’en sortiraient très bien (ceux qui justement se sont habitués à la sobriété par les petits gestes) alors que d’autres hurleraient avec leurs liasses de billets à la main qui ne serviraient plus à rien 🙂

Laisser un commentaire