Du même bois de Marion Fayolle

Du même bois de Marion Fayolle

Comme le dérèglement climatique et le retour à la terre, le monde paysan fait l’objet depuis quelques années de très nombreuses publications. On voit fleurir des fictions mettant en scène des agriculteurs et des éleveurs le plus souvent en situation difficile. Qu’est-ce que Du même bois de Marion Fayolle nous dit sur cette ruralité que beaucoup regrettent sans pour autant s’y aventurer ?

La romancière raconte l’histoire d’une famille d’éleveurs ardéchois sur plusieurs générations. Elle choisit des personnages universels auxquels elle ne donne pas de noms. Il y a la mémé, la gamine, le beau-frère, le petitou… ils sont donc emblématiques et impersonnels. Pas facile dès lors de les cerner, encore moins de s’y attacher.

La gamine est celle qui traverse tout le roman. Enfant difficile, différente, incomprise dans ce monde qui aime le recommencement, la perpétuation du même. On la voit adolescente, puis mère. Tout cela très vite car il n’est pas question de raconter sa vie mais quelques scènes rapides qui la dessinent à des âges divers. Les générations se succèdent dans la maison où on naît et on meurt. Dans la maison, il y a donc toujours une mémé qui nourrit les siens grâce à la ferme. Elle y passe sa vie parce qu’on ne met pas ses vieux à l’EHPAD, ni même l’oncle qui n’a jamais rien fait de bien dans la vie parce qu’il lui manque une case.

La mémé est le symbole de l’humain irrémédiablement lié au lieu et à la terre avec lesquels elle forme un paysage :

Le visage de la mémé est patiné par le vent et le soleil, ses hanches rembourrées par le fromage et la bonne viande de la ferme. Le paysage déborde sur elle, elle n’aurait pas pu vivre ailleurs. Elle a la même silhouette que le prunier du jardin, celui qui croule sous trop de fruits, qui s’affaisse sous le poids de sa générosité. Ses bras, son dos, ses jambes sont fatigués d’avoir passé toute une vie à donner.

Quand la gamine était enfant, la mémé vivait tout près, les animaux aussi. Mais c’était avant. Depuis il y a eu la mécanisation, la mort du pépé et les jeunes qui partent travailler en ville. Et un jour, il n’y a plus eu personne pour reprendre la ferme…

Marion Fayolle raconte donc les mutations du monde rural de façon originale. Il ne s’agit pas d’un monde qui n’existe plus, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, car mes voisins qui sont éleveurs vivent eux aussi au rythme de leurs animaux, deux traites par jour et pas de vacances. Je suis malheureusement restée très à l’écart de tous ces personnages qui ne sont qu’effleurés, qui ne font que passer. On ne sait par exemple pas grand-chose de la fameuse mémé, réduite à son état de grand-mère. L’accumulation de saynètes et les très nombreuses ellipses peinent au final à rendre sensibles ces hommes et ces femmes qui font le monde paysan. a mon humble avis, un roman ne s’écrit pas comme on dessine une bande dessinée.

J’ai par contre été plus sensible à l’histoire de la ferme elle-même, la maison et ses différents bâtiments, pour les humains selon leurs âges et pour les bêtes. Elle est entourée de prés et de montagnes qui font corps avec elle.

J’ai audiolu Du même bois lu par Alice de Lencquesaing dont je n’apprécie pas la lecture. Je trouve son phrasé trop scolaire, assez monocorde et monotone.

Un autre avis sur ce roman chez Luocine.

 

Du même bois

Marion Fayolle
Gallimard, 2024
ISBN : 978-2-07-302581-4 – 128 pages – 16,50 €

 

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32 Comments

  1. merci pour le lien , je me souviens d’une lecture en mi teinte , quelques images me restent et je suis d’accord, quelques temps après, on n’oublie moins la maison que les gens.

  2. J’ai vu ce livre à la médiathèque, à feuilleter ça ne me paraissait pas bien original? Mais récemment j’en ai lu un qui m’a vraiment plu (billet un jour, tu verras. ^_^

      1. Il s’agit de Cour de ferme, avec paysans, au fil de quelques années (pas trop) et vu par des animaux (non, pas gnangnan, vachement bien)

  3. Un roman écrit comme une BD ? J’ai du mal à voir comment ça se goupille, mais en tout cas, je passe … Sur le thème, il y a sûrement des textes plus prenants.

    Par contre, il ne rentrerait pas dans les lectures sur Monde ouvrier mondes du travail chez Ingannmic ?

    1. Le livre se construit sur une succession de scènes. Quand j’ai su que la romancières était avant tout illustratrice et scénariste, j’ai fait ce rapprochement, peut-être exagéré.
      Et non pour le challenge car ce roman ne décrit que très peu le travail à la ferme.

  4. Les avis successifs ne me donnent pas trop envie de lire ce roman. Déjà, je n’aime pas trop les personnages qui n’ont pas de noms, je ne m’imagine pas m’identifier à l’un d’entre eux. Peut-être que l’histoire de la ferme aurait été plus intéressante à lire.

  5. Je suis partagée en lisant ta chronique car j’espérai en voyant le sujet que les personnages seraient plus attachants et plus approfondis. Cela ne doit pas être facile de passer de la BD à l’écriture d’un roman pour un auteur et c’est dommage que le lecteur le ressente, cela me fait hésiter encore davantage. Je suis d’accord avec toi, le monde rural existe encore et est bien présent malgré les difficultés de ceux qui veulent vivre du travail de la terre ou de l’élevage, je vois ça tous les jours quand je suis en Haute-Loire…mais aussi en Provence. A voir donc je n’ai encore jamais lu cette autrice…

  6. Je n’étais déjà pas très convaincue après avoir lu l’avis de Luocine… c’est le style (tel que vous le décrivez toutes les deux) qui me rebute.

  7. L’auteure m’avait donné envie de le lire lors de son passage à La Grande Librairie, tu me refroidis un peu. Et figure-toi que ce titre est déjà dans le récap sur le monde du travail… On m’aurait trompée ?! 🙂

    1. A mon avis ce roman ne traite pas du monde du travail. Bien sûr il est question du travail des parents paysans puisqu’ils vivent sur la ferme avec leurs bêtes mais ce n’est pas le sujet. D’ailleurs, on suit bien plus la gamine qui elle ne reprend pas la ferme. Je n’inclurais pas ce titre dans la liste mais c’est toi la boss 😉

      1. Disons que c’est comme pour les ouvriers : au-delà du travail à proprement parler, il y a une notion de condition irrémédiablement liée à l’appartenance au monde paysan. Du coup, j’ajoute quand même !

  8. Il arrive qu’on regarde les personnages évoluer sans entrer en relation avec eux. C’est ce qui m’est arrivé avec le dernier Grimaldi sorti en poche.

    Il est vrai que la vie des paysans n’est pas simple, mais je pense qu’elle ne l’a jamais été.

    Je passe mon tour pour ce roman…

    1. Il y a des choses qui ne changent pas et s’il y a moins de paysans et d’éleveurs que parle passé, traire les vaches deux fois par jour est un impératif…

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