
Snowman est le dernier homme, le dernier être humain naturellement né d’une femme. Autour de lui, les Crakers, êtres manifestement humains mais tous extraordinairement beaux et mangeant de l’herbe. Tout le reste n’est que ruine et désolation et le but du roman est de nous expliquer comment on en est arrivé là. S’intercalent donc les chapitres où Snowman vit en compagnie des Crakers et cherche à se procurer à manger, et ceux où il était Jimmy, pauvre tâcheron de la pub malheureusement ami d’un garçon au génie génétique, Crake.
Il est longuement, trop longuement question de leur jeunesse commune, de leur parcours différent qui pourtant scellera leur amitié.
Là où Margaret Atwood est très convaincante, c’est dans la description d’une société où l’on peut tout voir et expérimenter via le Net, du voyeurisme pour grands et petits, au suicide mode d’emploi. Le jeune Jimmy, blasé de sexe et de violence, doit se construire dans un univers hyper fliqué et sectaire. De son côté Crake est né avec une cuillère en or dans la bouche et peut s’adonner à ses petites recherches de savant fou pour satisfaire des hommes et des femmes toujours plus avides de paraître et de rajeunir. Grâce à ses recherches transgéniques tous azimuts, on parvient à inventer :
de gigantesques rochers artificiels, réalisés à partir d’un liant associant bouteilles en plastiques recyclées, matériel végétal de cactus arborescent géant et divers lithops – plantes-cailloux de la famille des mesembryanthemacae – […]. C’était un procédé breveté […], lancé à Watson-Crick, qui rapportait aujourd’hui un joli pécule. Les rochers artificiels ressemblaient à de véritables rochers mais moins lourds ; de surcroît, ils absorbaient l’eau en période humide et la libéraient en période sèche, de sorte qu’ils régulaient naturellement l’irrigation des pelouses. Ils étaient commercialisés sous le nom de Roculateurs. Cela dit, il fallait les éviter en période de forte pluie, car il leur arrivait d’exploser.
Des choses aussi essentielles absorbent tout le génie des apprentis sorciers de l’ADN, jusqu’à la folie de l’ultime expérience.
Dommage donc que certains passages soient d’une longueur totalement inutile. Le regard que porte Margaret Atwood sur notre société telle qu’on se la prépare s’en trouve malheureusement alourdi. La critique n’en reste pas moins juste et alarmiste en ce qui concerne les adolescents lâchés dans le Grand N’Importe Quoi mondial qu’est Internet.
Margaret Atwood sur Tête de lecture
Le dernier homme (Oryx and Crake, 2003), Margaret Atwood traduite de l’anglais (canadien) par Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont (Pavillons), février 2005, 396 pages, 22€