Comment rendre compte d’un livre, La neuvième vie de Louis Drax, dont il ne faudrait rien dire ? Comment exprimer le plaisir de découvrir la complexité d’un personnage qui doit garder tout son mystère sous peine de déflorer, voire de violer l’intérêt du lecteur ?
Je m’en vais donc juste vous en toucher quelques mots, ni trop, ni trop peu, pour que vous soyez, comme moi, emportés dès les premières pages au point de lire ce roman en une journée.
Deux personnages se partagent la narration : Louis Drax, neuf ans, réputé enfant difficile, que l’on devine extrêmement intelligent, dérangeant par ses sempiternelles questions, sa logique et sa compréhension très partielle et personnelle du monde des adultes ; Pascal Dannachet, neurologue, chef de service à la clinique de L’Horizon. Quand Pascal rencontre Louis, celui-ci est déjà plongé dans le coma suite à une chute vertigineuse du haut d’une montagne auvergnate. Un cas classique pour ce spécialiste du coma qui pourtant n’est pas au bout de ses surprises. Car avant d’arriver dans cette clinique, Louis a été déclaré mort. Il est revenu à la vie plusieurs heures après son décès clinique sans qu’aucun médecin puisse expliquer ce cas. Même si Louis, au cours de sa courte vie, a déjà subi de très graves accidents potentiellement mortels, Natalie Drax, mère de l’enfant, est totalement bouleversée par la mort puis la résurrection de son fils. Quand le docteur Dannachet apprend que, selon les dires de la mère, c’est Pierre Drax, son mari, qui a poussé l’enfant pour ensuite disparaître sans laisser de traces, le cas se complexifie et l’entraîne sur un terrain imprévu.
Par les monologues croisés de Louis et de son médecin, le lecteur de La neuvième vie de Louis Drax découvre peu à peu l’extrême complexité de l’enfance de Louis, son histoire familiale tragique qui peu à peu construit un suspense psychologique redoutable. La voix de Louis « rêveur solitaire », enfant à problèmes qui a « du mal à distinguer le vrai du faux » est aussi émouvante qu’inquiétante car on devine les mensonges qu’il interprète mal et qui l’enferment dans sa psychose. Son discours est souvent aussi très drôle car naïf et franc. Il déteste par exemple son psychologue, qu’il appelle Gros Perez et auquel il raconte sciemment un flot de mésaventures farfelues :
Il devrait s’appeler M. Continu au lieu de Gros Perez ou M. Stupide Con Crétin Trou-du-Cul. De toute façon, je peux dire tout ce que je veux parce que tous les sentiments sont permis. Les enfants doivent se sentir libres d’exprimer leurs sentiments même s’ils sont négatifs. Le monde est un lieu parfaitement sûr, blablabla.
Liz Jensen parvient à rendre aussi crédible la voix de l’enfant de neuf ans dans le coma que celle du docteur dont le couple va traverser un moment difficile et se remettre en cause à cause du cas Louis Drax. Le deux narrations font progresser le récit de la neuvième vie de Louis Drax, celle qu’il passe dans le coma et qui va permettre au lecteur de comprendre le drame de sa vie.
On nous annonce un film, réalisé par Anthony Minghella.
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La neuvième vie de Louis Drax
Liz Jensen, traduite de l’anglais par Odile Demange
J’ai Lu n°8555, 2007
ISBN : 978-2-290-00449-4 – 285 pages – 6 €
The Ninth Life of Louis Drax, parution en Grande-Bretagne : 2003