La messagère de l’au-delà de Mary Hooper

La messagère de l'au-delàEtrange histoire que celle de Anne Green, pendue à Oxford en 1650 pour infanticide, déclarée morte, puis vivante. Mais il n’est pas question ici de miracle sinon d’une jeune servante abusée par un puissant dans l’Angleterre puritaine du XVIIème siècle. Deux récits parallèles nous permettent d’une part d’assister aux efforts des médecins pour ramener la jeune pendue à la vie après avoir décelé des signes manifestes de vie ; d’autre part aux événements qui l’ont conduite à la potence, qu’elle raconte elle-même depuis le non lieu où elle se trouve, entre la vie et la mort.

Le destin de Anne Green ressemble à celui de centaines de servantes, anglaises ou non, qui se sont naïvement laissé prendre aux belles paroles d’un mal nommé gentilhomme. Pauvre et travailleuse, elle s’imagine déjà en princesse. Mais son rêve tourne au cauchemar quand elle se découvre enceinte, sans pouvoir dire à son maître, sir Thomas Reade que son propre petit-fils et héritier est responsable de son état. L’accablant labeur lui fait faire une fausse couche à plus de cinq mois de grossesse et cette délivrance signe sa perte puisqu’elle sera inculpée d’infanticide par sir Thomas, soucieux de faire disparaître un telle tache sur son blason.

On découvre donc le destin de ces filles du peuple qui pour les aristocrates ne sont guère plus que des choses. La voix de Anne, malgré son malheur, conte avec fraîcheur les quelques plaisirs qu’elle a connus et dévoile toute la naïveté de son âme. Jusqu’au bout elle croit que la justice des hommes reconnaîtra son innocence et elle ne peut échapper, en prison, à la malignité de ses semblables. Sa candeur est émouvante et certaines scènes cruelles font frémir comme celle de son accouchement, seule dans les latrines ou celle de son voyage vers Oxford dans une charrette où se trouve emmailloté dans une toile de lin le cadavre de son bébé.

Beaucoup plus légères sont les scènes durant lesquelles les médecins s’activent autour de son corps et s’emploient à lui administrer toutes sortes de médications : cataplasmes d’excréments de mouton et de poix, cendres d’hirondelles et graisse de cygne rôti, clystères et bien sûr, saignées. C’est qu’après avoir récupéré son cadavre pour la disséquer et ainsi faire progresser la science, ces médecins entendent bien ne pas laisser filer la ressuscitée : quelle gloire pour Oxford ! Mais gare cependant que cette résurrection ne soit l’œuvre du Diable car quelques années auparavant eut encore lieu une chasse aux sorcières organisée par le puritain Matthew Hopkins.

Ce roman pour adolescents est donc souvent poignant et, contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, très réaliste. Mary Hooper invite le lecteur à découvrir la vie simple et souvent injuste d’une jeune fille de jadis au destin incroyable sans pour autant faire d’elle « une nouvelle Vierge Marie ». Elle explique en note à la fin du roman qu’elle a été captivée par cette jeune fille victime de la société et de ce décret unique dans la loi anglaise qui déclare qu’une femme dont le bébé est découvert mort est présumée coupable de meurtre à moins de pouvoir présenter un témoin pour prouver son innocence.

Un excellent dosage entre sobriété et émotion entraîne l’adhésion du lecteur pour une lecture marquante.

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La messagère de l’au-delà

Mary Hooper traduite de l’anglais par Fanny Ladd et Patricia Duez
Panama, 2008
ISBN : 978-2-7557-0306-1 – 267 pages – 15 €

Newes from the Dead, parution en Grande-Bretagne : 2008