Trois carrés rouges sur fond noir de Tonino Benacquista

Trois carrés rouges sur fond noirAntoine, le narrateur de Trois carrés rouges sur fond noir, travaille ponctuellement dans une galerie d’art contemporain : il accroche et décroche des tableaux, met en scène des sculptures à l’occasion d’expositions. Le lendemain de l’inauguration de la rétrospective Etienne Morand, et alors qu’il surveille seul la galerie déserte, un homme entre et commence à découper la toile la plus singulière du peintre. Antoine tente de s’interposer, mais l’homme se fait menaçant et s’enfuit en faisant tomber une sculpture sur la main d’Antoine qui s’évanouit…

Il se réveille à l’hôpital avec la main droite en moins, définitivement. Antoine est effondré à cette nouvelle, comme pourrait l’être tout un chacun, mais plus encore car sa passion, ce pour quoi il vit le soir et qui occupe en permanence son esprit lui est désormais impossible : Antoine ne jouera plus jamais au billard, jamais il ne sera l’élève de Langloff, le champion qui vient de lui proposer de devenir son maître.
Antoine est bien décidé à retrouver le voleur, à comprendre pourquoi quelqu’un cherchait à se procurer une toile de ce peintre quasi inconnu, pourquoi il a perdu sa main. Il demande l’aide d’un ami du dépôt, endroit où échouent les œuvres contemporaines achetées par l’État depuis plus d’un siècle…

5000 machins dont personne ne veut, pas même le moindre maire du plus petit hameau, de peur d’effrayer ses trois électeurs. 5000 petits morceaux d’art abandonnés, mal-aimés et pas fiers. Des toiles, des sculptures, des gravures, des dessins roulés, des objets arts-déco, et quantité de trucs mystérieux et inclassables.

Mais peu de temps après l’avoir renseigné, son ami est retrouvé assassiné.

Première incursion dans l’univers polar de Benacquista avec Trois carrés rouges sur fond noir et première impression plutôt positive sans être pour autant totalement enthousiaste. Le personnage d’Antoine est intéressant, il manie plutôt bien l’humour, même si on s’attend à de l’humour facile sur l’art contemporain :

« … les statuettes africaines avec des walkmen, des brosses à dents sur des parpaings, des ballons de basket dans des aquariums, et d’autres choses encore. C’est la tendance post-Emmaüs. Depuis trois ans, l’art contemporain s’est mis à concurrencer la brocante. On regarde un ouvre-boîte sur un socle et on se pose toutes les questions qu’on ne se poserait pas dans sa propre cuisine.« 

Le désespoir de ce type qui se retrouve manchot est assez crédible aussi, et l’intrigue bien menée même si je n’ai pas été totalement convaincue par le complot artistique qui me semble quand même manquer de consistance pour justifier des meurtres.

Benacquista est un des noms majeurs du polar à la française et je m’attendais à quelque chose de plus fouillé, tant sur le plan de l’histoire que sur celui de la psychologie des personnages. Je crois que lire beaucoup de polars américains n’est pas la meilleure façon d’apprécier son versant hexagonal. Je ne peux pas lire un polar français en oubliant tout ce que j’ai lu avant, et force m’est de constater que nos auteurs ne tiennent pas la comparaison. Pour ce que j’en ai lu, je ne retrouve pas l’envergure ni l’ambition du polar américain, la noirceur semble juste grise par absence de force narrative. Je n’ai à aucun moment été happée par Trois carrés rouges sur fond noir, même si le style en est plaisant.

.

Trois carrés rouges sur fond noir

Tonino Benacquista
Gallimard (Folio Policier n°49), 1999
ISBN : 978-2-07-040798-9 – 213 pages, 5,60 €

60 commentaires sur “Trois carrés rouges sur fond noir de Tonino Benacquista

  1. Benaquista ne m’avait pas vraiment convaincu non plus avec « Saga ». Une lecture plaisante, mais beaucoup de bémols dans l’intrigue… assez fan des polars américains, j’ai aussi du mal à trouver de bons auteurs français sur ce genre. Mais il me reste à découvrir Maxime Chattam, j’y place beaucoup d’espoirs ! Par contre, pour le polar déjanté, j’ai trouvé – avec J.M. Erre !

    1. Je ne voudrais pas doucher ton enthousiasme, mais si j’étais toi, je ne placerais pas beaucoup d’espoir en Maxime Chattam : j’en ai lu un, un seul et ça m’a suffit pour la vie, c’était Le 5e règne, un des plus mauvais livres que j’ai lus de toute ma vie…

      1. Je crains que le 5ème règne n’ait pas grand chose à voir avec du Chattam … il faudrait peut-être renouveller l’expérience avec la trilogie du mal ?

  2. J’ai découvert cet auteur cette année avec le blogoclub et l prix George Sand, tu vois donc que je n’y serais pas allée de moi même. C’est bien ficelé, plaisant. Mais d’accord avec toi, pas la profondeur et la noirceur des américains. Ne pas s’en priver non plus, c’est bien ficelé et fait passer un bon moment.

  3. Je l’avais lu à sa sortie, c’est-à-dire en 1990, et j’en garde un souvenir assez vague mais plaisant. Pourtant j’ai persisté avec Benacquista, c’est parfois inégal mais j’aime sa fantaisie 🙂

  4. J’aime beaucoup Benacquista, mais je reconnais que l’ensemble n’est pas homogène. J’ai adoré Saga (parce que malgré les défauts de l’intrigue, c’est un peu barré), Malavita et Malavita encore toujours pour cette pointe d’humour un peu burlesque, des situations improbables…
    J’ai moins aimé Quelqu’un d’autre et Tout à l’égo.

    Alors celui-là je le lirai, c’est sûr, rien que pour le plaisir de l’écriture, mais je me doute que ce ne sera pas un coup de coeur non plus !

  5. J’ai lu il y a plusieurs années 3 ou 4 romans de Benacquista… Ma préférence va aux « Morsures de l’aube », plutôt qu’à celui que tu as lu, mais je ne saurais plus dire pourquoi ! ça aide de garder des fiches avec des petites étoiles… 😉

  6. Je n’ai toujours pas découvert cet auteur mais j’ai noté Malavita et Saga qui m’inspire plus que ce Trois carrés rouges sur fond noir. A voir donc.

  7. Bonjour Ys,
    « Trois carrés rouges sur fond noir » n’est pas le meilleur roman pour aborder Benacquista. Malavita et Malavita encore sont beaucoup plus intéressant à lire.Et reflète plus le talent de cet auteur
    Et pour découvrir le monde complétement fou de la télé, Saga est un excellent divertissement !!
    Au plaisir de lire !

  8. J’aime bien les polars français mais je n’ai pas été totalement emballée par mes lectures des romans de Benacquista, par contre j’ai envie depuis longtemps de lire Malavita.

  9. J’ai découvert cet auteur avec Saga et j’ai été plutôt déçue, trop de clichés… Du coup, j’hésite à lire d’autres titres !

    1. C’est vrai qu’on hésite à recommencer quand on a pas été aussi convaincu qu’on le pensait. Mais je pense que Benacquista mérite une autre chance.

  10. J’ai Saga dans ma PAL mais je ne l’aborde pas du tout comme un roman, donc pas de comparaison. Mais j’ignore quand je le lirai. Je ne suis pas aussi dure que toi avec Chattam. J’ai aimé les deux premiers tomes de la trilogie du mal.

    1. On me cite souvent cette trilogie quand je parle de Chattam avec mon air dégoûté… un jour peut-être, quand on m’abandonnera seule sur une île avec ce livre, mais vraiment, cette première expérience fut désastreuse…

  11. J’ai beaucoup aimé Saga et Malavita et je compte bien continuer à lire cet auteur qui m’a bien divertie jusqu’ici! En revanche, je n’en dirais pas autant des derniers policiers américains lus dernièrement dans le cadre de divers partenariats: je finis par trop voir leurs grosses ficelles et je me sens d’autant plus déçue que j’ai toujours beaucoup aimé les grands anciens en ce domaine!

    1. Je ne dis pas non plus que parce que c’est américain, c’est bon, ça serait vraiment excessif, eux aussi écrivent des daubes parfois (ils sont nombreux, il faut bien qu’ils aient quelques mauvais écrivains) ! Mais quand même, les grands sont là-bas, et juste derrière, il y a les Britanniques…

  12. Peut-etre que nos auteurs devraient prendre des cours de creative writing comme leurs petits camarades anglo-saxons…
    De cet auteur, j’avais lu La maldonne des sleepings, j’avais bien aime sans plus, il m’en reste un souvenir vague…

    1. Je suis absolument persuadée qu’en France, on devrait abandonner le mythe du génie écrivain et prendre les chemins de l’école pour apprendre à écrire… tout le monde ne nait pas Proust…

  13. Je crois surtout qu’il ne faut pas comparer. Chaque polar a sa spécificité. personnellement, je suis souvent déçu des polars états-uniens, très stéréotypés, dans lesquels, il y a très peu de surprises. la trame est quasi systématiquement la même. Je ne dis pas que les polars français sont tous bons, loin de là, mais ils font plus de place aux personnages, collent de plus près à notre quotidien et réservent de très bonnes surprises parfois. Lisant et appréciant pas mal de polars du nord, je trouve également qu’ils ont tendance à se ressembler de plus en plus. Je pense que notre pencahnt dépend surtout de ce que l’on attend de ce genre de littérature, rapidité, efficacité policière ou alors un mélange sans doute plus subtil et plus lent. La même différence se retrouve dans les films des Etats-Unis ou de France

    1. Mais au moment de choisir un livre, entre un polar américain et un français, c’est de plus en plus l’américain qui gagne, je veux parler des valeurs sûres, parce qu’on sait que ça sera réussi, ambitieux, impeccablement écrit… je fais des essais parfois d’auteurs américains que je ne connais pas, et je me plante, mais si je choisis Lehane (au hasard, hein !), je sais que ça sera bon…

  14. J’aime beaucoup Benacquista, mais c’est vrai que je suis peut-être un peu moins enthousiaste pour ses polars (à vrai dire, je n’ai lu que La commedia des ratés qui ne m’a pas franchement convaincue.) Reste le style, plaisant, comme tu le dis !

  15. J’ai lu les 4 romans noirs de Benacquista à la suite, réunis dans un folio policier. Du coup, j’ai fini par m’en lasser mais je me souviens que celui que tu as lu n’était pas le meilleur. « La maldonne des sleepings » m’avait vraiment beaucoup plu.
    Et je ne sais pas si c’est le cas de tous les auteurs français mais je trouve que certains, comme lui ou Marcus Malte sont douées pour l’ambiance qu’ils arrivent à créer… Benacquista place ses intrigues dans des microcosme qui font des polars très intéressant, je trouve…

    1. J’ai lu trois livres de Marcus Malte, dont le formidable Garden of Love que malheureusement pour lui, j’ai lu en premier. Je n’ai pas retrouvé dans les autres une construction aussi parfaite et une ambiance aussi réussie.

  16. Tonino benacquista moi je l’adore, mais alors vraiment beaucoup 🙂
    Je crois qu’il est très injuste de le comparer aux auteurs de polars américains. Ce n’est pas son fond de commerce à mon avis. Ce sont plutôt des histoires inattendues qui mettent en lumière des personnages ordinaires. Il s’agit donc davantage de roman noir, mais avec tellement de subtilité dans l’humour que la noirceur pâlit bien vite. C’est un auteur à part, comme Fred Vargas qui vous enchante avec ce que l’on croit être des rom’pol, alors que ce sont en réalité des romans humanistes. Incontestablement il te faut lire « Malavita » pour l’humour, et je te recommande aussi « quelqu’un d’autre ».

    1. Merci pour cette belle défense de Benacquista. Tu as raison, la comparaison entre français et américain ne vaut que ce qu’elle vaut pour moi, dans mes habitudes de lecture.

  17. Je ne vais pas noter. Je ne saurais pas l’expliquer mais les amputations ou pertes de membres me mettent toujours très mal à l’aise…

  18. J’ai lu deux livres de Benaquista : « Saga » et « La boîte noire » qui sont tous deux très différents !
    D’après ce que tu dis ce celui-ci, il se rapproche plus de « La boîte noire », un recueil de nouvelles assez hétéroclites mais que j’avais bien aimé… je note donc ce titre malgré ton avis un peu mitigé… 😉

  19. Bonjour Ys, je passe mon tour et puis ma PAL déborde. D’ailleurs je n’arrête pas de redresser mes piles qui s’écroulent régulièrement. Bonne journée.

  20. Je suis une grande fan de Benacquista moi aussi… même si ses « romans noirs » ne sont pas mes préférés. Antoine apparait dans ses 4 romans noirs, pas uniquement dans celui-ci… Saga, Malavita, Quelqu’un d’autre… Il y a de quoi savourer sans retenue pour l’humour et la dérision, pour l’ambiance et l’originalité 😉

  21. De Benacquista je n’ai lu que « Malavita » qui m’a fait mourir de rire et découvrir un auteur à l’imagination débridée. Idem avec « Le serrurier volant » et les dessins de Tardi ! Je continuerai sans aucun doute à explorer l’univers de cet auteur, tout en sachant que les polars français ont rarement les qualités d’intrigue des américains, passés maîtres dans cette catégorie. J’aimerais beaucoup lire « Malavita encore », ainsi que « La maldonne des sleepings » … On verrait après ces deux-là !

  22. Ce n’est donc pas avec ce livre là que je découvrirais Benaquista. C’est vrai que les livres français qui se veulent thrillers ne sont souvent « que » des polars. Mais il y a tout de même des français qui sortent du lot même si, dans ce cas là, leurs intrigues se situent souvent… aux USA !

    1. Oui, les thrillers français à l’américaine font recette ces temps-ci… mais je préfère de beaucoup les thrillers américains 😉

Les commentaires sont fermés.