Mortelles voyelles de Gilles Schlesser

Mortelles voyellesOxymore Baulay, héros de Mortelles voyelles, est journaliste d’investigation : il enquête sur le terrain. En ce froid mois de février, son reportage sur les SDF parisiens s’achève enfin, il va enfin rentrer chez lui après avoir partagé leur vie pendant quinze jours.

Il rencontre alors Vaïda, un type pas comme les autres, grande baraque fort en gueule, qui lui échange un manuscrit trouvé dans le double fond d’une vieille valise contre une cartouche de clopes. Ça tombe bien parce qu’Oxymore est un curieux qui aime les livres. Le manuscrit se révèle vraiment bon et le journaliste le fait lire à un ami éditeur. Qui le publie avec succès, beaucoup de succès, sous forme anonyme et sous le titre A noir. Oui mais voilà, le roman a un auteur, et l’auteur un petit-fils qu’il charge d’abord de récupérer le manuscrit (ce qu’il fera en assassinant Vaïda, mais pas avant qu’Oxymore en fasse des photocopies) puis de surveiller le journaliste.

Le lecteur de Mortelles voyelles ne sait pas qui est le grand-père, mais en sait quand même plus qu’Oxymore puisque que Maurice, le petit-fils bas du front, intervient de loin en loin. A l’instar du journaliste, on comprend vite que A noir n’est pas un roman mais le récit d’un serial killer ayant sévi à Paris et ses environs en 1979 : cinq crimes demeurés irrésolus qui ont ruiné la carrière du commissaire Jacques Blot, aujourd’hui retraité et prêt à aider Oxymore dans son enquête. Ce dernier bénéficie également de l’aide précieuse d’Oulipiens avertis car le roman se présente comme une énigme littéraire dans laquelle Rimbaud côtoie Shakespeare. Il ne faudra rien moins qu’un logiciel pour venir à bout des clés  et des contraintes cachées dans le texte. Comme si l’auteur assassin avait fait en sorte qu’on puisse le trouver.

Jeu littéraire, séjour dans le monde de l’édition, roman policier mené par un journaliste grincheux, grande gueule mais sympathique : autant d’ingrédients qui concourent à la réussite de Mortelles voyelles, ce polar dans le monde des lettres. On imagine que l’auteur s’est plu à s’inscrire dans les pas de Rimbaud et surtout à jouer avec les mots et les figures de rhétorique qu’Oxymore Baulay le bien-nommé prise tant. Elles sont loin les années où le Gradus me tenait lieu de livre de chevet, pensais-je avec nostalgie, en revoyant ces doux noms barbares auxquels je serais bien en peine aujourd’hui de donner une définition : aphérèse, apocope, énallage…

Parisien et érudit donc, mais aussi bien ficelé et plaisant grâce à un héros quinqua tenace, paumé mais séduisant. Les personnages secondaires sont convaincants, notamment la caricature d’ami éditeur et la maîtresse aux seins aussi généreux que le cœur. Mortelles voyelles tient donc son pari de polar littéraire au carré : à la fois bien écrit et ayant la littérature pour trame.

 

Mortelles voyelles

Gilles Schlesser
Points (P2752), 2012
ISBN : 978-2-7578-2669-0 – 276 pages – 7 €

30 commentaires sur “Mortelles voyelles de Gilles Schlesser

    1. Ce problème est je crois récurrent sur tous les blogs propulsés par WordPress. D’après ce que j’ai lu ici et là, la solution serait d’entrer une adresse mail fictive dans le champ « adresse ». A voir… Ou alors, il faut t’abonner (tout en haut à droite).

      1. Oui, mais avec une adresse fictive, je n’ai plus mon avatar. L’abonnement… c’est comme sur blogspot, j’ai alors TOUS les comm et réponses. Bon, je continue ainsi.
        Quoiqu’il me semble que chez gwen je n’ai pas ce pb. A voir.

  1. J’avais commencé ce livre lors de sa sortie, chez Parigramme, et bien que ça ne m’ait pas spécialement déplu, j’ai arrêté et je n’ai jamais repris…
    J’ai eu tort, il faut croire ! J’y replongerai donc certainement…

    1. Ça n’est pas aussi bien construit et surtout ça n’a pas l’humour du livre d’Adam Langer. Mais c’est tout de même très recommandable.

    1. On peut penser que, comme pour les polars historiques, un seul des deux aspects vaille la route. Mais là, je trouve l’intrigue convaincante aussi.

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