Ceci n’est pas une histoire d’amour de Mark Haskell Smith

Ceci n'est pas une histoire d'amourEn effet, ceci n’est pas une histoire d’amour. Il est ici question de sexe et de téléréalité, il n’est donc pas conseillé de venir avec ses sentiments. Ceux qui ne l’ont pas compris en sortiront blessés. C’est d’ailleurs ce qui arrive à Sepp qui s’est fait plaquer par Roxy et ne peut plus bander…

Sepp Gregory a été l’acteur principal d’une téléréalité avec sexe en direct : Sex Crib. Il s’est donc aux yeux de tous tapé Roxy Sandoval, pétasse ripolinée refaite de haut en bas à laquelle lui Sepp a donné son coeur. Il pensait que c’était pour de vrai. Même succès dans une deuxième série, qui a poussé son agente à engager un nègre pour écrire son autobiographie. Le nègre, c’est Curtis, qui n’arrive pas à faire publier son roman. Mais voilà, Curtis est un écrivain génial et Total réalité, « l’autobiographie » de Sepp, met à genoux les critiques les plus sérieux.

Ce qui écoeure Harriet, écrivain non publiée elle aussi mais blogueuse lâchant régulièrement son fiel sur la décadence de la culture et les compromissions de l’édition américaine. Elle vomit Sepp et tout ce qu’il représente, flaire l’imposture et décide d’aller le trouver pour l’interviewer et dévoiler le pot aux roses. Elle veut aussi mettre la main sur le nègre.

Et que croyez-vous qu’il arriva ?

Un simple article ne suffirait pas à résumer les rocambolesques aventures d’Harriet au pays du sexe. Parce que oui, on l’aura compris, Harriet la mal baisée va se révéler à elle-même en réveillant le gros phallus de Sepp. C’est que Roxy, la dominatrice vulgaire lui a ratatiné la quéquette en se fichant de lui. Il avait donc besoin d’un peu de sincérité, de ré-a-li-té (sans télé) pour retrouver ses fonctions. C’est qu’il n’y a pas grand-chose d’autre qui fonctionne chez Sepp : il a un « cerveau de Playmobil » et son seul authentique titre de gloire ce sont ses abdos qu’il montre à qui veut, y compris en librairie. Voilà pour le mâle.

Quant aux femmes, outre Roxy la salope et Harriet l’intello forcément frigide, il y a ces hordes de pauvres filles qui font la queue en librairie pour se faire prendre en photo avec l’écrivain torse nu et n’hésitent pas à se mettre à poil pour qu’il dédicace un de leurs seins. Voire plus si affinités.

Personne ne sort grandit de tout ça, mais on rit bien car Mark Haskell Smith a le sens de la formule et un humour complètement barré. Il se fiche pas mal de la cohérence de son scénario mais Ceci n’est pas une histoire d’amour n’en est pas moins une attaque en règle contre la téléréalité et contre les snobinards du monde de l’édition. Contre notre monde de médias et d’internet aussi, qui fait qu’on ne sait plus où est la distance entre la fiction et la réalité. Il semblerait qu’il y en ait de moins en moins, qui nous soyons tous, plus ou moins volontairement des exhibitionnistes en mal de reconnaissance. Si Sepp et Roxy s’exhibent ouvertement, Harriet ne fait rien d’autre, accro qu’elle est à son compte Twitter et à son blog : ne rien lâcher, construire son personnage public tweet après tweet, à chaque billet de blog. Qui au final est le plus aliéné ?

Je vous laisse à cette question abyssale…

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Ceci n’est pas une histoire d’amour

Mark Haskell Smith traduit de l’anglais par Julien Guérif
Rivages, 2016
ISBN : 978-2-7436-3648-7 – 315 pages – 22 €

Raw, parution aux États-Unis : 2014

16 commentaires sur “Ceci n’est pas une histoire d’amour de Mark Haskell Smith

    1. Je pense qu’il y en a toujours, et qu’elles sont nombreuses, c’est donc qu’il y a des gens qui les regardent… Est-ce qu’un émission comme Kolanta (ou Colanta, je ne sais pas) fait partie de ce genre ? Je ne l’ai jamais regardée, mais je crois que c’est un peu ça : des gens qu’on lâche dans un endroit inhospitalier avec trois fois rien, qui doivent se débrouiller et que le téléspectateur regarde depuis son salon. Ça me fait penser à mon fils qui regarde des vidéos de gens qui jouent à des jeux vidéo : ??? Les autres vivent des choses, courent, s’amusent, jouent, et d’autres les regardent donc ne courent pas, ne jouent pas, ne s’amusent pas. Ça me paraît surréaliste…

  1. Pour répondre à Luocine je dirai, les ados!! Ils adorent ça, les chtis etbles marseillais notamment!!! Bon moi la télé réalité ça me sort par les trous de nez, alors je ne crois pas que ce livre me plaira!!

    1. Détrompe-toi : il n’est pas obligatoire d’aimer la téléréalité pour apprécier ce roman. Je n’ai absolument JAMAIS vu le moindre épisode de la moindre émission de téléréalité (je n’ai pas la télé, ça aide), et j’ai pourtant beaucoup apprécié cette lecture.

    1. Oh oui, tout à fait. Je crois que tout ce qu’il décrit là ne plaira certainement pas à ceux qui promeuvent la téléréalité, aux acteurs tout d’abord (mais peuvent-ils lire…?). Il en a à peu près autant au service de l’édition et des critiques littéraires à haute dose d’autosatisfaction (et ils sont TRÈS nombreux).

  2. Je ne regarde jamais d’émission de téléréalité, le principe m’horrifie. Je connais pas mal de jeunes qui prétendent que ça les fait rigoler, n’empêche qu’ils passent du temps vautrés sur un canapé à se réjouir de la bêtise et de l’humiliation des autres … pas très reluisant. (les mêmes se plaignent tout de suite dès qu’on les malmène un peu dans la vie) Bref, je pense que le livre me ferait beaucoup rire.

    1. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut regarder ainsi les autres vivre. J’ai touché le fond du bocal en voyant mon fils regarder des vidéos de jeunes jouant à des jeux : pourquoi ne pas jouer plutôt ??? A chaque fois qu’il rit, ça me désole un peu plus… alors je lis des romans sur la téléréalité et ça me remonte le moral 🙂

  3. moi qui trouve ça sans intérêt voire affligeant je suis effarée par le nombre de gens – et pas que des ados loin de là – qui regardent les – nombreuses – émission de télérealité… tout y est passé je crois, de Kohlanta (que je trouve gerbant) au mariage en direct – j’ai oublié le nom mais c’est un genre de concours pour gagner le mariage de ses rêves et ça va jusqu’au bout, chacun assiste au mariage des autres pour le descendre parait-il (que je trouve effarant)… mais bon ça marche visiblement et quand je tombe sur un épisode avant de changer de chaine, j’ai le temps de découvrir un nouvel abime à chaque fois… je ne dirais pas édifiant mais enfin… peut être du coup… pour rire un peu (mais jaune).

    1. Mon mari regarde Kohlanta avec mon fils… je les entends rire d’en bas, plongée dans mon livre… J’en conclus que ce genre d’émission amuse, qu’il fait rêver peut-être, un peu comme ces sportifs en charentaises qui regardent le foot depuis leur canapé en buvant de la bière… ?

  4. Ton billet est tentant mais étant déjà inondée par les inepties des derniers Anges et autres « stars » de la téléréalité dans les pages people du journal gratuit que je lis chaque matin, je crois que je n’ai pas envie de repartir sur le même sujet le soir. La question existentielle est au final pourquoi je lis un journal gratuit plutôt que d’avancer dans mes romans et ma PAL. Mystère mystère! ^_^

    1. J’ai tiqué sur « journal gratuit que je lis chaque matin » et en effet, tu soulèves le hic ! Refuse le gratuit et essaie le texte court (j’imagine que tu le lis dans les transports) : de la poésie pourquoi pas, il y en a pour toute les humeurs !

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