L’eau rouge de Jurica Pavicic

Grand Prix de littérature policière, prix Le Point du polar européen, prix Libr’à Nous polar, pris Transfuge du meilleur polar étranger, prix Mystère de la Critique… des avis positifs comme s’il en pleuvait : voilà comment naît une envie de lire un livre. Sans doute allait-il me sortir d’une longue suite de romans policiers décevants. Eh bien non, malheureusement. D’abord soyons clair : L’eau rouge de Jurica Pavicic n’est pas un roman policier. On croise bien un policier, même deux mais on ne peut pas dire qu’ils mènent l’enquête. L’intérêt est ailleurs.

En septembre 1989, la jeune Silva disparaît après une fête dans son village de Misto dans un pays qu’on appelle alors la Yougoslavie. Elle a bu un verre, deux ou trois même, dansé langoureusement avec Adrijan, un jeune homme qui n’est pas son petit ami officiel mais le coup d’un soir, puis elle a disparu.

On pense d’abord à une fugue, la famille s’inquiète, pas la police. Puis ayant mis la main sur la probable arme du crime, celle-ci commence les fouilles sans que le lecteur en sache rien. Ce n’est que bien plus tard qu’il apprend ce qui a été entrepris par la police pour retrouver Silva. L’auteur se concentre sur les membres de la famille de Silva qui vole en éclats : Jakov son père qui finalement renonce, Vesna sa mère qui veut continuer à chercher mais n’a pas les moyens de le faire et Brane son frère qui pendant plusieurs décennies va chercher sa sœur jumelle et pour ça arpenter l’Europe entière. Et sur le village de Misto qui vit avec le spectre de cette jeune fille disparue, une des leurs.

C’est principalement à travers ces trois personnages qu’on lit 1/ la dislocation de la famille, 2/ celle de la Yougoslavie, 3/ la mutation du village qui devient un lieu touristique avec villas de standing. C’est indéniablement intéressant mais diable, c’est très très très lent. À la moitié du roman environ, je suis passée en lecture accélérée car je n’en pouvais plus de ces descriptions sans fin et totalement inutiles à l’intrigue. Par exemple, pourquoi Jurica Pavicic nous raconte-t-il l’accident de Brane sur son bateau ? On s’en contrefiche en fait, ce qu’on veut, c’est savoir ce qui est arrivé à Silva. Car malgré toutes ces longueurs (l’intrigue s’étire quand même de 1989 à 2017…), le suspens fonctionne. Mais il est encombré de détails qui plombent l’intrigue.

Le propos premier de l’auteur est, me semble-t-il, de parler de l’effondrement du communisme et de son remplacement par une société capitaliste qui ne vaut guère mieux. Il est tout à fait intéressant de vivre cette étape historique à travers des personnages. On entrevoit comment ces anciens Yougoslaves ont dû devenir croates (sans pour autant que la guerre elle-même soit le sujet principal).

La disparition de Silva a bouleversé une famille, plus quelques autres villageois et ce sont ces bouleversements que raconte L’eau rouge. Les états d’âme des protagonistes sont décortiqués au détriment d’une possible enquête. C’est un roman noir et un roman psychologique tant chacun ressasse des obsessions morbides, mais pas un roman policier.

On peut lire des avis bien plus enthousiastes chez Athalie, Aifelle, Simone, Kathel

 

L’eau rouge

Jurica Pavicic traduit du croate par Olivier Lannuzel
Agullo, 2021
ISBN : 979-10-95718-77-2 – 358 pages – 22 €

Crvena voda, parution originale : 2017

 

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35 Comments

  1. Effectivement tu es moins enthousiaste que les autres bloggeuses. J’ai quand même bien envie de lire cet auteur dont tout le monde parle, ne serait ce que pour me faire une opinion.

  2. Jusqu’ici c’était l’enthousiasme (et j’ai noté sur mes tablettes!) là tu me rfroidis, mais e toute façon ça doit attndre;

    1. J’ai bien conscience que mon avis est assez discordant… mais je ne comprends même pas comment les lecteurs n’ont pas trouvé ce roman un peu long…

  3. J’ai énormément aimé ce roman moi aussi, mais c’est vrai qu’il est vendu comme un polar, ce qu’il n’est pas même s’il y a une disparition mystérieuse. Pour moi, chaque détail venait compléter le tableau de cette fresque sur une vingtaine d’années décisives pour la Croatie, je n’ai pas ressenti d’ennui et ai dévoré le livre. D’ailleurs, je viens d’apprendre qu’Agullo va publier un nouveau roman de cet auteur, j’ai hâte !

    1. Je n’avais probablement pas envie de lire un roman historique sur la Croatie… je vais chercher et rajouter ton lien….
      je vois que c’est sur Babelio, bon, si je lis le recueil de nouvelles, j’y penserai 😉

  4. Et bien je l’ai déjà noté car pour une fois il est présent dans une de mes médiathèques alors du coup tu me refoidis un peu moi aussi. Bon je vais tout de même le laisser dans mes listes et on verra, ce n’est pas une priorité. Merci pour ta chronique…le côté psychologique me plait.

    1. Je pense qu’il pourrait te plaire,la majorité des lecteurs l’a apprécié. Mais tu sais à présent ce que je ne savais pas : ce n’est pas un roman policier.

  5. Je n’ai pas du tout eu cette impression de lenteur et de pages superflues. Le thème du changement de société après la guerre m’intéressait beaucoup.

  6. bon alors voilà un roman que je vais laisser là où il est , c’est à dire pas chez moi ! je lis si peu de polars, alors je ne vais pas m’encombrer d’une lecture qui t’a ennuyée !

  7. Je reste curieuse des livres de cet auteur croate. Je pensais aussi lire celui-ci pour une première découverte, mais j’ai l’impression que son second traduit est plus enthousiasmant

  8. C’est vrai que le rythme en est très lent, mais je ne me suis pas vraiment ennuyée. En revanche, j’ai moi aussi trouvé l’auteur un peu trop « bavard », non pas au niveau de l’intrigue, mais de l’écriture même. Il y a tout un tas de phrases à mon avis inutiles (« il met son manteau », « il prend ses clés »….) qui alourdissent le texte.

  9. Ha mince, tu n’as pas aimé ! Mais c’est vrai que ce n’est pas vraiment un policier même si il y a un enquêteur et le mystère d’une disparition.

    Le rythme est lent, mais moi, c’est que j’ai bien aimé, voir s’installer, s’étirer dans le temps cette quête un peu vaine et qui finit par lentement détruire les personnages et voir les paysages se transformer aussi.

    Bon, j’espère que tu vas trouver un policier à ta convenance maintenant !

  10. Je ne connais pas.

    Je reviens de vacances et je n’ai pas lu beaucoup. Je vais voir ce que toi, tu as lu en mon absence.

  11. Confiante dans les avis enthousiastes que j’avais lu sur ce roman, je l’ai emprunté à la médiathèque mais… je n’ai pas poursuivi ma lecture car je n’ai pas accroché du tout. C’est dommage, quand même.

    1. Oui, c’est dommage. On s’imagine qu’on va passer un bon moment, à l’unisson d’autres lecteurs et lectrices, et puis non… mais il y a d’autres livres 🙂

  12. J’ai beaucoup aimé ce livre ainsi que le suivant de Pavicic. Et je ne suis pas d’accord sur ta conception du livre policier. Pour moi, celui-ci pour être vraiment intéressant, doit être inscrit dans une société. Ce qui est le cas ici. Les autres se contentent d’être des thrillers. j’ai aimé aussi la dénonciation des responsables d’une guerre qui a été faite uniquement pour tirer des profits et servir les intérêts de capitalistes maffieux. J’ai été sensible à la mélancolie et au désenchantement dans lequel baigne ce roman et au parallèle poignant entre la quête du jeune homme à la recherche de sa soeur disparue et les évènements qui bouleversent tout un peuple. Un beau roman policier mais … pas que !

    1. Je suis d’accord avec toi pour le côté social du roman policier. Ce qui m’a vraiment gênée ici, c’est le rythme : je suis un genre de pile électrique qui ne supporte pas une intrigue qui traîne en longueur 😉

      1. Oui, je comprends. C’est un roman du temps qui passe, sur les choses qui se défont, sur la mort, un roman de la nostalgie qui traduit la souffrance. C’est peut-être pour cela que tu l’as trouvé lent. Moi non et d’ailleurs j’ai encore plus aimé son second livre La femme du deuxième étage pour ces mêmes raisons.

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