Une sale affaire de Virginie Linhart

Une sale affaire de Virginie Linhart

Une sale affaire raconte le procès pour atteinte à la vie privée que Virginie Linhart a dû affronter avant la parution de son livre précédent, L’effet maternel. Dans ce texte autobiographique elle racontait son enfance de fille de soixante-huitards. Il y est donc beaucoup question de sa mère, qui semble être très connue mais dont je n’avais jamais entendu parler, pas plus que de Virginie Linhart elle-même.

Dans L’effet maternel il est aussi question de l’amant de Virginie Linhart qui n’a pas voulu assumer la paternité de sa fille, bien qu’il l’ait reconnue, et n’a jamais rien fait pour elle ni versé un centime. Cet amant et la mère sont restés proches et c’est ensemble qu’ils lui intentent un procès : ils demandent la suppression d’un tiers du livre avant sa parution prévue en janvier 2020. Se faire traîner en justice par sa propre mère est en effet une sale affaire…

Ce qui est intéressant mais seulement évoqué ici, c’est l’enfance au sein d’anciens activistes d’extrême gauche, d’hommes et de femmes très politisés, profitant de la libération sexuelle. C’est l’objet de L’effet maternel. Ces enfants ont vécu la sexualité de leurs parents en direct, rien de plus naturel à l’époque mais le vent a tourné et aujourd’hui, ça choque. C’est sans doute pourquoi la mère est gênée aux entournures. L’ex-amant craint lui d’être reconnu, on l’imagine peu fier de lui et pourtant, il ne semble pas plus correct avec sa fille désormais âgée de vingt ans.

Les réflexions sur écrire sa vie vs droit à la vie privée sont riches et développées. On comprend la position de Virginie Linhart qui fait œuvre d’écrivain, mais on pense aussi à tous ceux qui voient leur vie privée et même intime jetée en pâture au public (ici l’accusation n’est pas valable car la mère elle-même se raconte dans les médias). Très intéressant aussi par conséquent d’entrevoir comment la Justice se débat entre ces deux notions depuis l’avènement de l’autofiction. A qui appartient l’histoire familiale ? Qui a le droit ou pas de la raconter ? Raconter dans un livre ce que tout le cercle familial et amical sait est-il une attaque à la vie privée ?

Le récit de ce procès par l’accusée elle-même permet de comprendre comment les écrivains et artistes vivent de telles procédures. Ils sont attaquées dans leur travail mais aussi dans leur vie qui en cas d’écrits autobiographiques ne sont pas dissociables. Virginie Linhart est bouleversée et son émotion palpable face à sa mère. Quelques bémols cependant dus aux nombreuses répétitions.

Par ailleurs, je suis de la génération de Virginie Linhart mais issue d’une famille absolument pas politisée et très peu cultivée. J’ai donc lu avec intérêt le parcours de cette femme posée dès sa naissance sur des rails totalement différents des miens. Elle-même reste très politisée alors que moi pas du tout et elle envisage encore le monde avec le prisme très réducteur de l’engagement et de la lutte sociale, me semble-t-il.

 

Une sale affaire

Virginie Linhart
Flammarion, 2024
ISBN : 978-2-0804-1585-1 – 179 pages – 21 €

 

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35 Comments

  1. Tu as su en parler de façon à rendre tout ça intéressant (tu as donc lu les deux livres, alors?) mais franchement je ne connaissais ni l’auteure ni sa mère… L’autofiction m’attirant peu, j’avais ignoré le premier livre.

    (je viens de me renseigner, oui, bon, connais pas ces gens là)

    1. Non, je n’ai pas lu le premier mais elle en parle beaucoup. Et, ce qui me semble assez symptomatique de l’intellectuel parisien, elle parle d’elle et de ses parents, comme s’ils étaient connus de tous (elle précise quand même qui ils sont, étant entendu que c’est une évidence…). Mais moi je ne suis qu’une pas grand-chose de province…

      1. Tu as raison, ces gens se pensant connus de tous… Ce qui leur arrive peut être universel (mais on n’en fait pas un livre), bref… ^_^

  2. Je ne suis pas une grande amatrice d’autofiction mais le sujet est intéressant. Dans le cas des récits autobiographiques contemporains, je me pose souvent la question des répercussions sur la vie des protagonistes, la manière dont ils reçoivent le livre. L’autre thématique sur les anciens soixante-huitards et surtout la manière dont leurs enfants ont vécu l’expérience est intéressante aussi.

    1. Sur les enfants de 68 (dont je suis, générationnellement parlant) c’est L’effet maternel qu’il faut lire. Mais bien sûr, cela concerne les enfants de ceux qui ont fait 68, ceux qui étaient politisés, finalement pas tant que ça.

  3. Je ne suis pas une amatrice de l’autofiction mais les questionnements sur la nature intrinsèque de l’autofiction sont très intéressantes et méritent réflexion. Ne dit-on pas que la liberté des uns s’arrête là où commence celle de l’autre? Vaste débat.

      1. Je pense que c’est plus complexe que cela. A partir du moment où sont dévoilés de façon partiale des éléments de la vie de tiers, la question se pose à mon avis. Surtout lorsqu’il s’agit de « règlements de compte ». Je ne me positionne pas, je m’interroge…

  4. Trop autocentré et trop parisien pour me plaire… même si la réflexion sur l’autofiction mérite qu’on s’y intéresse.
    Je suis allée lire la page wikipédia de l’autrice, qui mentionne un lycée Victor-Duruy, sans préciser que c’est à Paris, le rédacteur de la page n’imaginant même pas que d’autres lycées puissent avoir le même nom, en province…

  5. je partage l’interrogation sur l’autofiction, que l’on veuille ou non il y a bien un aspect règlement de comptes. Même si c’est parfois mérité la famille est largement impactée par ces révélations. Je n’ai pas de réponses toutes faites à ces interrogations ce que je sais c’est que je préfère lire des romans qui puisent leur forces dans des analyses qui dépassent les cas personnels .

  6. Un livre qui semble susciter des réflexions intéressantes d’autant qu’on est à une époque où vie publique et vie privée se mêlent énormément… Et puis, difficile de se raconter sans raconter les autres en même temps.

  7. Je ne sais que depuis très peu qui est le père de Virginie Linhart et c’est parce que son livre L’établi a été adapté au cinéma il y a un an ou deux. A part et avant ça, je n’avais jamais entendu parler de cette famille moi non plus. Plus que le côté parisien, il me semble que c’est le microcosme universitaire parisien qui ne se mouche pas du coude alors qu’il est extrêmement fermé et restreint en réalité. Sinon, la réflexion autour de l’autofiction est intéressante et je n’exclus donc pas de lire ce livre.

    1. Il est effectivement question de ce livre dans ce texte. J’ai été étonnée de ne pas connaître Virginie Linhart pour ses documentaires sur la Seconde Guerre mondiale car j’en ai regardé beaucoup… mais peut-être qu’ils ne sont pas accessibles sur Internet…

  8. Je ne connaissais pas non plus cette auteure et je n’avais pas entendu parler ni de ce livre ni du précédent pour lequel sa propre mère lui intente un procès. C’est vrai que les questions soulevées sont intéressantes, à qui appartient l’histoire d’une famille…mais je ne suis pas tentée pour l’instant d’entrer autant dans la vie intime d’une famille inconnue, pourtant je pense que c’est intéressant de savoir sur le plan social comment la justice arrive à décortiquer ce genre d’affaire. A voir donc si j’en croise un des deux…

    1. Ce qui me pose souvent question c’est : pourquoi rendre de tels écrits publics ? Ecrire sur sa famille soit, mais pourquoi ce besoin de mettre ça sur la place publique ?

    1. Ce sera en fonction de ce que je lirai ou audiolirai. Mais s’il faut mettre un logo : non. Je ne mets pas d’images sur mon blog : les couvertures y sont via un lien vers le site Decitre. Si je mets une image (en plus de la couverture qui elle est en lien), ce sera elle qui s’affichera sur la page d’accueil, et pas la photo de la couverture. Donc si logo obligatoire, je ne participe pas. Ce qui ne m’empêchera pas de lire des pavés 🙂

  9. J’avais déjà entendu parler de ce livre et j’ai bien prévu de le lire, ainsi que le précédent. Ils sont sur ma liste d’envie de la médiathèque et j’attends le bon moment.

    Je trouve que c’est un sujet très intéressant.

    1. Quand j’ai emprunté ce titre que j’avais réservé à la médiathèque, le bibliothécaire m’a conseillé de lire L’effet maternel qu’il a apprécié.

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