Days de James Lovegrove

Lovegrove 1Une journée comme les autres, ou presque, dans un grand magasin de demain, Days. Les êtres humains s’y croisent, s’ignorent et pourtant les actions de chacun influencent le destin des autres.

À la base il y a le client, qui n’a rien d’un roi mais bien plutôt d’un mouton. Linda et Gordon se sont privés pendant cinq ans pour avoir leur carte Days. L’émotion submerge Linda quand elle ouvre l’enveloppe tant attendue et le plus beau jour de sa vie arrive enfin quand elle met le pied pour la première fois dans le plus grand gigastore du monde. Que dire de sa première vente flash, quand elle parvient à acheter quatre cravates, dont trois inutiles en piétinant son voisin et menaçant les vendeurs… Et si Gordon ne l’avait pas sauvée, peut-être serait-elle venue augmenter le nombre des morts lors de la vente flash sur les instruments de musique du tiers-monde : la gloire…

Chez Days il y a aussi des employés, comme Franck le Fantôme, chargé depuis plus de trente ans de la surveillance tactique. Depuis des décennies, il arpente les allées du gigastore à la recherche de voleurs potentiels, les interpelle et les exclue, dans la plus grande discrétion. Il est parvenu à une si grande perfection qu’il n’aperçoit même plus son reflet dans le miroir… Et il y a bien sûr les dirigeants, les sept frères Day, héritiers du fondateur mythique Septimus Day. Dans des parodies de conseils ils trônent tout en haut du gigastore, entretenant paresse et rancœur à l’égard de leur cadet, l’ivrogne Sonny. Et en ce jour apparemment banal, Sonny va pour la première fois descendre à la rencontre du personnel, pour arbitrer un conflit. Ce faisant, il va bouleverser le bel agencement du magasin et interférer dans la vie de Franck le Fantôme et du couple Gordon/Linda.

La satire est féroce bien sûr, et pourtant elle atteint son but tant elle est proche de la réalité. Qui n’a pas été pris dans une vente flash où des inconnus au premier abord normaux sont tout à coup prêts à vous étriper pour un baril de lessive ou un magnétoscope ? Qui n’a jamais été tenté d’acheter l’inutile parce qu’il est exotique, pas cher, en tête de gondole ? La société de consommation, notre société de consommation est ici épinglée avec justesse et surtout beaucoup d’humour. Le surendettement par exemple, dramatique à bien des égards, est mis en scène de façon très drôle par le couple Gordon/Linda qui accède enfin à l’inaccessible, au rêve de toute une classe sociale. Ce n’est pas tant l’argent qui importe que la possession d’un patrimoine clinquant, souvent inutile mais servant de marqueur social. Les dirigeants ayant fort bien compris qu’ « on nous fait croire, que le bonheur c’est d’avoir, de l’avoir plein nos armoires« , ils font de la consommation la religion moderne aux adeptes auto endoctrinés, serviles et confiants. Pauvre monde, pauvre demain…


Days (1997), James Lovegrove traduit de l’anglais par Nenad Savic, Bragelonne, janvier 2005, 318 pages, 20€

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