On pense souvent que la bande dessinée américaine est irrémédiablement vouée aux superhéros. Qu’on se détrompe en découvrant Légendes de la Garde qui cependant ne manque pas de héros. Ils ne portent pas de costumes très moulants, ne sont pas outrageusement musclés et ne survolent pas les gratte-ciel de New York pour secourir la veuve et l’orphelin ou mettre la pâtée au vilain baveux qui tue. Non, les héros de cette charmante BD sont de modestes souris pour qui la vie est dure, très dure. « Dans un monde impitoyable, menacé par les prédateurs et les intempéries, les souris doivent lutter pour survivre et prospérer. C’est pourquoi la Garde existe.
Victorieux dans la précédente guerre contre le Tyran Furet, les membres de la garde servent désormais d’escorte, d’éclaireurs, de guides ou de guetteurs d’orage dans un monde pacifié. Pourtant un jour, un vieux marchand de grain est attaqué entre Rootwallow et Barkstone. Lieam, Kenzie et Saxon, membres de la Garde, partent à sa recherche. Retrouvé mort dans le ventre d’un serpent, le marchand s’avère être un traître qui n’a pu agir qu’avec la complicité d’un membre de la Garde : le doute s’insinue. Arrivés à Barkstone, les trois gardes découvrent qu’une milice secrète s’est créée, la Hache, à la tête d’un sinistre complot contre Lockhaven. Lieam parvient à intégrer leurs membres tandis que Kenzie et Saxon, laissés pour morts après avoir été tabassés, sont recueillis par un vieillard qui prétend être la Hache Noire, ancien héros de la Garde. Faut-il le croire ou se méfier ? Les trois souris réussiront-elles seules à arrêter l’invasion des troupes rebelles ?
Elles sont ardentes et valeureuses ces souris et on se prend facilement au jeu de leurs aventures. Et si elles se ressemblent toutes, elles sont facilement identifiables car chacune porte une cape de couleur différente. Il est donc aisé d’encourager Lieam, de frémir avec Saxon et de verser sa larme à la mort héroïque du valeureux Conrad.
On peut rapprocher ces Légendes de la Garde de la série Rougemuraille de Brian Jacques, qui lui aussi met en scène des petits animaux qui luttent pour survivre dans un cadre résolument médiéval. Mais l’avantage ici c’est un graphisme très original qui s’apparente à la gravure. Les très belles scènes de combats entre le petit mais intrépide Lieam et le gigantesque serpent, entre le minuscule Gwendolyn et les crabes monstrueux explicitent mieux que de longs dialogues à quel point les souris sont entourées d’ennemis, naturels ou non, et luttent avec détermination. Originalité encore avec un format de BD inusuel chez nous (carré : 23 x 23), des dessins parfois pleine page, dominés par des couleurs souvent sombres, bien que parfois rouge flamboyant. Au final un très bel objet, un peu cher, et une BD lisible de 9 à 99 ans.
J’ajoute que je suis agacée de lire partout que ces Légendes de la Garde tout comme Rougemuraille sont de la fantasy. Un univers de fantasy nécessite de la magie, ou au moins de l’irrationnel, ce qui n’est pas du tout le cas dans ces deux œuvres. Il s’agit juste de se servir d’animaux pour instruire les hommes (merci monsieur La Fontaine), tout comme dans les albums pour la jeunesse où la famille Nounours tient lieu de famille tout simplement. Qui irait dire que Petit Ours Brun est de la fantasy ? Personne, et ce n’est pas parce que ça se passe au Moyen Age que ça change quelque chose.
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Légendes de la Garde, automne 1152
David Petersen traduit de l’anglais par Marion Roman
Gallimard Jeunesse, 2008
ISBN : 978-2-07-061619-0 – 159 pages – 18,50 €
Mouse Guard Fall 1152, parution aux États-Unis : 2007