Londres, juillet 1856. William Monk se réveille : il ne sait plus qui il est. À son chevet, l’inspecteur Runcorn. Il lui apprend qu’il est son supérieur et qu’il est resté inconscient plus de trois semaines mais doit reprendre le travail, en particulier l’enquête sur laquelle il travaillait avant son accident de cab. Le major Joscelin Grey a été assassiné chez lui à coups de canne sur la tête, une mort très violente qui dénote l’acharnement et la haine alors qu’il semblerait que le major ait fait rentrer chez lui son assassin.
Le major était le troisième fils d’une haute famille de l’aristocratie britannique. Son frère a reçu le titre de Lord Shelburne et s’est marié avec la jeune fille que lui-même courtisait. Son deuxième frère gère le domaine. On apprend que le major a fait la guerre de Crimée où il a été blessé : il ne pouvait plus être soldat et ne voulait pas entrer dans l’Eglise. Il était adoré par sa mère, et doté de beaucoup de charme, il faisait rire tout le monde et tout le monde l’aimait, ou presque. Mais quelques questions essentielles s’imposent bientôt à Monk et en particulier, comment le major gagnait-il l’argent qu’il dépensait ?
En Crimée, il a rencontré Hester Latterly, jeune femme de caractère qui s’est engagée comme infirmière car elle n’était pas un bon parti. Elle est rentrée à Londres car son père s’est suicidé et que sa mère est morte de chagrin peu après. Le malheureux a mis fin à ses jours car, entraîné avec certains de ses amis dans des placements financiers qui se sont révélés désastreux, il a été ruiné. Hester est la belle-sœur d’Imogen Latterly que William Monk rencontre un jour dans une église et qui lui demande si l’enquête a avancé. Il ne se rappelle de rien mais le visage d’Imogen le trouble.
L’amnésique inspecteur va faire le rapprochement entre ces deux familles : le charmant major trempait en fait dans des affaires louches, perdait beaucoup d’argent et son deuxième frère Ménard épongeait les dettes pour éviter le scandale.
Mais n’en disons pas plus, si ce n’est que Monk se rend compte peu à peu qu’il avait déjà compris bien des choses avant son accident et qu’il connaissait le mort chez lequel il avait accès. Le trouble s’installe alors… Qui es-tu inspecteur Monk ? Un assassin ? Rien moins qu’un étranger dans le miroir…
L’un des intérêts de ce roman qui ouvre la série d’enquêtes menées par cet inspecteur est la découverte que le héros fait de lui-même, de celui qu’il a été : Monk découvre peu à peu que ses collègues ne l’aimaient pas, qu’il était un homme arrogant, ambitieux, qui a tout sacrifié à son travail, même les autres (pas de femme, pas d’amis).
Autres aspects qui ont retenu mon attention : la place des femmes de la haute aristocratie anglaise : soumission, silence, faire-valoir. Elles n’ont aucun choix. Hester apparaît comme une femme libre, et donc impossible à marier. Et enfin la guerre de Crimée (1854-1855), vraiment méconnue aujourd’hui avec des noms qui pourtant sont familiers (les batailles de Balaklava et de Sébastopol, la charge de la brigade légère) et l’incompétence des officiers qui envoient les soldats à la boucherie.
Les contextes historique et social ont vraiment une place très importante dans ce roman, ce qui contribue à sa réussite.
C’est le premier roman d’Anne Perry que je lis, et vraiment pas le dernier.
Un étranger dans le miroir
Anne Perry traduite de l’anglais par Roxane Azimi
10/18 (Grands détectives), 2001
ISBN : 2- 264-03304-5 – 416 pages – 7,80 €
The Face of a Stranger, parution en Grande-Bretagne : 1990