L’amant de Marguerite Duras

L'amant de Marguerite DurasL’Amant de Marguerite Duras est un livre bien difficile à présenter tant il est tout en suggestions et impressions. Il n’y a guère d’histoire à proprement parler, mais l’évocation d’une adolescence en Indochine dans les années 30. Et des bribes familiales, extrêmement noires : « Jamais bonjour, bonsoir, bonne année. Jamais merci. Jamais parler. Jamais besoin de parler. Tout reste, muet, loin. C’est une famille en pierre, pétrifiée dans une épaisseur sans accès aucun. Chaque jour nous essayons de nous tuer, de tuer. Non seulement on ne se parle pas mais on ne se regarde pas. » A l’origine, une mère autoritaire, exigeante, sans amour pour sa fille et aveuglément dévouée au fils aîné, un bon à rien dévoré d’opium. Et la misère aussi, le malheur d’avoir tout perdu dans les colonies après la mort du père, sauf la fierté d’être Français.

Alors la jeune fille de quinze ans dit oui au beau jeune homme riche qui vient la chercher en limousine à la sortie du lycée. Oui à l’homme qui lui parle d’amour, qui la regarde, qui la fait devenir femme. Oui à celui qui la sort de son enfer familial. Car si L’amant de Marguerite Duras est centré sur cette famille si dure fondée sur la haine mutuelle, le film de Jean-Jacques Annaud (1992), que j’ai eu envie de voir après cette lecture, se concentre sur l’histoire d’amour entre la jeune fille et le beau, très beau Chinois (voir la photo du véritable amant de Marguerite Duras). Annaud avait envie de filmer des corps dans la moiteur asiatique et il ne s’en est pas privé. Son film est une grande réussite esthétique : les images sont magnifiques, les corps sculptés, cernés par la caméra qui nous restitue avec charme leur langueur. Tout est appel aux sens dans ce film : le bruit, les couleurs et la sensualité.

Le film est d’autant plus émouvant que Marguerite Duras a participé au scénario du film alors qu’elle était extrêmement malade et très vieille, forcément très éloignée de la magnifique jeune actrice (Jane March) qui lui prête ses traits.

Une fois passé l’étonnement d’entendre tous ces gens parler anglais, le spectateur est saisi par ces deux amants étranges, à la fois torrides et froids, proches dans leurs deux solitudes. Envoûté également par la voix grave de Jeanne Moreau qui lit de longs passages du texte de Duras (en anglais…).

Marguerite Duras sur Tête de lecture

L’amant

Marguerite Duras
Editions de Minuit, 1984
ISBN : 2-7073-0695-9 – 146 pages – 10 €