Le début de la fin de Jasper Fforde

FfordeChaque mois de novembre depuis quatre ans, Jasper Fforde nous revient avec un nouvel opus des aventures de Thursday Next. Le premier, L’affaire Jane Eyre était un miracle d’originalité, une merveille d’intrigue, un vrai bonheur de lecture. J’ai beaucoup moins aimé les deux suivants (Délivrez-moi !, Le puits des histoires perdues) trop débridés, alors que le quatrième (Sauvez Hamlet !) m’avait semblé renouer avec le plaisir premier de personnages hors du commun et d’une intrigue serrée. Avec angoisse, me voilà ouvrant Le début de la fin (titre inquiétant, pourvu que ça ne soit pas fini !) : bon cru ou pas ?

2002. Thursday a bien vieilli ainsi que son fainéant de fils, Friday, seize ans et des capacités réelles à ne rien faire. Finis les OpSpecs, la mère de famille a raccroché pour mener une vie sans risques de mère, d’épouse et de colleuse de revêtement de sol chez Moquette Zénith. Voilà pour la couverture.
Dans les faits, Thursday travaille plus que jamais pour le Service des Opérations Spéciales démantelé dix ans auparavant mais qui continue à traiter les délits littéraires. Pire encore, elle fait toujours partie de la Jurifiction (organisme qui exerce la police à l’intérieur des livres) et à ce titre, continue à se balader dans les romans les plus célèbres comme dans les daubes que plus personne ne lit.
D’ailleurs, c’est un problème : plus personne ne lit, ou pratiquement. Le Lecturomètre est en chute libre et pas moyen d’écrire de meilleurs livres : trop coûteux, trop long, trop onéreux… Alors le sénateur Paprass a une idée de génie : le livre-réalité : « une enquête conduite dans le monde réel nous a convaincus que l’interactivité était le mot clé de la nouvelle génération. Pour bon nombre de lecteurs, les livres sont trop figés en ne proposant qu’une seule ligne d’information. Une nouvelle forme de romans permettant aux lecteurs de choisir l’orientation à donner à l’histoire est certainement la voie à suivre. » Première victime de ce nouveau concept : Orgueil et préjugés de Jane Austen. Les lecteurs vont pouvoir choisir laquelle des filles Bennet va se marier en premier et laquelle ils vont virer. Y’a pas, Thursday va devoir se décarcasser pour trouver une autre solution…

Mais c’est qu’elle n’a pas que ça à faire : elle doit 1/ motiver Friday pour qu’il entre dans les rangs de la ChronoGarde (c’est son avenir, elle l’a vu) ; 2/ s’occuper de la formation de Thursday5, l’héroïne de La Grande Débâcle de Samuel Pepys, cinquième opus des aventures de Thursday Next (comment ça le cinquième opus, c’est Le début de la fin ! Mais non, vous n’y êtes pas… il y a eu La Grande Débacle…dont Thursday5 était l’héroïne -le double fictif de Thursday Next, j’espère que vous suivez – mais il s’est passé quelque chose…) ; 3/ modérer l’enthousiasme belliqueux de Thursday1-4, l’héroïne des quatre premiers volumes des aventures de Thursday Next qui était vraiment très branchée sexe et violence (comment ça il n’y a pas de sexe et de violence dans les quatre premiers volumes des aventures de Thursday Next ! Mais si, vous n’y êtes pas… le problème c’est que… oh non, je renonce à vous expliquer, la réponse se trouve au chapitre 39 de cet opus) ; 4/ accessoirement, poser des revêtements de sol pour Moquette Zénith.
Et je ne vous dis rien du niveau dangereux d’Excédent de Bêtise qu’il faut résorber, de Félix8 chargé de tuer Thursday, de l’importation illégale de fromages en provenance de la république populaire du pays de Galles…

Encore un volume complètement loufoque et que je trouve un peu trop foutraque, malgré les multiples clins d’oeil très drôles à de nombreux romans, les situations aussi cocasses qu’intelligentes et le dynamisme sans faille d’une héroïne vieillissante. Il n’y a pas une intrigue mais quatre, cinq, six et moi, lectrice vieillissante, j’ai besoin de souffler parfois, je crois.
J’admire quand même la façon dont Jasper Fforde parvient finalement à renouer tous les fils de ses intrigues et à démêler les noeuds et ponts qu’il lance entre les livres : on se demande tout du long qui sont vraiment ces innombrables Thursday, on se creuse la tête pour savoir si l’héroïne des quatre premiers opus était si branchée sexe que ça, et puis tout se dévoile avec habileté, et moi je dis bravo. C’est dense et trop touffu, mais maîtrisé. Et bien sûr, c’est encore plus savoureux quand on connaît bien la littérature britannique et qu’on peut comprendre les allusions et autres références aux grands classiques.

Jasper Fforde sur Tête de lecture

Le début de la fin (2007), Jasper Fforde traduit de l’anglais par Jean-François Merle, Fleuve Noir, novembre 2008, 498 pages, 23€

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