Un chien dans la soupe de Stephen Dobyns

Un chien dans la soupe de Stephen DobynsC’était pourtant bien parti : Michael Latchmer rencontre Sarah au club de gym. Elle l’invite à dîner (sa mère est là mais c’est une couche tôt), et entre deux plats elle lui murmure : « Ne partez pas trop tôt… Je veux être le fourreau dont vous serez l’épée. » Mais voilà que Jasper, le chien de la demoiselle, choisit ce moment pour faire une crise cardiaque. La maman éplorée n’en démord pas : il faut que Latchmer aille l’enterrer dans un coin de verdure. L’invité est galant homme, il promet de se charger de l’inhumation… et de revenir au plus vite. Oui mais voilà, un coin de verdure en plein New-York, ça n’est pas simple à trouver.

Heureusement (ou pas), Latchmer, le cadavre de Jasper dans les bras, tombe sur Jean-Claude, sympathique taxi haïtien qui lui propose son aide. Mais Jean-Claude espère bien tirer profit du chien mort, et commence un long périple new-yorkais durant lequel les deux hommes vont essayer « de fourguer le chien à des fous en blouses blanches, à des goupils à papillotes, à des cuistots en canineries et à des camelots du sexe. » C’est évidemment très drôle, rempli de situations cocasses et de scènes d’humour noir (très noir pour les amis des bêtes…).

Mais pas seulement ça. La mère de Sarah ressemblant à la maîtresse de son grand-père, Latchmer ne cesse de penser à la mort de celui-ci, à la conduite de sa grand-mère qui bien sûr détestait sa rivale, et à cette miss Mitchell qu’il a connue à l’occasion de cet événement tragique et envers laquelle il n’a pas rempli toutes ses promesses, par lâcheté. Et c’est ça qu’il va découvrir Latchmer, sa propre attitude face au monde, son manque d’assurance qui le fait acquiescer à tout, en particulier à toutes les idées tordues de Jean-Claude pour obtenir quelque chose du cadavre du chien. Latchmer est un faible, un faible souvent gentil, mais un faible quand même : « Latchmer, mon ami, vous êtes comme une petite rivière. Vous coulez tranquillement dans une direction. Si quelqu’un vient changer votre cours, alors vous coulerez tranquillement dans une autre direction. S’il vous arrive encore autre chose, eh bien, vous changerez une troisième fois. Où vous allez et comment vous y allez, tout ça dépend de vous. Il vous arrive donc jamais de décider vous-même de quelque chose ? »

Cette course dans les bas-fonds est une galerie de portraits des marginaux de New-York. On rit beaucoup et sur des modes très différents, du cynisme à la loufoquerie en passant par la naïveté et l’émotion. De quoi passer un bon moment, surtout quand on n’aime pas trop les chiens…

 

Un chien dans la soupe

Stephen Dobyns traduit de l’anglais (américain) par Philippe Rouard
Gallimard (Folio Policier n°31), 2005
ISBN : 2-07-040553-2 – 342 pages – 6,80 €

Cold Dog Soup, parution aux États Unis : 1985