Mars 1964, New-York. Kitty Genovese est assassinée au pied de son immeuble du Queens à la vue de dizaines de personnes. Son martyre dura trente minutes et personne ne lui porta assistance. Peu de temps après, son assassin, Winston Moseley, père de famille sans histoires, est arrêté et avoue tout, et plus.
Didier Decoin s’empare de ce fait divers terrible pour en faire un roman. Je partage bien sûr l’indignation de l’auteur et des lecteurs devant une telle apathie, devant le silence de ces gens qui n’ont rien fait, rien dit, même pas décroché leur téléphone pour appeler la police. Quand enfin une jeune femme, seule et mère d’un bébé, descend l’escalier car elle vient d’entendre les cris de Kitty, il est trop tard. Et il n’y a eu qu’une faible femme pour porter secours à une autre, une femme qui ignorait si le meurtrier était encore là ou non, alors que le liftier de l’immeuble d’en face a assisté au crime. C’est révoltant au-delà du possible, c’est la lâcheté de l’être humain, c’est pourtant le moment de se demander ce que nous aurions fait dans les mêmes circonstances.
J’ignorais tout de cette histoire et l’enquête m’a intéressée. Je m’attarderai plutôt sur la forme qui elle, ne m’a pas convaincue. Didier Decoin se sert d’un habitant fictif de l’immeuble qui aurait été absent au moment des faits, un « innocent » donc, pour donner voix à son histoire. Il prête pourtant à Kitty et à d’autres victimes des sentiments tout droit sortis de l’imagination de l’auteur. Et je ne vois pas du tout en quoi cette histoire avait besoin d’être ainsi romancée, parce qu’elle a en fait la froideur d’un compte-rendu et que les quelques faits qui personnalisent le narrateur et sa femme n’ont aucun intérêt dans l’histoire. Pour une collection intitulée « Ceci n’est pas un fait divers », l’auteur a dû se sentir obligé de romancer un drame qui n’avait pas besoin de l’être, en tout cas pas sous cette forme sèche qui n’apporte rien. D’autant plus que le lecteur sait tout de « l’intrigue » et du meurtrier et que le suspense d’un thriller ou d’un roman policier est absent. A mon humble avis, la forme est bâtarde et ne sert pas la lecture. Malgré le petit nombre de pages, j’ai donc réussi à m’ennuyer…
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Est-ce ainsi que les femmes meurent ?
Didier Decoin
Grasset (Ceci n’est pas un fait divers), 2009
ISBN : 978-2-246-68221-9 – 226 pages – 17,90 €