Première étape du périple italien : Ernest Hemingway et le lac Majeur. Première déception estivale aussi car autant le dire tout de suite, j’ai trouvé l’écriture d’Hemingway dans L’adieu aux armes extrêmement aride.
Frederic Henry est un jeune Américain engagé volontaire dans les ambulances italiennes durant la Première Guerre mondiale. Il est cantonné sur le front nord où la guerre n’est qu’une succession d’avancées et de reculades en territoire autrichien.
Pourquoi s’est-il engagé ? On ne le saura jamais. Il dirige l’affectation des blessés, boit beaucoup et s’intéresse aux femmes (comme les autres), en particulier à une infirmière écossaise, Catherine Barkley. Il est un jour blessé et conduit à Milan où il doit se faire opérer du genou et passer une longue convalescence. C’est là qu’il tombe vraiment amoureux de Catherine qui, peu farouche pour l’époque, ne tarde pas à tomber enceinte.
La quatrième de couverture de L’adieu aux armes précise : « Un des meilleurs romans de guerre. Un des plus grands romans d’amour. » Entièrement d’accord pour le roman de guerre car le lecteur vit aux côtés de Frederic Henry et de ses camarades la stupidité d’une guerre qui n’avance pas, s’enlise, où l’on meurt pour rien, même tué par ses propres compatriotes.
Mais je suis beaucoup plus mitigée sur le roman d’amour car vraiment, le style d’Hemingway est très sec, à la limite parfois de la caricature. A aucun moment je n’ai senti la moindre passion du côté d’Henry, j’ai même pensé pendant au moins cent cinquante pages que cette Catherine n’était pas l’objet de l’histoire d’amour mentionnée en quatrième de couverture et qu’il allait en rencontrer une autre. La faute en particulier aux dialogues d’une extrême pauvreté, dont voici un exemple :
– Ce n’est rien
– Dis-moi.
– Non, je ne veux pas. J’ai peur que ça te rende malheureux, et que tu te tourmentes.
– Pas du tout, ça ne me tourmentera pas.
– Je ne veux pas te le dire.
– Si, dis-moi.
– Il faut ?
– Oui.
– Je vais avoir un bébé, chéri. Presque trois mois déjà. Ça ne t’ennuie pas, dis? Je t’en supplie, il ne faut pas que ça te tourmente.
– Cela m’est égal.
– Vraiment ?
– Mais bien sûr.
– J’ai tout fait. J’ai tout pris ce qu’il fallait mais ça a été inutile.
– Il n’y a pas de quoi se tourmenter.
– Je n’y peux rien, mon chéri. Je ne m’en suis jamais tourmentée. Toi non plus, il ne faut n’y t’en tourmenter ni t’en attrister.
Je sais, il s’agit d’Hemingway mais pour moi, ces dialogues sont extrêmement plats. Et toutes les conversations Henry / Catherine sont sur le même ton, aucun sentiment, aucune vie. Ses personnages sont désincarnés, ils n’ont aucune âme, on ne sait pas qui ils sont ni pourquoi ils agissent comme il le font. Tout est factuel et l’analyse psychologique est complètement absente.
J’ai surtout apprécié quelques scènes de L’adieu aux armes, en particulier la retraite des troupes italiennes où l’on mesure l’absurdité et la violence de combats si généreux en vies humaines. La fuite, vers la Suisse toute proche, de Henry et Catherine de nuit sur le lac Majeur que j’avais alors sous les yeux est également un moment très fort du roman, quelques heures où le destin est suspendu au-dessus de deux êtres fragiles livrés à leurs seules ressources et au hasard.
Me voilà donc vraiment déçue, bien loin du souvenir que je garde de ma lecture du Vieil homme et la mer, il y a de ça bien des années.
Ernest Hemingway sur Tête de lecture et la thématique Première Guerre mondiale
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L’adieu aux armes
Ernest Hemingway traduit de l’anglais (américain) par Maurice-Edgar Coindreau
Gallimard (Folio n°27), 1972
ISBN : 978-2-07-036027-X – 315 pages – 7 €
A Farewell to Arms, parution aux Etats Unis : 1932