On entre dans Robe de marié de Pierre Lemaitre par le portrait d’une femme à la dérive, Sophie. Qui est-elle, d’où vient-elle, qu’a-t-elle vécu avant d’entrer au service des époux Gervais dont elle garde le petit garçon, Léo ? On ne sait. Ce qu’on perçoit, c’est qu’elle va mal, très mal : pertes de mémoire, crises de panique… jusqu’à la terrible découverte : le petit Léo assassiné dans son sommeil alors qu’elle était seule avec lui dans la maison. Alors c’est la fuite. Sophie rassemble ses affaires, retire de l’argent à la banque et se rend à la gare. Là, elle se fait voler sa valise. Une femme lui propose son aide, la ramène chez elle, mais elle est encore assaillie d’une de ses crises et quand elle retrouve ses esprits, la femme gît dans son sang, poignardée. Sophie s’enfuit encore, de ville en ville, longue errance, un crime encore, un patron de fast-food qu’elle tue parce qu’il a abusé d’elle alors qu’elle lui demandait de l’argent. Et puis l’idée germe : changer d’identité, faire disparaître Sophie…
Arrivée à la fin de cette première partie de Robe de marié, je me suis dit, mauvaise fille, que je m’étais laissé abuser par des billets élogieux, oui, j’ai eu cette pensée… Car j’avais l’impression que l’histoire de Sophie n’irait pas loin, une histoire de cavale sans grand intérêt. Puis débute la seconde partie et là, ça devient très intéressant. Parce que lecteur découvre alors comment Sophie en est arrivée là, comment sa vie a été torpillée de l’intérieur par un certain Frantz, minutieusement, pendant des années, jusqu’à l’anéantissement quasi complet. Comment oui, mais pourquoi ? Le lecteur devra encore attendre un peu pour découvrir les motifs de cette machiavélique vengeance.
Au final, cette histoire méticuleusement organisée est tout à fait intéressante. La folie de Sophie orchestrée par Frantz est décortiquée jusque dans ses moindres détails et l’engrenage s’avère fatal. On appelle ça une descente aux enfers. La construction adoptée par Pierre Lemaitre est tout à fait opportune et maintient le suspens du début à la fin.
Attention spoilers
La seule chose qui m’a un peu fait tiquer, c’est la grande facilité avec laquelle Frantz va et vient dans la vie de Sophie, son appartement, son travail, son ordinateur, sans que jamais il ne soit pris en flagrant délit et que jamais elle ne se doute de quoi que ce soit. Pour moi, au bout d’un moment (quand Sophie emménage dans l’Oise par exemple) ça devient trop systématique et évident pour rester vraisemblable.
Fin des spoilers
En cherchant une illustration pour ce billet, je suis tombée sur une vidéo. Et alors là, doutes… Je pense que ce Pierre Lemaitre, je l’ai eu comme formateur lors d’un stage de cinq jours sur la littérature nord-américaine. C’était il y a trois ans, je ne suis pas bien physionomiste et le formateur se nommait bien Pierre, mais pas Lemaitre. Savez-vous si c’est là un pseudo ?
Donc, amateurs de terreur psychologique, Robe de marié est fait pour vous, même si les facilités scénaristiques dont je fais mention dans les spoilers m’empêchent de le considérer comme le grand roman hitchcockien qu’il voudrait être.
Pierre Lemaitre sur Tête de lecture
Robe de marié
Pierre Lemaitre
Calmann-Lévy, 2009
ISBN : 978-2-7021-3975-2 – 270 pages – 17 €