Ce film est une histoire d’amour, celle du poète John Keats (Ben Whishaw), mort de la tuberculose à vingt-cinq ans et de Fanny Brawne (Abbie Cornish). Voilà pour l’histoire. Alors avec un pitch pareil, j’ai bien failli ne pas y aller. Et j’aurais raté deux heures magnifiques, de la beauté tout simplement, un des films les plus esthétiquement réussis qui soient, un enchantement pour les yeux, et sans effets spéciaux.
Ce sont la lumière et les couleurs que je retiendrai de ce film, qu’il m’est difficile de décrire, comme j’aurais aussi du mal à décrire un tableau. Et c’est à une succession de peintures que l’on assiste, d’intérieurs saisis entre ombre et lumière, le vent dans les voilages, et une nature tantôt resplendissante de prairies jaunes ou violettes, tantôt agonisante sous la neige. Même le linge qui sèche dans les jardins est une réussite. Les objets du quotidien domestique sont saisis et magnifiés par la caméra, certaines images m’ont rappelé les plus beaux tableaux des maîtres flamands.
Et sur ces superbes images, la poésie de John Keats (le film est à voir en v.o.). Car quand Jane Campion fait un film sur un poète, elle le donne à entendre. Et même si on ne comprend pas tout cet anglais du début du XIXe siècle, on reste jusqu’à la dernière image du générique tant la belle voix de Ben Whishaw fait résonner la salle de cette poésie fragile, délicate et harmonieuse.
C’est ce John Keats-là que Jane Campion donne à voir : un homme forcément fragile et pourtant décidé à faire passer la poésie avant tout. Avant son amour pour la très légère Fanny, belle jeune fille attirée par la mode, les tissus, la futilité. Elle voudrait bien apprendre la poésie, elle fait semblant, mais elle reste à la surface.
C’est plus son histoire à elle, Fanny Brawne que raconte Jane Campion, une femme prête à tout par amour, prête à attendre, à apprendre et même à céder. Mais Keats ne cède pas, il a une conscience, lui dit-il, et pas d’argent pour faire vivre une famille (impossible pour lui de travailler car il ne pourrait plus écrire). Les scènes de rapprochement entre les deux jeunes gens sont magnifiques de tension contenue : des caresses, des baisers, une main sur un visage car tout le reste est caché sous les vêtements…
Abbie Cornish incarne la passion froide. Son visage est impassible, elle ne sourit presque jamais. Seuls ses gestes trahissent son émotion. Elle confère au film une certaine froideur qui le range plus encore dans la catégorie de l’esthétique pure et simple. La passion n’est sensible qu’à travers la poésie de Keats, les deux jeunes gens échappant presque à la vie, à l’ardeur. La vie, c’est Charles Brown (Paul Schneider) qui l’incarne, par son dynamisme, ses colères, ses décisions, ses erreurs, son mariage. Il pousse Keats à écrire, il écrit avec lui, il le soutient aussi financièrement. Il est la vie et la postérité ne retiendra rien de ses écrits. Keats lui est la poésie, celle qui dévore son chantre, le privant de tout élan vital.
Fanny est un vecteur essentiel de la poésie de Keats, elle est la beauté, mais peut-être pas grand-chose de plus qu’un concept nécessaire à la création.
Beauty is truth, truth beauty,-that is all Ye know on earth and all ye need to know
Dans un article de la revue « Transfuge » de ce mois-ci, il est plusieurs fois fait référence à l’ère victorienne pour parler de ce film. Rappelons juste que John Keats meurt en 1821, alors que la futur reine Victoria naît en 1819… Je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec bien des points de cet article, notamment l’affirmation : « avec la découverte de son désir sexuel, la femme découvre sa puissance créatrice« . C’est à mon avis totalement faux, puisque dès avant la rencontre avec Keats, Fanny crée les vêtements les plus originaux et chatoyants qui soient, tout en collerettes, rubans et couleurs vives. Elle coud au contraire beaucoup moins après, toute absorbée qu’elle est par cette passion qui ne se révèle créatrice que pour Keats.
Bright Star de Jane Campion
Avec Abbie Cornish, Ben Whishaw, Paul Schneider…
Sortie nationale : 6 janvier 2010 – Durée : 1 h 59
J’avais bien envie d’aller voir ce film et ton billet confirme ma décision. Merci pour cette belle invitation!
Je suis ravie de te tenter !
tu donnes envie mais je n’irais quand même pas. je préfère le lire plutôt
Je ne sais pas ce que donne Keats à lire comme ça, c’est un peu spécial la poésie romantique anglaise du début XIXe. Mais à entendre sur de telles images, c’est juste parfait.
Merci. Très envie d’aller voir ce film.
J’ai lu une critique qui ne disait pas que du bien de ce film… Je crois que le mieux c’est d’aller le voir et se faire sa propre opinion. Il faut pour cela, bien sûr, être sensible à la littérature et être un peu romantique… Je ne sais pas si beaucoup de garçons vont aller voir ce film et si oui, s’ils vont l’apprécier à sa juste valeur…
Je ne connais pas Keats autrement que par la lecture d’Hypérion de Dan Simmons. Mais le film me tentait.
Un film que j’ai repéré et que je pense aller voir.
Moi je dis qu’il va te plaire, c’est quasi certain !
Il faut teeeellement que j’aille le voir, ce film! Mais bon, en VO, ici, je risque de chercher longtemps… va falloir que j’attende en DVD… ça semble magnifique!!
J’ai quand même fait mes 70 km. pour le voir, mais pour toi, ça risque en effet d’être plus problématique, c’est dommage…
Baaaaah, si seulement j’avais pu y aller plutôt qu’à la daube vue lundi soir… Celui-ci me fascine !
Tu n’apprécieras que mieux !
J’ai bien l’intention d’aller le voir ces jours-ci.
Je te souhaite une bonne séance, j’espère que tu tomberas sous le charme toi aussi.
La bande annonce déjà m’a beaucoup séduit… ton avis en plus et c’est sur, je n’ai plus qu’à attendre qu’il passe vers chez moi !
J’espère que tu pourras le voir. Moi, j’ai attendu en vain La route en v.o., maintenant, c’est fichu, j’attends le DVD 😦
Si j’avais déjà très envie de voir ce film, tu viens de faire multiplier mon envie!!!
Tu m’en vois ravie car ce film mérite qu’on s’y précipite !
Le masque et La PLume l’a vivement conseillé , tout comme Télérama.fr. Alors, si tu t’y mets aussi!
Je crois qu’il n’y a plus à hésiter, tu DOIS y aller !
Je me fie plus à mes proches qu’aux critiques, j’ai une fille qui a énormément aimé le film et l’on sent que c’est aussi ton cas je vais donc suivre vos avis et m’acheter une entrée pour le week end, un peu de poésie le dimanche c’est bien non ?
Un peu de poésie, c’est toujours bon à prendre. En plus, ces merveilleuses images sont un vrai bonheur, tout est harmonieux dans ce film.
Pendant les vacances de février, je pense qu’il sera encore à l’affiche !
Je l’espère, il y a des grosses sorties à venir, ça laisse parfois peu de temps aux films plus intimistes, c’est d’ailleurs pour ça que j’y suis allée dès la sortie.
Les billets fleurissent sur ce film … je le réserve pour une séance DVD à la maison. 😉
Mais j’ai bien envie de le voir : tous les billets parlent de tableaux pour décrire chaque scène : ça donne sacrément envie ! :))
Oui parfois, on voudrait pouvoir faire un arrêt sur image tellement c’est beau, la couleur, la lumière, vraiment un film à ne pas rater.
Bonjour, j’ai déjà du retard dans les films à voir cette année, à commencer par celui-ci. Tu es la deuxième personne qui en dit du bien alors que j’ai une blogueuse de ma connaissance qui en dit du mal. Je me ferai mon opinion. De Jane Campion, j’ai adoré la leçon de piano et Portrait de femme (que je recommande chaudement avec Nicole Kidman et Viggo Mortensen). Après, j’ai moins aimé In the cut ou Holy Smoke. Bonne fin d’après-midi.
Je crois bien que c’est le premier film que je vois de cette réalisatrice… je note Portrait de femme, rien que la distribution me plait.
J’espère avoir le temps de voir ce film : c’est l’affiche qui m’a attirée, bien avant de connaître le sujet. Et je garde un excellent souvenir de « La leçon de piano ». Donc…
Ne m’en veux pas mais je ne lis pas ton billet. Je compte aller voir très prochainement ce film!
C’est mieux comme ça tu as raison, mieux vaut découvrir avec son propre ressenti.
Je vais le voir dès que j’ai reçu ma carte de cinéma 🙂
Peut-être qu’il te donnera envie de lire de la poésie pour te sortir de ta panne de lecture…
Je l’ai vu, je l’ai trouvé très beau mais il ne m’a pas réellement touchée…
Je ne crois pas qu’il soit très émouvant en effet, c’est plus un plaisir esthétique. Même si les scènes finales en Italie sont émouvantes de sobriété, je trouve.
Il me tente beaucoup!!
J’espère vraiment que tu auras l’occasion de le voir. Et que tu nous donneras ton avis.
« Même le linge qui sèche dans les jardins est une réussite. »
J’ai cru que je m’étais trompée de blog !!! Mais non …
Rhooo… au moment de l’écrire, je la trouvais bête cette phrase et pourtant, je te jure, le linge qui sèche au vent dans les jardins est beau. C’est idiot hein, mais cette femme parvient à magnifier le quotidien le plus trivial, c’est vraiment très fort…
Oh ça y est, je trouve un article sur ce film que je suis allée voir aussi il y a quelques jours.
Nous sommes en désaccord complet, je n’ai pas du tout accroché, mais je suis contente de te voir en parler et de lire un autre avis que le mien ! ^^
A bientôt =3
Nibelheim, ex Plumes.
Heureuse de te voir sous cet autre blog. J’irai vois ton billet, mais je trouve déjà plutôt bien que tout le monde n’ait pas le même avis !
Ah ! Je suis ravie que tu aies été autant enchantée que moi… j’ai retenu l’image des draps aussi , une des premières scènes du film…je me souviens avoir souri en me disant « voilà qui commence bien » et je suis restée jusqu’à la fin du générique pour entendre la « voix » de Keats … même sije n’y comprends rien à l’anglais mais c’était mélodique… Très bel article qui rend bien hommage au film!
Oui, la scène du linge qui sèche, c’est incroyable de tirer une telle beauté de tant de banalité. Quel beau film !
J’aime beaucoup cette réalisatrice, son film me tente encore une fois.
Et moi je crois bien que je vais en regarder d’autres.
J’apprécie énormément Jane Campion et oh OUI ! Je vais aller voir ce film. J’aime bcp comme tu en parles et la comparaison avec un tableau, c’est très beau. Jane Campion a réalisé une des scènes les plus érotiques du cinéma avec La leçon de piano. Un simple trou dans un collant, rien d’autre, un simple trou dans un collant. Magnifique !
J’ai bien compris le message et je vais tenter de mettre la main sur cette Leçon de piano. Érotique un trou dans un collant ? Il faut que je voie ça !
Cà y est je l’ai vu, je suis un peu comme Papillon, c’est magnifique, mais j’aurais aimé des émotions moins retenues. Je n’ai pas retrouvé l’intensité de « la leçon de piano ». Ceci dit, c’est un grand plaisir de le regarder. Pour confirmer ce que tu dis des poèmes, je ne comprends pas l’anglais, pourtant la musicalité de la langue est très perceptible, notamment sur le générique.
Le jeu des acteur est trop retenu je crois pour que le film soit vraiment émouvant. L’actrice a un jeu très froid alors que les lumières est incroyablement chaleureuse, c’est étrange comme parti pris de réalisation…
C’est vrai qu’à première vue, comme je ne suis pas fan du genre classique, je ne songeais pas à aller voir ce film. Mais à bien y réfléchir, pourquoi pas…
Nous n’avons vraiment pas les mêmes registres ciné, mais si j’arrive à te convaincre d’aller le voir, je serai ravie et si tu l’apprécies, alors là, ce sera ma petite victoire personnelle !
J’ai très envie de le voir mais aurai-je l’occasion ? Là est la question ! 😉
Je te le souhaite vraiment, c’est un beau moment.
Quel beau billet 🙂
J’aimerais bien que tout le monde voie ce film !
QUOI ?????? Tu n’as pas vu La leçon de piano ????!!!! Ys, il faut que tu y remédies, c’est urgent ! La première femme a remporter la palme d’or en tant que réalisatrice, ce n’est pas pour rien ! Et oui, le trou dans le collant, ça n’a l’air de rien! Si tu le vois, n’hésite pas à venir m’en parler, je suis curieuse de connaître ton avis !
ok promis, je vais mettre la main dessus !
La Leçon de piano est l’un de mes films préférés… Je ne m’en lasse pas. Les éléments pointés dans Bright star faisant partie de ce que j’avais adoré dans la Leçon, je sens que je vais aller voir bien vite ce film 🙂 En plus, j’adore les (bons) films mettant des écrivains en scène :-))))
Je reviens de la bib où j’ai emprunté « La leçon de piano » : tant d’avis m’ont donné envie de découvrir ce film.
Un très beau film, à l’esthétique parfaite! Il m’a fait aimé la poésie de Keats alors qu’à la lecture franchement… J’espère que tu vas aimer La leçon de piano, c’est un film absolument magnifique!
J’en attends beaucoup maintenant… faut que je me trouve un créneau pour voir ça, je suis dans Lost maintenant !
La Leçon de piano, quelle merveille… Merci pour ton avis si bien argumenté et qui me donne encore plus envie d’aller voir le film !
J’ai trouvé « La leçon de piano » en DVD, je vais essayer de le voir ce week-end.
Concernant les vêtements, j’ai aussi vu une évolution suite à sa rencontre avec Keats: avant, ses vêtements sont très « flashy », « m’as-tu-vu », presque prétentieux et, selon moi, de mauvais goût. Au fur et à mesure de sa passion pour Keats, ses talents de couturières s’affirment dans des tenues plus élégantes, plus réfléchies, qui reflètent une nouvelle maturité et une volonté non plus de séduire ou de plaire mais de s’affirmer au-delà de son apparence. J’ai beaucoup aimé cette évolution, qui montre bien comment Fanny la « frivole » se construit à travers son amour pour le poète.
C’est sûr qu’elle change, elle devient moins superficielle, moins soucieuse d’éblouir.
Grand tolkien, il passe encore à toulouse ???? je vais voir ça tout de suite :-))))
Toulouse est une vraie ville qui ne manque pas d’offres ciné, je ne doute pas que tu puisses te régaler sous peu.
Et voilà! Je viens de voir le film: superbe ! J’en ai fait un billet sur mon blog. Merci de m’avoir donné l’envie de le voir !
Et moi j’ai regardé « La leçon de piano » en DVD grâce aux conseils de tous : c’est très beau, les images sont aussi magnifiques.
Trés beau film. Entièrement d’accord avec toi pour la lumière et les couleurs, c’est ce qui ressort du film…et puis, cette campagne anglaise s’y prête tellement bien. Fanny est tout en retenu mais moins que John qui se doit de gagner sa vie et d’être respectueux…c’est l’époque qui veut ça. Si l’on pense à Jane Austen, nous percevons la même chose.
J’ai décidé de voir d’autres films de Jane Campion.
J’ai vu « La leçon de piano » depuis et comme l’ont dit les commentatrices de ce billet, c’est tout aussi beau.
Un film magnifique c’est vrai (aaaahhhh la campagne anglaise! Le tournage a eu lieu à Luton au nord de Londres : bah c’est décidé j’irai lors de ma prochaine escapade anglaise!) mais je n’ai pas été bouleversée pour autant. Faire lire la poésie aux comédiens est une superbe idée qui ajoute beaucoup à l’intérêt du film. Un film sur un poète qui est littéraire : simple comme idée mais souvent peu exploitée. Merci en tous cas pour ton billet très complet, bien plus intéressant en effet que l’article de Transfuge que j’ai trouvé également peu pertinent par moment. Je te conseille l’interview de J.Campion dans Positif, intéressant.
J’ai vu « La leçon de piano » depuis et c’est certain, la campagne anglaise est bien plus attirante que la Nouvelle Zélande !
Un film à l’esthétique sublime