Harry Haller, narrateur, ne se sent pas en phase avec la société des années 20. Il est le loup des steppes, animal solitaire, qui ne parvient pas à vivre avec ses contradictions. Il s’installe dans une pension typiquement bourgeoise avec logeuse et escalier ciré alors qu’il hait l’ordre établi et « cette santé, ce confort, cet optimisme soigné, ce gras et prospère élevage du moyen, du médiocre et de l’ordinaire« .
A la faveur de rencontres fortuites, à la limite du fantastique, il va effectuer un voyage intérieur qui lui permettra d’explorer les divers moi qui l’habitent. Le Loup des steppes, l’homme cultivé, esthète et philosophe, méprise les mondanités et les faux semblants alors qu’Harry est attiré par le clinquant, aime le confort et les femmes. Y a-t-il une place sur terre pour un tel homme ? Y a-t-il tout simplement une place pour l’Homme ?
Alors que l’action se passe pendant la période appelée « les années folles », Harry Haller / Hermann Hesse ne participe pas à l’euphorie ambiante. Il a vécu la Première Guerre mondiale et ne voit d’autre issue à la déliquescence de la société qu’un autre conflit, encore plus sanglant. Totalement désabusé quant au genre humain, il se fait observateur du monde qui dans la barbarie a perdu la culture, la vitalité et la joie de vivre. La société est devenue factice et illusoire et Harry va donc partir à la recherche de lui-même le long des rues, puis grâce à un mystérieux théâtre magique où seuls les fous sont admis. Une femme ensuite, Hermine, son double, va lui ouvrir la voie des plaisirs, de la volupté et des sens :
« … il m’aurait paru absolument impossible d’aimer plus d’une heure une fille qui avait à peine lu un livre, qui ignorait à peu près ce que c’était que de lire, et n’aurait pu distinguer Beethoven de Tchaïkovski. Maria n’avait pas d’instruction, elle n’avait pas besoin de ces détours, de ces ersatz, tous ses problèmes provenaient directement de ses sens.«
Par cet apprentissage de la sensualité, Harry se révèle à lui-même, il s’apprend, comprend et commence à accepter ses propres contradictions. Car ce n’est qu’en acceptant la multiplicité de son être qu’il pourra forger son unicité.
Le loup des steppes est fortement emprunt de philosophie allemande et de psychanalyse. Ça n’en fait pas un livre difficile à lire, mais un texte assez austère et très autobiographique. Écrit en 1927, il fait preuve d’une funeste clairvoyance :
« Pendant la guerre, j’avais été l’adversaire de la tuerie ; après la guerre, j’avais réclamé du calme, de la patience, de l’auto-critique, de l’humanité, je m’étais opposé à la passion nationaliste qui devenait de jour en jour plus sauvage, plus féroce et plus stupide.«
D’un grand réalisme social et politique, Le loup des steppes surprend cependant par des scènes fantasmagoriques, certainement issues d’épisodes délirants (sans qu’il en soit fait explicitement mention) dus à la schizophrénie du narrateur.
Au-delà d’une simple dualité entre Nature et Culture, Le loup des steppes est le roman d’un homme qui ne trouve pas sa place, un roman de l’introspection et de l’analyse intérieure.
Hermann Hesse (1877 – 1962) a reçu le Prix Nobel de littérature en 1946.
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Le loup des steppes
Hermann Hesse traduit de l’allemand par Juliette Pary
Pocket, 1985
ISBN : 2-266-02671-2 – 249 pages (épuisé dans cette édition)
Der Steppenwolf, parution en Allemagne : 1927
Je voudrais vraiment le lire, mais il me fait un peu peur. Pourtant, j’ai envie de mieux connaître la littérature germanophone…
J’ai fait un stage il y a peu sur la littérature germanophone et j’ai pu mesurer l’étendue de mon inculture… et il m’a donné de multiples idées de lecture.
Quelle introduction dans la matière, H.Hesse !
Ben oui, carrément, autant commencer par très grand !
Narcissique. Voilà le mot qui me vient à l’esprit quand je dois parler de ce roman. Et c’est ce qui m’a empêché de voir et d’apprécier toute la dimension sociétale de ce livre. Cette analyse intérieure est profondément agaçante.
Oui, c’est avant tout un voyage intérieur, donc, une introspection. Ça peut agacer, je comprends bien…
Je l’ai lu il y a une (bonne) vingtaine d’années et je me souviens seulement qu’il m’avait plu (oui, c’est un peu vague, comme commentaire !).
Je n’ose pas dire qu’il était dans ma bibliothèque personnelle depuis aussi longtemps, mais certainement pas loin…
Hou là, ça ne me rajeunit pas ! Je l’ai lu quand j’étais (grande) adolescente ! J’en garde le souvenir d’un livre fort et austère. Mais pas mal de choses ont du m’échapper à l’époque…
Je pense effectivement que c’est un livre que l’on peut lire et relire à différentes époques de la vie.
Tu peux pas savoir comme tu me fait plaisir, Hermann Hesse a été pendant longtemps mon auteur préféré, je l’ai découvert a 17 ans avec « Demian » et « Le loup des steppes », puis j’ai continué sur « Siddhartha », « Le jeu des perles de verre » et « Narcisse et Goldmund ».
Je me souviens avoir été un peu ébranlé par le côté « analyse intérieure » justement puis très rapidement conquise. Tu viens de me donner envie de le relire 🙂
Tu as lu encore plus que ce que le formateur nous a conseillés pour découvrir cet auteur. Je ne pense pas que je lirai tous ces titres, car il nous a aussi donné envie de découvrir beaucoup d’auteurs qui m’étaient inconnus jusqu’alors.
Je me demande si je n’ai pas lu Narcisse et Goldmund. Aucun souvenir en tout cas de cette lecture (il y a très, (mais vraiment très) longtemps…)
Mais de là à le choisir pour le blogoclub « prix nobel », il y a un pas…
J’ai d’autres Nobel sous le coude… en ce moment, je fais dans le très grand !!!
J’ai très envie de le lire, je pense m’y mettre bientôt. Moi aussi j’ai beaucoup de lacunes avec les auteurs allemands…
J’ai découvert plein de choses très tentantes, je pense m’y mettre sérieusement.
Philosophie et psychanalyse, mâtinées de culture germanique, je pourrais me laisser tenter après ton billet.
C’est un classique ma foi, il vaut la peine d’être lu, même si ça n’est pas forcément facile d’accès.
J’ai l’impression que c’est le genre de livre qui s’apprécie d’autant plus quand on connaît déjà l’auteur à travers d’autres oeuvres, non?
Pas forcément, je l’ai plus pris comme le parcours intérieur d’un homme plutôt que celui d’un écrivain.
Un grand classique mais qui a pris quelques rides malgré tout mais où l’on sent bien les thèses pacifistes de Hesse qui lui vaudront beaucoup d’inimitié
je l’apprécie surtout comme passeur de littérature avec ses critiques de livres et sa bibliothèque universelle
Ça n’est certainement pas très au goût du jour, mais j’ai bien des classiques à revoir et de bons moments à passer avec eux !
Herman Hesse, je l’ai dévoré adolescente. Je devrais le relire 🙂
Eh bien pour moi c’était le premier, il n’est jamais trop tard !
Lu il y a quelques années, il m’a laissé un agréable souvenir. Je crois que je vais retenter l’expérience Hermann Esse un de ces jours… Mais lequel ?
En tous les cas, joli billet, je n’aurais pas su par quel bout prendre ce livre pour le décrire. Pour moi dans ce roman, il n’y a pas d’égocentrisme mais plutôt une honnêteté dans sa façon de se décrire très courageuse.
Moi aussi, je me suis demandé comment l’aborder… pas bien actuel ce Hermann Hesse, et impressionnant mais je suis enchantée de l’avoir découvert avec ce livre.
Je crains que ce livre soit un peu trop barbant pour moi.
C’est austère certes, mais barbant, non !
Ah, l’austérité allemande…. C’est un pays que j’aime beaucoup, mais sa littérature reste peu abordable pour moi.
A priori, ça n’est pas gai, c’est vrai, mais il faut dire qu’ils ont un passé plutôt chargé… moi j’ai apprécié cette lecture et vais poursuivre, doucement mais sûrement, avec les germanophones.
Tant de grands auteurs allemands, mais qui m’effraient un peu.
Mais non mais non, regarde, j’ai bien réussi moi !
Je ne suis pas très tentée… (j’ai l’impression d’être en mode ronchon dis donc :-P)
en effet, pas en phase on dirait…
J’aime beaucoup Herman Hesse et garde un très bon souvenir de cette lecture.
« Le Loup des Steppes » est un livre fascinant, bien meilleur et plus complexe que d’autres classiques de Herrmann Hesse tels que « Siddhartha » ou « Demian » (mauvais, niais, écrit trop vite et l’une des lectures les plus barbantes pour mes examens de fin d’études, l’an dernier). Je l’avais critiqué ici (en allemand ;)): http://www.plouf.de/blog/index.php?/archives/99-Eintritt-kostet-den-Verstand.html
Et je trouve justement que ses réflexions sur la guerre, la violence, l’évolution de la société et les questions d’identité sont encore d’actualité.
Un autre livre de Hesse vient de tomber dans ma PAL, grâce à une gentille fée. Je n’en ai donc pas fini avec lui.
Je crois que je n’ai encore jamais lu cet auteur… la couverture du livre me rappelle la belle expo sur Munch que j’ai vue récemment à la Pinacothèque de Paris 🙂
Qu’est-ce que j’aurais aimé voir cette expo. J’ai choisi « Crime et châtiment » à Orsay, je ne regrette pas, mais Paris est bien loin…
Un roman psychologique en quelque sorte. Il est dans ma PAL. J’avais adoré « Narcisse et Goldmund » mais c’est un autre registre…
Je crois que beaucoup de romans germanophones sont très psychologiques, et prennent des dimensions humaines et universelles tant leur passé est grave et prégnant.
Depuis longtemps dans ma bibliothèque, je n’ai jamais pris le temps d’aller plus loin que les premières pages, mais je vais y songer sérieusement maintenant !
Il a attendu très longtemps dans la mienne, suffit de trouver le bon moment.
J’avais apprécié ce livre, lu il y a quelques années…
J’ai commencé d’autres écrits de cet auteur et j’apprécie aussi.
Ah ! la littérature de langue allemande (parce que j’inclus aussi les Autrichiens dans le lot) est pour moi une source de bonheur infini. Je connais moins Hermann Hesse que d’autres, mais il faut dire que mon coeur est acquis à cette littérature mal connue et à ses auteurs d’un talent sûr. Je ne saurais te conseiller la famille Mann (même si j’ai un gros faible pour le dernier, Klaus), Schnitzler, Zweig (cela va de soi), Joseph Roth, Robert Musil, Bert Brecht, Lion Fuchtwanger, Walter Benjamin et tant d’autres … Belle découverte en perspective, donc !
La formation que j’ai faite m’a beaucoup enthousiasmée. Mais j’ai buté sur Robert Walser, je m’en faisais une autre idée. Je vais continuer quand même bien sûr, dans la famille Mann, j’ai choisi le grand frère, on verra bien.
Soyons banal: Hesse est un monument. j’ai eu le plaisir de le lire, parfois en VO, c’est un tout grand un peu oublié. Lire impérativement Siddhartha et Narcisse et Goldmund pousser avec L’ornière, Knulp,… que de bonnes lectures!
Le Loup des Steppes revient au premier plan, cité récement comme culte parmi les jeunes!?. Un doute m’habite: j’ai tenté plusieurs fois et m’y accroche depuis quelques jours. Page 104, c’est du lourd, une lecture ardue, rapeuse, une introspection sans consession dans le mal d’aujourd’hui écrite en 1927! De la spéléologie mentale tellement d’aujourd’hui, incroyable!
Je vais le finir, je le jure, j’aurai donc acheté ce Livre de poche 1970 environ et apres plusieures tentatives pour le finir 2010!
Pour faire vieux bougon, Le Loup des Steppes n’est pas une lecture de lycéen, je n’y crois pas.
Apres, un bon Richard Rousso, Claudel, Beigbede ou Oates vont paraitre bien futils mais sont quand même plus légers!
Un conseil: Essayez!!
Merci pour ces conseils, je n’ai rien contre un peu de légèreté de temps en temps, quoique que quand même, Oates n’est pas un modèle du genre !