Juliet, naked de Nick Hornby

Juliet, naked de Nick HornbyJ’aime les bouquins de Nick Hornby pour plein de bonnes raisons, entre autres parce que je les lis avec un petit sourire du début à la fin. Bon d’accord, ça ne doit pas être marrant pour une femme de vivre avec un ado de trente ans pour compagnon, mais les héros de Hornby, dans les livres, ils me font craquer.

Juliet, naked commence comme on s’y attend : Annie, la quarantaine, conservatrice dans le petit  musée d’une improbable station balnéaire du nord de l’Angleterre vit avec Duncan depuis quinze ans. Ça n’a jamais été l’amour fou, juste deux pièces de puzzle qui s’emboîtent et se conviennent. Duncan lui, voue un culte au chanteur américain Tucker Crowe qui n’a plus rien sorti depuis vingt ans, alors qu’il a brusquement mis fin à sa carrière après un épisode mystérieux dans les pissotières d’un bar de Minneapolis. Duncan et Annie ont fait des milliers de kilomètres pour visiter ces pissotières et bien d’autres lieux cultes du même tonneau sur les traces de leur idole. Enfin plutôt de l’idole de Duncan car Annie elle, sait raison garder. Elle aime oui (sinon, comment Duncan aurait-il pu vivre avec elle ?), mais elle sait aussi être critique.
C’est bien pour ça que quand arrive un jour par la poste, une version démo du dernier album de Tucker Crowe, « Juliet », c’est Annie qui va trouver les mots justes pour expliquer sur le site dédié à l’ex-star que cette version « naked » ne vaut pas la version achevée. Mais Duncan lui, aveuglé et rendu fou par ce tant attendu signe de vie de son idole, se répand en éloges. Et c’est à Annie que Tucker Crowe, depuis les Etats-Unis, envoie un mail.

Et le lecteur va franchir l’Atlantique pour découvrir ce Tucker Crowe, plus star du tout, empétré dans ses affaires de famille compliquées (cinq enfants de quatre femmes différentes) et plus Hornby que jamais. Et c’est là qu’on s’aperçoit que le héros a vieilli, qu’il se remet plus en question, qu’il a peur de l’avenir et de la mort. Ça n’est plus le rock et les filles d’abord, comme dans Haute Fidélité, c’est plus sombre, sans pour autant tomber dans le noir total, juste le gris, le gris clair, comme le ciel de Gooleness la déprimante.

Hornby est excellent quand il décrit les activités du groupe de fans qui partent dans des délires de suppositions à la moindre étincelle. Les relations Annie – Duncan sont très bien exprimées, comme d’habitude, et où il fait vraiment fort, c’est quand il parvient à restituer toute l’amertume d’Annie, ce gâchis qu’elle ressent et ses envies de vivre :

« Elle pouvait aller frapper à la porte de Duncan – la porte de Gina – et exiger une compensation pour tout le temps qu’elle avait perdu avec lui, mais l’addition serait difficile à établir, et de toute façon Duncan était fauché. Elle ne voulait pas d’argent, cela dit. Elle voulait récupérer ce temps, le consacrer à autre chose. Elle voulait avoir à nouveau vingt-cinq ans.« 

C’est le sentiment d’une vie ratée qui envahit Annie qui n’aime vraiment ni son boulot ni son conjoint. Elle a l’impression d’être passée à côté de tout et surtout du meilleur, d’un enfant. Tout ça par manque de volonté, de vitalité, mais aussi à cause d’un homme immature.

Le portrait de Duncan est vraiment féroce : irresponsable, égoïste, on ne peut plus fade. Alors que Rob, le héros de Haute Fidélité était attendrissant, Duncan est juste pathétique. Alors qu’au début du roman son côté ado attardé (a slacker, en anglais) pouvait faire sourire, il ne fait rapidement plus cet effet tant son attitude est à l’origine d’un grand gâchis sentimental. Le mâle ne sort pas grandi de ce personnage. Tucker Crowe en face, n’a rien de glorieux mais au moins il s’interroge et est plus que jamais conscient de ses failles et faiblesses, c’est d’ailleurs pour ça qu’on l’aime le vieux rocker ! Il n’a bien sûr rien à voir avec tous les fantasmes que ses fans projettent sur lui, il est juste humain et à la tête d’une famille extrêmement complexe qu’il n’a jamais voulu gérer, fuyant les responsabilités.

Si tout commence donc comme dans un roman de Nick Hornby, l’auteur prend me semble-t-il un virage (léger), vers la réflexion et la sagesse. Les héros ont vieilli et les personnages inconsistants qui faisaient rire donnent maintenant à penser que la vie est courte. Profitons-en pour lire Nick Hornby.

Nick Hornby sur Tête de lecture

Juliet, naked

Nick Hornby traduit de l’anglais par Christine Barbase
10/18, 2010
ISBN : 978-2-264-05083-0 – 312 pages – 19 €

Juliet, Naked, Parution en Grande-Bretagne : 2009

71 commentaires sur “Juliet, naked de Nick Hornby

  1. Haute fidélité sera mon premier Hornby ! Celui-ci me tente moins, j’envisage cet auteur davantage comme une lecture détente et une source de rigolade…

    1. Alors tu as parfaitement raison de commencer par Haute fidélité. Et si tu as l’occasion de voir le film, n’hésite pas !

  2. J’ai lu plusieurs de ses romans, toujours avec grand plaisir, j’ai déjà noté celui-ci. C’est bien s’il évolue vers « la réflexion et la sagesse » il y en a tant qui joue la carte du jeunisme.

    1. Il vieillit doucement Hornby, en gardant heureusement les mêmes centres d’intérêt (la musique, les femmes, les relations de couple) et son humour irrésistible.

  3. Cette histoire ressemble un peu trop aux autres et j’ai pas trop envie de le lire. Couple de trentenaires, manque de maturité, musique, etc. : à force, je me lasse !

    1. Un peu moins justement, les personnages ont un peu vieilli et se mettent à réfléchir sur ce qu’ils ont fait (ou pas) de leurs quarante premières années.

  4. Il me tentait déjà et tu confirmes ce que j’ai lu ailleurs, à savoir que l’auteur a pris un léger virage et propose une réflexion plus poussée, ça ne devrait pas être pour me déplaire.

  5. J’ai beaucoup aimé High Fidelity également. Peut-être que, justement, Hornby avait su mettre des mots sur des attitudes, des sentiments dans lesquelles je me retrouve sans aucun problème. Je regarderai certainement celui-là d’autant plus que je n’ai pas lu de romans de cet auteur depuis longtemps. Ceci dit, je me demande si ce n’est pas un auteur pour gens « concernés »…

    1. M’étonne pas que les gars se retrouvent dans ses livres 😉 Ils font sourire les filles qui les lisent, en espérant de ne pas tomber sur un cas comme ça ! Et à mon avis, on est tous plus ou moins concernés parce qu’il décrit le temps qui passe au sein d’un couple, ça fait déjà pas mal de monde…

  6. Ah, pourquoi pas… ‘About a boy’ m’avait bien plu et ‘Fever pitch’ (sur sa passion pour Arsenal) n’etait pas mal non plus.

  7. J’ai High Fidelity, toujours pas lu. Mais il est sur la table de chevet… Celui-ci semble être un vraiment bon cru, d’après les avis lus ici et là.

  8. Exactement ! Un sourire du début à la fin ! J’ai bcp aimé High Fidelity et l’adaptation du film est à la hauteur. Pareil Pour un garçon.

    1. J’aime beaucoup Jack Black et John Cusack, pas pour les mêmes raisons, mais ils sont vraiment très bons dans ce film.

  9. J’avais vraiment beaucoup aimé « A long way down » et j’ai vu dernièrement une critique de « Haute fidélité » qui m’a donné envie de repartir dans un Hornby…
    Et voilà maintenant, je vais plus savoir lequel choisir !

  10. Je ne connais pas du tout cet auteur. Par contre, l’idée d’une station balnéaire dans le nord de l’angleterre me laisse dubitative…!!!

    1. Ah mais non, pas du tout, moi je vois très bien ! D’ailleurs je pars en Écosse cet été alors bon, le nord de l’Angleterre, c’est rien du tout à côté !

  11. Je sais que je te déçois quand je dis que je n’ai pas accroché à « Haute fidélité ». Mais ce que tu dis de celui-ci me fait comprendre qu’il vaut mieux que je passe mon tour !

  12. Ahahah, tout à fait, Duncan est juste pathétique !
    Je l’ai lu très récemment, billet à paraître sous peu…

    1. Je ne sais pas si c’est le meilleur titre pour le découvrir, celui-là est quand même plus désenchanté que les autres, nettement plus drôles.

    1. Même réponse qu’à Cynthia ci-dessous, ça n’est peut-être pas un livre représentatif des tous ses autres bouquins.

  13. On le voit dans tous les magazines et toutes les librairies ce livre ! Ca me tente (si je le trouve d’ocaz, parce que je trouve le prix des bouquins vraiment inabordables depuis un moment!)

    1. Alors j’ai bien fait de le lire très tôt parce que quand on parle trop d’un bouquin ça calme sérieusement mon envie de le lire…

  14. Si je le lis, ce sera en VO. L’humour très particulier de Nick Hornby perd de sa saveur dans les traductions… Je n’aime pas tout de lui mais ce petit dernier a l’air bien.

  15. Je compte le lire prochainement : ce sera mon premier de cet auteur, mais vu les éloges sur différents blogs, comment résister ? 😉

    1. Comme je l’ai écrit plus bas, je ne suis pas certaine que ce soit le meilleur livre pour aborder cet auteur, mais il est très bien quand même.

  16. Je lis de très bonnes choses sur ce roman, j’ai eu des ressentis différents selon les romans que j’ai lu de Hornby, autant j’ai adoré A propos d’un garçon autant j’ai abandonné Carton Jaune (je ne sais même plus si c’est le bon titre).

  17. J’ai une relation un peu ambiguë avec cet auteur. D’un part ses personnages complètements immatures m’énerve au plus au point, mais d’autre part j’aime beaucoup son style et ses histoires…

  18. Tous ces articles sur « Juliet, naked », me donnent envie de relire Hornby… « A propos d’un gamin » ou « High Fidelity », lus il y a un paquet d’années… Les deux films vus aussi d’ailleurs, l’un avec Hugh donc forcément bien, l’autre en effet très très bon, d’autant qu’une pointe de nostalgie ressort d' »high fidelity »… Et oui, à l’époque on faisait des compil’ sur cassette, on passait du temps parce qu’il fallait arrêter les deux bandes en même temps, au bon moment… Maintenant, avec les mp3, tout ça se fait si facilement…

    1. Mes filles regardaient récemment une émission sur les années 80. Ils y rediffusaient la vidéo de « Thriller » : grand moment télévisuel pour moi, j’étais môme et terrorisée… Aujourd’hui, après l’avoir vue une fois, on peut se précipiter sur Internet pour la revoir autant de fois qu’on veut, mais nous à l’époque, il fallait prier et attendre qu’une chaine de télé la rediffuse… c’était pas le bon temps, ça 🙂

  19. ah ben du coup celui-ci fut mon premier Hornby (alors que j’ai haute fidélité dans ma pal shame on me) et j’ai vraiment beaucoup aimé 🙂

  20. Bon, Duncan reste super attendrissant pour moi mais y’a des raisons personnelles à ça ! Cela dit, très bonne analyse.

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