Le destin miraculeux d’Edgar Mint de Brady Udall

Le miraculeux destin d'Edgar MintLe petit Edgar Mint est métis, fils d’une Apache et d’un blanc Américain. Son père a totalement disparu de la circulation avant sa naissance et sa mère est alcoolique depuis qu’elle a appris qu’elle était enceinte. Il vit avec elle et sa grand-mère Paule dans une réserve jusqu’au jour où le facteur lui roule sur la tête avec sa jeep. Considéré comme mort, il est quand même emmené aux urgences où un jeune médecin, Barry, le tire d’entre les morts. Il va alors passer des mois à l’hôpital de Sainte-Divine, toujours en territoire indien, avec des malades tous plus excentriques les uns que les autres. Le vieil Art, hospitalisé suite à un accident de voiture dans lequel il a perdu sa femme et ses filles, lui est particulièrement proche et lui offre une machine à écrire. Car Edgar garde quelques séquelles de son accident, entre autres, il ne peut pas écrire à la main.

Edgar Mint finit par être considéré comme guéri et ne peut rester à l’hôpital. Il va alors entrer dans l’école Willie Sherman : « Bien que Willie Sherman soit située sur la réserve de Fort Apache, les élèves provenaient de diverses tribus (de fait, il y avait très peu d’Apaches) : Pima, Papago, Yavapai, Maricopa, Havasupai, Hopi. Willie Sherman récupérait les rebus du système scolaire du Bureau des Affaires indiennes et faisait office de dépotoir pour fauteurs de troubles, laissés pour compte, délinquants, enfants abandonnés, malades mentaux et orphelins comme moi. » Edgar devient le souffre-douleur d’une bande de costauds vicieux qui le frappent et le briment sans cesse. Il encaisse tout, se renferme sur lui-même, tape plus que jamais sur sa machine à écrire et ne se fait qu’un seul ami, Cecil, un Indien taiseux qui rumine sa vengeance.

Quand il finit par quitter cette école, c’est pour aller habiter dans l’Utah dans une charmante famille de Mormons (l’auteur est issu de générations de Mormons) chez laquelle les choses vont mal tourner, par sa faute, croit-il. Car Edgar est persuadé de semer le malheur autour de lui, de détruire le bonheur des gens qui lui veulent du bien. Il faut dire qu’il est suivi où qu’il aille par Barry, le docteur qui lui a sauvé la vie mais est devenu toxicomane, vendeur de drogue et demeure convaincu qu’ils ont un destin commun. Et ce Barry, c’est son démon, pas de doute.

« Je commençais à prendre conscience  de l’étendue de mon pouvoir. Il était impossible de me tuer. On pouvait me réduire en charpie, me brûler avec du fil de fer, m’enfoncer les côtes à coups de pied, me rouler sur la tête avec une jeep de la poste, mais je ne mourais pas. Partout, absolument partout où je passais, tôt ou tard, je semais la ruine et la désolation.« 

En vérité, le destin du petit Edgar Mint est absolument tragique, il traverse des épreuves vraiment difficiles. Et le miracle, c’est que le récit lui, n’est jamais triste, bien au contraire, le ton est souvent drôle, jamais pleurnichard. Cet enfant est plein de ressources, il se sort de tout avec une vitalité incroyable.  On retrouve la tonalité d’un Mark Twain, ou plus récemment John Irving, celle des grands raconteurs de personnages cabossés par la vie mais contés sur un mode picaresque et enlevé. Mais à l’inverse de bien des écrivains américains contemporains, la présence de Dieu est très importante pour le jeune héros, qui vit une véritable renaissance après le baptême mormon.

Je ne peux pas m’empêcher de voir dans ce miraculeux destin d’Edgar Mint, celui du peuple indien tout entier, qui survit aux Blancs,  au métissage, aux mauvais traitements et à l’extrême pauvreté, à l’alcool, à l’enfermement et même aux braves gens qui à force de bonnes intentions voudraient noyer cette identité dans l’américanité.

 
Le miraculeux destin d’Edgar Mint

Braddy Udall traduit de l’américain par Michel Lederer
Albin Michel, 2001
ISBN : 9782226126610 – 560 pages – 22,95 €

The Miracle Life of Edgar Mint, parution aux États-Unis : 2001


59 commentaires sur “Le destin miraculeux d’Edgar Mint de Brady Udall

    1. C’est vrai que dans le genre « enfant malheureux », c’est une belle réussite, pas larmoyante, qui se lit très facilement et peut-être proposé à de jeunes lecteurs (bon pas trop jeunes non plus, disons adolescents).

  1. Ah je pensais que tu l’avais oublié, celui là (un ex lecture commune! au fait, Un acte d’amour, tu le liras? Tu sais que je l’ai abandonné)

    1. Tu as vu, je me rattrape ! J’ai un peu beaucoup laissé tomber les challenges qui m’enthousiasment sur le coup, puis je me retrouve avec des lectures obligatoires qui ne me tentent peut-être plus au moment où il faudrait que je m’y colle. Alors je ne sais pas, un jour peut-être…

    1. Alors ça, c’est un coup bas ! Non mais vraiment, je rattrape avec Astrid une lecture commune que j’aurais dû faire il y a quelques mois avec Keisha, et voilà ! J’espère que toutes celles avec qui j’ai rompu les lectures communes ne vont pas venir se plaindre… Non sans blague, André est toujours sur mon étagère, il est sage, il ne réclame pas (lui !), il attend son heure…

    1. Ah bon !? Ça n’est pas un livre ennuyeux du tout pourtant… c’est même très picaresque comme récit… tu aurais dû persévérer,oui , tu aurais dû…

  2. D’habitude on n’est pas trop fan des histoires de gosses, mais cet auteur n’écrit pas comme s’il avait 13 ans et il a depuis bien longtemps oublié la naïveté de l’époque où il n’avait pas encore de poils au menton : c’est de la vraie littérature, pour adultes, c’est dur et c’est fort.
    Si vous avez aimé Brady Udall, ne manquez surtout pas son recueil de nouvelles : Lâchons les chiens.
    Certes ce n’est pas un gros pavé comme Edgard Mint, mais on a trouvé ça encore meilleur. Udall est un as de la nouvelle à l’américaine.
    http://bmr-mam.over-blog.com/article-13125721.html

    1. Merci beaucoup pour ce conseil. Ce recueil de nouvelles est dans ma PAL, mais c’est vraiment que je ne suis pas trop lectrice de ce genre (ne me demandez pas comment il est arrivé là…). Mais bon, je peux toujours en lire une pour voir si je suis ferrée !

  3. J’ai eu un grand coup d’émotion à la lecture de ce roman qui du coup a fait le tour de la famille avec chaque fois un avis très positif
    J’aime l’humanité des personnages et la vie explosive qui transparait envers et contre tout

    1. Mon mari l’a lu aussi et a été séduit. C’est vrai que ça n’est pas gnan gnan dans le ton et que la vitalité de ce jeune garçon est une vraie leçon pour tous.

  4. Comme Valeriane, ce livre traine dans ma PAL depuis un sacré bout de temps. Merci de me le rappeler, on ne sait jamais, 2011 sera peut-être son année 😉

    1. Je ferais des lectures communes avec toi avec plaisir. Je n’ai pas trouvé ta PAL sur ton blog : contient-elle autres choses que du japonais ou du suédois 🙂 ?

  5. Dans la pile, celui-là! Depuis une demi-éternité, d’ailleurs… j’Étais curieuse de voir le portrait d’un jeune traumatisé crânien, étant donné mon boulot!!

  6. Je n’avais pas aimé « Lâchons les chiens » de l’auteur, peut être que je pourrais me réconcilier avec lui grâce à ce titre là que, du coup, je n’avais pas noté jusqu’à présent!

  7. Je m’y étais attelée un peu contrainte et forcée (je cherchais un U pour le challenge ABC) parce que le titre (trop long) ne m’inspirait pas. Et en fait, j’ai été totalement embarquée dans son miraculeux destin.

    1. Comme quoi les challenges ont du bon. Moi, j’ai abandonné lâchement les miens, trop de tentations partout pour que je reste fidèle à un choix…

  8. Je fais une petite pause dans mes lectures US, mais c’est pour mieux y revenir ! J’ai aussi noté « La malédictions des colombes » sur la situation des Indiens d’Amérique, et « Dalva » est dans ma PAL… je sens que je vais me faire une thématique 🙂

    1. Je crois qu’il a voulu garder une distance humoristique qui permet une tonalité plus légère, je trouve qu’au final, c’est mieux parce que sinon, quelle suite de malheurs !

  9. Lâchons les chiens est meilleur, lis au moins deux nouvelles, tu verras, cela ne prendra pas beaucoup de temps…

  10. Je l’avais lu à sa sortie et il m’avait aussi fait penser à John Irving mais bon, juste en un peu moins bon quoi (ben oui, John il est unique !!!! )

    1. Je suis d’accord, il n’y a pas grand-chose au dessus d’Irving, disons que c’est dans la veine (ouf, j’espère que ça va comme ça 🙂 )

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