Pilules bleues de Frederik Peeters

Pililues bleuesLa couverture illustre très bien le thème de cette bande dessinée : un couple assis dans un canapé, qui voudrait bien être comme tous les autres couples assis dans un canapé, sauf qu’il navigue sur une mer houleuse dont il n’a aucune maîtrise. Cette mer-là, c’est le SIDA, de quoi mouvementer la vie…

Frederik a déjà aperçu Cati de loin en loin, et l’a toujours trouvée à son goût. Rien de bien concret jusqu’au jour où ils se trouvent si bien ensemble qu’ils décident d’aller plus loin. Mais avant, Cati avoue à Frederik qu’elle et son fils de trois ans sont séropositifs. Tempête sous un crâne, questions, peurs,  rien ne sera simple pour ce couple-là, et c’est peut-être ce qui va les lier.

La peur d’attraper le SIDA et donc la peur de faire l’amour, la honte d’avouer la maladie aux autres, la nécessité de surveiller son corps, de se soigner, de rassurer, et toujours la mort qui rôde. Frederik Peeters raconte le quotidien de la maladie tel qu’il l’a vécu mais sans jamais faire du lecteur un voyeur. C’est d’ailleurs ce qui rend cette bande dessinée si forte et si émouvante : il dit et dessine simplement, avec sincérité et retenue, sans pathos ni dolorisme.Il met aussi en image et en mot ses interrogations, bien plus complexes que celles d’un couple qui vit sans maladie mortelle comme compagne quotidienne.

« Des fois… je me demande si je me sens bien dans cette histoire parce que j’y ai le beau rôle… Ce n’est pas moi qui suis HIV… Moi je soutiens, je supporte? Je suis obligé de voir les choses positivement… pour contrebalancer […] Mais la maladie ? Quel rôle joue la maladie dans notre amour ?« 

La majeure partie de la bande dessinée est consacrée aux relations de couple, mais la paternité y tient également une part importante. Petit à petit, des liens se nouent entre le narrateur et le petit garçon, qui n’est jamais vu comme un pauvre gosse malade, mais comme un petit garçon qui ne veut pas manger, pas prendre son traitement, et parfois aussi pas aller à l’hôpital. La maladie n’est pas mise en avant, c’est la relation beau-père/enfant qui l’est avec tout ce que ça implique de doute et de tendresse.

Intimité, sexualité, paternité : Frederik Peeters aborde ces trois thèmes avec délicatesse et sincérité. Pas d’exhibition  ni de larmoyant, juste des tranches de vie. C’est la finesse des propos qui m’a charmée, touchée et finalement j’ai aimé cette bande dessinée dont le graphisme ne me plait pas. Je n’aime pas du tout la façon dont sont dessinés les visages, je les trouve effrayants, l’enfant a parfois l’air d’un alien et Cati ne ressemble que rarement à une femme.

Frederik Peeters n’a pas besoin d’effet de style, de scènes mélodramatiques ou de grandes phrases pour toucher son lecteur. Pudeur et sobriété sont les atouts de son efficacité avec lesquels il va droit au cœur de l’émotion.

 
Pilules bleues

Frederik Peeters
Atrabile (Flegme), 2001
ISBN : 978-2-9700165-6-7 – 190 pages – 20 €

34 commentaires sur “Pilules bleues de Frederik Peeters

  1. Tu sais (non, tu ne sais pas) je lis plein de BD, même si je n’en parle pas sur mon blog. (mes collègues et les biblis me fournissent abondamment soupirs)
    Alors, celle ci, oui, je l’ai lue, tu as raison pour le graphisme, mais qu’est ce que c’est raconté avec sensibilité et pudeur. A lire!

  2. C’est une BD de grande qualité, il réussit à parler de sujets grave et très privés en restant presque léger et surtout respectueux. De mon côté je n’ai eu aucun problème avec le graphisme (mais je peux comprendre tes réticences).

  3. Contrairement à Keisha je lis peu de BD et du coup je suis attentive aux blogs car cela me permet de lire à coup sûr et d’offrir des BD sympa
    Celle ci à l’air particulièrement réussie sur un sujet oh combien difficile, je garde la référence et je vais essayer de la trouver en bibli

  4. C’est un auteur suisse Madame l’Ogresse ^^
    qu’est-ce qu’il est bon cet album, et quelle sensibilité dans le récit. Le graphisme ne m’a pas gêné, je l’ai pris comme une part de réalisme et j’ai justement apprécié qu’on ne soit pas confronté à une ambiance où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». L’imprécision de leurs traits, je trouve que ça accentue leur fragilité, leur sensibilité. Bref, mais je reconnais volontiers que je ne suis jamais très objective sur les œuvres de Frederik Peeters ^^ Ravie que cet album t’ai plu !…

    1. Autant qu’à te faire plaisir, et parce que tu as gentiment insisté, autant frapper fort en BD. Je savais que je ne serais pas déçue par le thème et son traitement, et tu as tous les arguments qui sauraient me faire revoir mon jugement sur le graphisme.

  5. Ok, c’est pas pour moi. Ca semble très émouvant mais les dessins ne me plaisent pas et c’est un thème sur lequel je préfère ne pas lire… Je connais mes limites.

  6. C’est drôle… je viens de la lire et j’ai bcp aimé. J’ai été gênée comme toi par le graphisme « cru ». Puis, je me suis dis qu’il s’agit d’un homme et de sa vision. Elle n’est pas romancée, aucune fioritures, pourtant j’aurais aimé trouver sa femme belle par le biais de son crayon. Quoi qu’il en soit j’ai bcp aimé et également noté le passage que tu cites. Un sujet casse-gueule, il évite tous les écueils !

    1. Décidément, nous avons les mêmes bonnes lectures 😉 Ce graphisme-là n’est pas toujours celui que Peeters utilise, je le trouve plus convaincant avec un trait moins dur et un peu de couleurs…

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