La couverture de Colère en Louisiane est trompeuse car l’action se déroule en Louisiane à la fin des années 1970. Le bayou, les champs de canne à sucre sont toujours là, mais plus l’esclavage, ni même la ségrégation. Pourtant, les conflits entre Noirs et Blancs sont plus que jamais présents.
Colère en Louisiane est un roman polyphonique aux multiples personnages qui prennent tour à tour la parole pour permettre au lecteur de reconstituer les événements et d’en suivre les conséquences depuis deux points de vue antagonistes.
Candy, une jeune fille blanche, fait appeler tous les vieux Noirs à la plantation Marshall où Beau Boutan vient d’être assassiné. C’est elle qui l’a tué, affirme-t-elle, et pas Mathu, le vieux Noir qui l’a élevée. Clabber, Dirty Red, Coot, Chimley, Rooster… ils arrivent tous à la plantation, armés comme ils ne l’ont jamais été, et chacun affirme au shérif Mapes qu’il a tué Beau. Chacun est prêt à le jurer et même à mourir pour ça. Parce que ces vieux Noirs fatigués voient enfin l’occasion de ne plus se cacher, de ne plus ramper, de faire front face aux Blancs qui les ont humiliés toute leur vie. Eux qui ont toujours courbé l’échine se tiennent bien droit devant le shérif Mapes et affirment qu’ils ont tué Beau Boutan.
Et ils attendent. Ils attendent que le clan Boutan arrive, s’empare de Mathu, présumé coupable, et le lynche. Parce que c’est comme ça que ça se passe en Louisiane, les vieux le savent. Sauf que Gil, le frère de Beau, refuse de faire partie du comité de lynchage. Il joue au football avec Cal, un Noir, et tous deux forment un tandem invincible. Mais il reste quand même quelques esprits vengeurs qui, bien qu’extérieurs à la famille Boutan, décident d’aller faire justice à la plantation Marshall.
Il est bien sûr question dans Colère en Louisiane des tensions entre Blancs et Noirs dans le Sud des États-Unis qui sont toujours effroyablement actuelles. On se dit en lisant que cette histoire se passe peut-être après la guerre de Sécession, ou avant la déségrégation ; mais la modernité est là, bien là et on comprend que les choses n’ont guère évolué, malgré les lois.
L’espoir vient du jeune sportif, qui se détourne de l’esprit de vengeance ancré dans sa famille, pour choisir l’entraide. Mais on le sent bien seul, écrasé par des décennies de tradition, par les gens du Klan et le parti nazi, mais aussi par le renoncement des Noirs, symbolisé par tous ces vieillards qui se sont tus, ont supporté sans broncher.
Pour Gaines, ce n’est qu’en faisant front ensemble que ces hommes peuvent enfin garder la tête haute. Pour reconquérir leur dignité, ils doivent refuser l’humiliation, même au prix de leur vie, car l’ennemi en face n’est aussi qu’un homme.
Ernest J. Gaines est un des grands écrivains actuels du Sud des États-Unis qui traite des rapports toujours conflictuels entre Blancs et Noirs.
Ernest J. Gaines sur Tête de lecture.
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Colère en Louisiane
Ernest J. Gaines traduit de l’anglais par Michelle Herpe-Volinsky
Liana Levi (Piccolo n°30), 2010
ISBN : 978-2-86747-537-6 – 251 pages – 10 €
A Gathering of Old Men, parution aux Etats-Unis : 1983
Voilà qui est bien tentant, parce qu’en effet, les tensions doivent toujours être fortes là-bas, même si on n’en parle guère.
C’est en effet étonnant de constater à quel point peu de choses ont changé…
Je note, c’est tout à fait le genre de thème que j’aime lire.
Et très bien écrit en plus, ça te plaira.
Ta conclusion est d’une incroyable actualité! Quant à cet auteur, tu m’as donné, à ton tour, envie de le découvrir…
J’en suis ravie car ça a été pour moi une belle découverte.
une découverte récente pour moi aussi! j’adore sa vision du monde noir!
Elle est terrible quand même : on dirait que rien n’a bougé depuis 100 ans…
Ernest J. Gaines fera partie de mes lectures prioritaires dès le début de 2011. J’en avais lu un (Bagarre de juillet) il y a très très longtemps, qui m’avait laissé un souvenir marquant !
je crois savoir que tu n’es pas innocente dans ce choix très judicieux, merci donc !
Choisir l’un des titres de Gaines n’a pas été simple, il y en a tant ( aux couvertures toutes plus évocatrices les unes des autres ). Je suis ravie d’avoir été l’intermédiaire de cette découverte, j’espère que tu as aimé le style qui m’a vraiment accrochée.
Le style est ici tout à fait original puisque de nombreux personnages « parlent » les uns après les autres, de couleurs, de conditions et d’éducation différentes, et chacun tout à fait crédible et vivant. C’est très réussi.
Je dois lire cet auteur qui je pense correspond bien aux thématiques qui m’intéressent, donc pourquoi ne pas commencer par celui-ci..
Une très bonne façon de commencer avec cet auteur pour ma part.
Je ne le lirai peut-être pas tout de suite mais je le note pour ce sujet toujours d’actualité.
La période durant laquelle se passe l’action est longtemps indéterminée, c’est certainement volontaire, on peut se croire dans les années 50, début 60, avant Martin Luther King. Et puis il est tout à coup question du Vietnam et on se rend compte que dans ce Sud profond, les moeurs ne changent pas…
Un auteur passionnant et comme tu le dis qui n’a pas franchement perdu son actualité car si on remplace les plantations par les rues des villes …
je n’ai pas lu ce roman là mais à te lire je retrouve mes impressions à la lecture de « l’autobiographie de Jane Pitman » et » Par la petite porte » ses portraits sont très attachants et il sait défendre la cause des noirs sans aucun pathos
Pas de larmoyant, non, ni de bons sentiments, mais des hommes et des femmes très humains, qu’ils soient Noirs ou Blancs.
je vais l’ajouter à la LAL
Je te souhaite donc une bonne lecture.
Je ne connaissais que de nom l’auteur, et tu donnes très envie de se plonger dans ce roman.
Tu verras, ce détour par la Louisiane est des plus authentiques.
Tout à fait capable de me plaire aussi… ^_^
J’en suis sûre !
A la bibli, yes!
Sans oublier le pauvre cyclone qui est venu tout ravager….
La Louisiane n’est pas une terre bénie en ce moment…
Un thème qui m’interpelle. Je note bien volontiers.
En fait, ce thème était à la base de notre troisième échange swap à Emmyne et moi, enfin moi plus particulièrement qui avais choisi pour thème « Black is beautiful » (elle s’était « Blanc comme neige »). Ça n’est donc pas fini dans ce registre…
Moi aussi, je le note sans tarder !
J’espère que vous serez nombreux à le lire et que ce sera pour vous aussi une belle découverte.
Un auteur que je ne connaissais pas mais que tu viens de me donner très envie de découvrir 🙂
Je suis vraiment ravie de partager cette découverte avec vous.
Ce livre a l’air d’être « coup de poing » ! Et en même temps, il semble y avoir une lueur d’espoir dans ce roman ?
Oui et non : l’auteur croit en l’homme, c’est certain, mais quand même il souligne très bien que rien ne change…
Ce qui fait peur c’est cette modernité et cette adaptation possible un peu partout en ce moment.
Oui, et c’est pour ça que malgré l’humanisme de l’auteur, le livre reste quand même sombre.
Que j’aime cette maison d’éditions qu’est Liana Levi qui nous permet de (re)découvrir des auteurs peu ou pas connus, de nous les faire lire, apprécier et de les partager avec d’autres amoureux des beaux et bons ouvrages. J’ai repéré celui-ci lors de sa sortie en poche chez « Piccolo » ainsi que « D’amour et de poussière » ou encore « Autobiographie de Miss Jane Pittman » … Un grand auteur qui traite encore et toujours de cette plaie bien présente aux États-Unis.
C’est en effet une très bonne maison qui donne accès à des romans importants qui ne sont pas mis sur le devant de la scène littéraire. Heureusement qu’il y a les blogs !
Bonjour
Je ne connaissais pas non plus cet auteur. Je l’ai découvert en lisant Par la petite porte, et j’ai continué avec Colère en Louisiane, et je compte bien ne pas m’en arrêté là. D’ailleurs je les avais chroniqué favorablement sur mon blog, il y a déjà quelques mois.
Amicalement votre
Oncle Paul
Bonjour et bienvenue ici. On fait toujours d’agréables découvertes grâce à la blogosphère et cet auteur, bien trop discret, en fait partie.
En commentaire de ma lecture de Kathryn Stockett, ce matin, Emmyne me signale le nom de cet auteur que je ne connaissais absolument pas et en faisant une recherche je tombe sur ton billet qui me permet de mieux le découvrir. J’ai très envie de le lire à mon tour maintenant.
C’est Emmyne qui me l’a fait découvrir, et oui, c’est bien meilleur que Stockett à mes yeux.