Cœur de lièvre de John Updike

Cœur de lièvreHarry Angstrom est l’anti-héros de cette histoire, par ailleurs premier volume de ses « aventures ». On le surnommait jadis Rabbit, quand il était un as du basket au lycée, son seul titre de gloire, pas si ancien d’ailleurs puisque Rabbit n’a guère plus de vingt-cinq ans. Mais voilà, il est devenu représentant en électro-ménager, a épousé une femme qu’il trouve bête et vit sa vie d’Américain moyen qui s’ennuie dans la Pennsylvanie des années 60.

« J’ai eu l’impression que je passais mon temps à aller chercher ceci ou cela, à essayer de remettre de l’ordre dans le désordre qu’elle n’arrêtait pas de créer. Je ne sais pas, il m’a semblé que j’étais englué au milieu de jouets cassés, de verres vides, de programmes de télévision, de repas en retard et sans moyen de m’en sortir. Et, tout d’un coup, je me suis dit que c’était rudement facile de m’en sortir, qu’il n’y avait qu’à partir et je dois dire que c’était bien facile en effet.« 

Et s’il partait ? Et si au lieu de rentrer un soir, il partait au volant de sa voiture pour au moins la Virginie, laissant là fils et femme enceinte ? C’est ce qu’il fait Rabbit, mais il ne va finalement pas bien loin. Il tourne en rond ou peu s’en faut au volant de sa voiture pour finir chez son vieil entraineur, puis dans les bras de Ruth, jeune femme qui gagne sa vie en vendant son corps, sans pour faire de la prostitution un métier, plutôt un passe-temps lucratif. Rabbit s’installe chez Ruth, si docile en amour, si facile à manier, mais un pasteur arrive à retrouver sa trace, à se lier d’amitié avec lui et à travailler à son retour au foyer conjugal.

Livre maussade, personnages terriblement médiocres, écriture mécanique. L’enthousiasme n’est donc pas au rendez-vous, même si le portrait de l’Amérique que fait Updike à travers son Rabbit a de quoi retenir l’attention. Mais Harry Angstrom n’est pas seulement un Américain moyen, c’est aussi un type infect, qui n’arrive pas à se décider, autoritaire avec les faibles, incapable de prendre ses responsabilités, totalement immature. Il se dit victime de sa femme, de ses parents et beaux-parents, de la société qui lui a réservé une si petite place. Il se plaint, rejette la faute sur les autres, et c’est tout.

Mais un héros détestable peut faire l’objet d’un livre formidable. Or, j’ai eu du mal à apprécier l’écriture de John Updike, que je trouve très sèche, presque mécanique. Il s’attache beaucoup au quotidien, décrit énormément, en particulier le couple, l’intime et l’imperfection des corps : la graisse, les boutons, l’avachissement, le vieillissement, Updike se plait à décrire crument la décadence physique.

Loin de l’émotion et du lyrisme, Updike dresse un portrait glacial de l’Amérique des années 60, avec au centre un homme qui voudrait obéir aux désirs de son corps sans en assumer les conséquences, profiter des autres sans tenir compte de leurs aspirations, se débarrasser des carcans que sont la famille, le travail, la religion tout en trouvant son linge repassé et son assiette pleine. Et surtout, surtout, ne pas finir tout seul et malade, pouvoir toujours se relever et courir après ses rêves.

Cœur de lièvre

John Updike traduit de l’anglais par Jean Rosenthal
Seuil (Points), 1983
ISBN : 2-02-006513-4 – 333 pages – épuisé dans cette édition

Rabbit, Run, parution aux Etats-Unis : 1960

23 commentaires sur “Cœur de lièvre de John Updike

  1. Je n’ai jamais lu cet auteur même si je connais son anti-héros Rabbit de nom ! D’ailleurs, j’avais noté ces titres mais du coup, je ne suis pas très sûre d’apprécier vu ce que tu en dis ! Je verrai s’ils sont à la biblio !

  2. Je viens de lire un roman de F. Juhel sur le même thème « Les hommes-sirènes » : un pur bonheur, une écriture entre onirisme et poésie, un fond brûlant et beaucoup d’humanité. Je vais rester sur cette bonne impression…

    1. J’ai déjà lu un livre de cette auteur qui m’a bien plu, il est possible que je renouvelle l’expérience avec ce titre à propos du quel je n’entends que du bien.

  3. J’ai eu l’occasion de lire Villages de Updike, mais je n’ai pas pu. Très difficile d’entrer dans le style et l’histoire de cet écrivain.

    1. On dit de lui qu’il était le grand analyste des classes moyennes, soit. Mais tout comme toi, je n’ai pu me faire à son style. Cependant, ce livre est un de ses premiers, sur plus de 60, donc je retenterai l’expérience.

  4. Updike est un des tout meilleur et la saga Rabbit est pour moi ce qu’il a fait de mieux.
    Dieux sait que Updike est un très grand écrivain (Joyce Carol Oates en est fan! Si besoin de preuve).
    L’idée de Updike est d’écrire chaque tome en donnant a Rabbit son age, il n’hésite pas a se faire mal, il est plein d’humour mais sans complaisance pour lui-même et l’Amérique…
    Son écriture est d’une incroyable fluidité qui a été critiquée par certains chagrins, quel talent…!!
    Heureux ceux qui ne l’on pas lu ou ne connaissent pas, c’est un bonheur a la portée de toutes les bourses en pocket d’occasion!
    Je me demande pourquoi il n’a pas eu le Nobel, cité souvent il n’aura pas réussi, dommage!

    1. Eh bien écoute, je dois être un esprit chagrin car je n’ai pas trouvé la moindre fluidité dans son style, bien au contraire, je le trouve très mécanique et très froid. Mais je ne suis pas rancunière, je le testerai dans un genre plus décalé, avec Les sorcières d’Eastwick très certainement.

  5. Un auteur que je voudrais découvrir, (je voulais le mettre dans un challenge ABC, mais ai pris Udall, bonne pioche). Sans doute un de ses romans les plus célèbres conviendra, soyons courageux mais pas téméraires…

  6. Oh, je n’ai pas de super bons souvenirs de ce roman. J’étais restée extérieure, j’avais détesté le personnage, même si pendant les premières pages, j’avais trouvé le ton approprié. Un moment donné, j’en avais eu assez. Et dire que j’ai le tome 2 dans ma pile… soupir.

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